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Interview|Assirvaden: «Nando Bodha peut-il sérieusement aspirer à 31 tickets?»

4 septembre 2022, 14:30

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Interview|Assirvaden: «Nando Bodha peut-il sérieusement aspirer à 31 tickets?»

Dimanche dernier, Navin Ramgoolam s’affirmait comme le prochain Premier ministre, sans partage, devant 4 000 personnes. Le lion ne laissait aucune miette du siège de PM à ses futurs alliés. Mardi, son monde s’écroule avec la réouverture ordonnée du procès sur les Rs 220 millions retrouvées chez lui. Où va le PTr à partir de là ? Son président, perçu comme un pur Ramgoolamiste, accepte le défi d’affronter nos questions sur l’incapacité de son leader à concourir pour le poste de Premier ministre.

Un congrès – au cours duquel Navin Ramgoolam se positionne comme Premier ministre non négociable pour cinq ans – que vous qualifierez sans doute de succès dimanche, puis mardi, le jugement défavorable à Ramgoolam. Comment avez-vous vécu cet ascenseur émotionnel en 72 heures ?

Je ne mens pas en disant que le congrès fut un succès. D’abord en termes d’affluence. Les photos de votre propre journal suffisent pour montrer qu’une salle avec 4 000 chaises était remplie avec beaucoup de personnes qui étaient debout. Donc pas la peine pour moi d’avancer d’autres chiffres. Il y avait ensuite la qualité. Nos délégués étaient présents, mais également de nouvelles têtes, des jeunes entre 30 et 40 ans. Puis il y avait l’enthousiasme. C’était, je vous le rappelle, un congrès. Ce n’était pas un meeting-bazar. Ce n'était pas une kermesse, ni un meeting kes kamion. C’était un congrès pour renouveler l’exécutif. Évidemment, il y a eu la qualité des propositions de Ramgoolam sur notre programme gouvernemental pour 2024. Ce fut un tel succès que lundi matin, Joe Lesjongard a dû tenir une conférence de presse pour tenter d’en minimiser le succès. Bien sûr, nous avons vécu une transition rapide, je suis d’accord avec vous. Nous n’avions même pas fini de digérer que le jugement étonnant (il répète le mot «étonnant») est tombé mardi. Je dis bien «étonnant». Mais notre plan n’a jamais occulté ce jugement. Notre plan est politique et légal. Quoi qu’il arrive, le Dr Ramgoolam avait son plan B.

Vous saviez que ce jugement était prévu pour cette date ?

Non. Ni moi, ni le Dr Ramgoolam. Je l’ai appris mardi matin. C’est étonnant.

Vous n’arrêtez pas de dire ce mot depuis le début. Qu’est-ce qui vous étonne ?

Le timing.

Mais la Cour suprême est justement «suprême». Quand un jugement est mis en délibéré, on sait tous qu’il peut tomber n’importe quand.

N’empêche c’est étonnant, et je suis sûr que beaucoup de personnes trouvent que la coïncidence est étonnante. Le jugement tombe immédiatement après la cristallisation et la concrétisation de l’option Ramgoolam comme l’alternative au poste de Premier ministre. Ramgoolam s’est présenté clairement dimanche ; il s’est affirmé, il n’y a pas de doute là-dessus. Il n’y a aucune ambiguïté derrière la phrase «kan enn komandan inn gagn lager ou pa kapav dir li asizé». Le timing du jugement est donc surprenant ; plus que le contenu.

Du coup, c’est quoi le plan B ? Le Ramgoolam en verve avec sa fameuse phrase «tan ki mo la ou péna pou pér» est-il toujours candidat au poste de PM pour cinq ans, comme il l’a clairement dit dimanche dernier ?

Navin Ramgoolam a dit ce qu’il a dit en sachant qu’il y avait cette affaire en Cour suprême. Il est bien conscient de cela. On en est tous conscients. On l’a peut-être oublié pendant un certain temps, mais il était quelque part au coin de notre tête. Donc, les décisions du Parti travailliste (PTr), la position de Ramgoolam, quoi qu’il arrive dans cette affaire – en passant, laissez-moi préciser que c’est sur un point de procédure que la Cour suprême a donné gain de cause au Directeur des poursuites publiques (DPP). Ce n’est pas sur le fond de l’affaire.

On peut entrer dans un débat légal si vous le souhaitez. C’est l’avocat même de Navin Ramgoolam qui avait – sur une question de procédure, le fait que les «particulars» de la poursuite n’étaient pas assez détaillés – obtenu une radiation procédurale des charges. Jamais l’affaire n’a été prise sur le fond !

Vous et moi sommes en train de dire la même chose à la fin. La Cour suprême a simplement statué en faveur du DPP sur la procédure de radiation des charges en cour intermédiaire.  Ce que je veux dire, c’est que la Cour suprême n’a pas condamné Ramgoolam. Nous irons au Privy Council en sachant que dans beaucoup d’affaires, celui-ci a renversé un jugement de la Cour suprême. Nous souhaitons que le Privy Council écoute l’affaire rapidement et les choses seront plus claires.

Cela ne répond pas à ma question. La position personnelle de Ramgoolam vis-à-vis du leadership du PTr, vis-à-vis de ses ambitions premier-ministérielles pour un mandat sans partage pendant cinq ans, est-ce que ça change ?

Rien ne change !  Absolument rien ne change. Dans tous les cas de figure, rien ne change.

Je serai le porte-voix de la proposition de ReA pour un gouvernement de transition au BP du PTr. J’aime cette proposition.

On ne peut avoir un Premier ministre qui fait face à un procès sous la FIAMLA !

Je vous rappelle que Pravind Jugnauth s’était porté candidat en 2014 alors qu’il y avait l’affaire Medpoint en cour intermédiaire. Il a été élu, il a été nommé ministre. Il faut faire la part des choses. De 2014 à ce jour, vous savez dans combien d’affaires criminelles Ramgoolam a été poursuivi ? 11 ! Vous savez combien de ces affaires sont tombées à l’eau ?

10 !

Non 11 ! Sori mo arét ou ! 11 ! (Il traîne la syllabe «on» du mot «onze» éternellement). Là, il y a eu un appel sur un point de procédure, qui sera entendu au Privy Council. Fer atansion ! Il n’y a eu aucun jugement dans aucune cour qui condamne Navin Ramgoolam. Le DPP a logé un appel, il l’a remporté. Tansion ! Que dit le jugement ? Re-trial en cour intermédiaire. Nou pa fer érer lor là. Donc rien ne change. Il y a la chose politique, puis il y a l’aspect légal. Moi je ne m’occupe pas du côté légal. Son avocat a annoncé qu’il irait au Privy Council. On verra. Au niveau politique, le PTr maintient ses positions. Donc rien – absolument rien ! – ne change à l’heure où on se parle.

Mettre 800 à 1 000 personnes dans une salle avec le bruit des dolok n’est pas un gage de popularité.

Et dire que le DPP est le frère d’Arvin Boolell ! Ça vous fait réfléchir outre-mesure ?

C’est un fait que le DPP est le frère de Boolell. Ceux qui disaient que puisque c’est un Boolell, il protègerait le leader du Ptr avaient donc tort. Navin Ramgoolam n’a jamais demandé de clémence, ni de faveurs de qui que ce soit. Jamais ! Jamais au moment où il est arrêté, il ne demande à se rendre en clinique. Il aurait pu, et on a vu ce cinéma de nombreuses personnes, du MSM notamment. Donc, nous ne demandons aucune clémence, aucune faveur. Nous faisons confiance à la justice du Privy Council. Je le répète : nous ferons confiance à la justice du Privy Council. Nou ava gété. Nou ava trouvé.

N'aurait-il pas été plus judicieux de laisser la cour intermédiaire prendre cette affaire une fois pour toute sur le fond, au lieu de porter une question de procédure au «Privy Council» ? Finissons-en une bonne fois en cour intermédiaire !

Pourquoi vous ne voulez pas qu’on aille au Privy Council ? C’est un recours logique pour les avocats de Ramgoolam qui estiment que les juges mauriciens ont tort.

Vous faites confiance au judiciaire mauricien finalement ?

Je préfère m’abstenir.

Comment ça ? Vous étiez en train de m’inviter à vous poser la question quand vous avez répété «nous faisons confiance à la justice du Privy Council». C’était pour vous abstenir ?

Je préfère m’abstenir. (Il nous regarde droit dans les yeux et sourit discrètement). Je pense que le discours de Ramgoolam dimanche sur les changements à apporter au judiciaire en dit long sur l’état d’esprit de Ramgoolam en tant qu’ancien Premier ministre avec l’expérience du pouvoir, mais également celui de tous les Mauriciens. Nous sommes privilégiés en tant que personnalités politiques parce que la presse rapporte ce que nous subissons et elle met la pression. Maintenant imaginez pour le commun des mortels, ceux qui subissent le système judiciaire sans pouvoir se faire entendre. Par exemple, le cas de Darren Activiste (NdlR : au moment de l’entretien, Darren n’avait pas encore obtenu la liberté conditionnelle) m’interpelle et me révolte. Ce n’est pas un criminel. C’est un activiste politique et social. Que vous soyez d’accord ou pas avec lui est un autre débat. Sa façon de parler est un autre débat. Quand vous voyez que d’autres personnes pour des délits plus graves ont droit à la liberté sous caution, je suis étonné.

Il y a une nuance. Il était déjà en liberté conditionnelle.

Peu importe. Il y a la loi et l’esprit de la loi. Y a-t-il quelqu’un à la tête de la police qui réfléchit en ce sens ? La police objecte à sa liberté sous caution alors que le délit commis concerne justement la police quand il a dit ce qu’il a dit dans son Live Facebook. Vous trouvez ça normal vous ? Moi non ! Apel sa tou sinpleman dominer ! Ramgoolam dimanche dernier n’a pas parlé de ce cas précis, mais il a eu une approche plus vaste pour proposer une réforme du judiciaire.  C’est une des priorités du programme gouvernemental du PTr aux prochaines élections.

Le jugement de la Cour suprême n’a pas condamné Ramgoolam. Donc absolument rien ne change pour nous.

Est-ce que l’arrestation d’Akil Bissessur avant le congrès a affaibli la mobilisation de dimanche dernier ?

Absolument pas. Allez revoir les photos de la salle de 4 000 places complètement bondée. Akil Bissessur, on ne va pas se le cacher, est un fervent du PTr. C’est connu de tous. J’ai entendu Jugnauth mentir. Il ment. Le Premier ministre ment en disant qu’Akil Bissessur est un «dirigeant» du PTr. E ou la ! Li népli koné ki vé dir dirizan ? Akil Bissessur n’est dans aucune instance du PTr. Ni le bureau politique, ni l’exécutif, ni le CLP. Mais c’est un fervent. On a vu ce qu’on a vu lors de son arrestation. Laissons la justice suivre son cours. On verra. Ça ne nous a pas affaibli. La preuve, vous avez vu, nous avons vu le déferlement rouge à Trianon.

Venons-en à l’aspect purement «politique électorale» de cet entretien. La revendication, voire l’affirmation, de Ramgoolam pour un mandat de cinq ans comme PM a été acceptée par ses éventuels alliés que sont le MMM, le PMSD et le Rassemblement Mauricien ?

Écoutez Monsieur. Il faudra le leur demander. Je suis la première personne à avoir dit que Ramgoolam doit être un Premier ministre de la transition.

(On l’interrompt). «Enn long tranzision sa ! Sink an» !

La relève se prépare. Devenir Premier ministre, avoir la charge d’un pays ne s’apprend pas du jour au lendemain. Vous avez vu l’état du pays géré par des novices ? Vous voulez que je vous cite ces ministres novices et leur bilan catastrophique ? Vous avez vu ce Premier ministre novice qui a hérité du pouvoir de son père ? Il a détruit tout ce qui a été construit en 50 ans. Tout ! D’Air Mauritius à la Banque de Maurice, you name it ! Toutes les institutions sont politisées.

Ça n’a rien à voir avec le fait d’être novice ou avoir de l’expérience. Pour être simpliste : «enn novis kapav onet, ek enn minis ki ena lexpérians, li kapav enn voler !»

Le poste de Premier ministre requiert quand même quelqu’un avec une certaine stabilité.

Si votre logique est de revendiquer le poste de Premier ministre à quelqu’un qui a déjà assumé les fonctions…

(Il nous interrompt). Ce n’est pas ce que j’ai dit. Pourquoi dites-vous que j’ai dit ça ? Je dis tout simplement que dans le contexte actuel, il nous faut un Premier ministre qui a de l’expérience, une vision, qui est un rassembleur, contrairement à Pravind Jugnauth qui a un comportement et un discours sectaires.  Ramgoolam est à l’opposé de ça. Nous n’avons pas discuté des modalités de la transition, mais la transition viendra au moment opportun.  Vous devez au moins accorder le bénéfice du doute à Ramgoolam. Au moins lui, il dit la vérité. Quand vous aviez personnellement interrogé sir Anerood Jugnauth sur ses capacités physiques pour gérer le pays pendant cinq ans, il vous avait dit «ou enn dokter ou ?» Puis pendant justement ce mandat de cinq ans, il se dit fatigué et cède le prime ministership à son fils. Au moment où vous lui aviez posé cette question, je suppose que c’était parce que vous saviez dès 2014 qu’il y avait le risque qu’il fasse ce qu’il a finalement fait, c’est-à-dire, utiliser les élections de 2014 pour offrir le prime ministership à son fils. Vous saviez, on savait, ils le savaient, mais ils ne l’ont pas dit. C’est pour ça que nous l’avons surnommé, un Premier ministre linpos. Mais Ramgoolam a au moins le mérite d’être clair, d’être direct et de ne rien préparer et manigancer dans le dos du peuple.

Puisqu’on en parle. Ramgoolam est-il physiquement apte à gérer le pays pendant cinq ans ?

Ou koné, mo pa dokter mwa in ! (Il sourit). Je suis le président du PTr et certes très proche de Ramgoolam mais je ne suis pas médecin. Quand je l’entends parler, quand je le vois opérer, quand je le vois dans des réunions, je vois un homme en bonne santé. Bien sûr, il a l’âge qu’il a. Il a les faiblesses qu’il a. Il porte sans doute encore les séquelles de son Covid. Donc la réponse à votre question est oui !

Au cours d’un éventuel mandat, il ne va pas dire qu’il est fatigué et qu’il passe le témoin ?

Si cela arrive, ce sera humain. Au moins, vous avez devant vous quelqu’un qui est vrai et qui est en train de tout vous exposer. Il vous expose ses pensées. Il aurait pu dire qu’il serait Premier ministre pour trois ans et après il refuse de partir. Mais non. Il a dit le fond de ses intentions en public dimanche dernier. Si éventuellement demain on a des alliés, on en discutera.

Le prochain BP du PTr décidera s'il faudra poursuivre les réunions avec l'Espoir.

Est-ce qu’au sein du PTr, et du bureau politique, la candidature de Ramgoolam pour un «prime ministership» de cinq ans est actée ? Dans ces mêmes colonnes en février dernier, Boolell disait : «Que ce soit clair, Ramgoolam sera PM mais pas pour la durée du mandat.»

Chacun a son opinion. Arvin a la sienne que je respecte. Le 12 septembre, nous aurons un nouveau bureau politique. Chacun peut avoir son opinion.

Mais qui décide ?

C’est le bureau politique. C’est la majorité. Il y a un débat et c’est un débat sain. Il y a certains qui sont contre, d’autres qui sont pour. C’est ça le travaillisme : des débats, suivis de décisions collectives.

Donc le discours revendicateur de Ramgoolam pour un mandat de cinq ans était autant adressé à son propre parti qu’à ses futurs alliés ?

(Il prend un air nonchalant). Je pense que ce message est adressé principalement à ceux qui se positionnent pour être Premier ministre.

Donc à Nando Bodha ! D’ailleurs Ramgoolam a utilisé le mot «locomotive» que Bodha venait d’utiliser quelques jours plus tôt.

Bodha est parmi, oui ! Certainement. Et d’autres encore. Au MMM et au PMSD également où ils peuvent ne pas être d’accord sur tout avec nous, ce qui est également très bien. Nous avons notre position ; nous l’avons affichée. Est-ce qu’il y aura des compromis dans les mois à venir ? On verra. Est-ce qu’on restera ferme sur notre position dans les mois à venir, on verra. Est-ce qu’on aura des partenaires dans les mois à venir ? On verra.

Le PTr seul, c’est une option sérieuse en sachant que cela fera encore le jeu de Pravind Jugnauth ?

Je suis d’accord avec vous. Mais moi je crois qu’on ne devrait pas se cantonner aux partis présents à l’Assemblée nationale. Peut-être que la solution se trouve aussi au niveau des partis extraparlementaires. Il faut voir dans cette direction.

La force électorale du PTr seul risque de ne pas suffire. Il faudra brasser large, très large.

Il n’y en a pas 10 000. Il y a le Reform Party qui a choisi de quitter l’Espoir juste au moment où celui-ci se rapprochait du PTr ; il y a Rezistans ek Alternativ, LPM, Lalit, En Avant Moris.

Je n’ai pas envie d’en citer un en particulier. Des propositions sont en train d’être faites et je note surtout celle de Rezistans ek Alternativ (ReA) pour un gouvernement de transition. J’avais été le premier à avancer l’idée d’un Premier ministre de transition. La proposition de ReA me fait prêter l’oreille. Il y a Bruneau Laurette qui même s’il n’est d’aucun parti politique porte une sensibilité très forte. Li améné li ! Il y a Linion Pep Morisien et les autres. Moi je pense que le PTr, s’il veut brasser large, ne devrait pas se limiter aux partis parlementaires. Sinon nous ne toucherons pas les 50 % qui disent ne s’identifier à aucun parti politique. Le PTr a un hardcore électoral, c’est vrai. Mais avec ce hardcore électoral là, on ne gagne pas les élections. Je suis conscient de ça. Et la voix des citoyens depuis cinq-six ans a un certain poids qui ne peut être occulté. Moi au sein du PTr, je suis en train de pousser dans cette direction. Il faut écouter ces citoyens dont certains – on est d’accord – sont devenus politiciens mais sont restés des voix citoyennes. Je ne vais vous les citer tous. Maintenant, il y a la proposition de ReA…

(On l’interrompt) Une proposition qui ne colle pas avec «sinkan prémyé-minis» pour Ramgoolam ou même quelqu’un d’autre…

Certes, mais elle parle de transition. Et je crois que les Mauriciens s’intéressent fortement à une transition. On ne connaît pas encore la forme et les modalités. Ce que je retiens de la proposition d’Ashok Subron, c’est qu’on éjecte Pravind Jugnauth qui est en train de pourrir ce pays dans tous les sens, et qu’on réconcilie les citoyens et les politiques. Puis chacun verra de son côté quoi faire. Ce qui n’est pas clair, ce sont les modalités de cette proposition. Je pense que si on prend le temps de s’asseoir et de discuter, nous verrions l’état d’âme du PTr sur le sujet et nous aurions vu autour d’une table ronde ce qu’en pensent les autres.

Peut-on faire du neuf avec du vieux, ou pour reprendre l’expression de Roshi Bhadain, les «vieux dinosaures» sont-ils capables d’être l’instigateur d’un renouvellement constitutionnel et de la manière dont on fait la politique ? Je qualifie dans cette question, Ramgoolam de «vieux dinosaure».

Je pense que pour changer le système, il faudra l’aide de ceux que vous qualifiez de «vieux dinosaures». Vous ne pourrez pas sans eux. 15, 100, 200, jeunes animés de leur fougue, de leur conviction et de leur idéal ne suffisent pas. Je crois que ReA et Ashok Subron ont vu loin. Tous les partis sont pro-réforme. Nous sommes nous-mêmes venus avec une réforme du judiciaire qui fera peut-être tiquer certains conservateurs. Notre programme de rupture, par exemple, est motivé par notre connaissance et notre expérience des pratiques du pouvoir. Le PTr ne veut exclure personne. Ce terme «dinosaure» est, je pense, un peu blessant. Dans toutes les maisons, il y a des «dinosaures». Ces «dinosaures» nous sont utiles pour qu’on avance dans la vie de tous les jours. On ne les rejette pas. Et puis le peuple vote des dinosaures. En 2014, le peuple a voté Koonjoo, Gayan, Collendavelloo et évidemment SAJ. C’étaient des dinosaures. Mais le peuple voulait un changement et nous a balayé au profit de ces vieux dinosaures. On ne peut donc pas réduire le débat à la question des nouveaux contre les anciens. Voilà pourquoi je pense que la proposition de ReA est progressiste, rassembleuse, et pas divisionnaire. Moi j’aime cette proposition. Mo koné ki éna boukou dan travayis ki pou dir mwa zot pa dakor. Les conservateurs surtout.

Pourquoi, parce que cette aile pense que le PTr peut gagner seul ?

Non, ils sont simplement réfractaires au changement. Moi je ne suis pas comme ça car je n’ai rien à demander ou à prouver. J’apprécie la proposition de ReA, me sinpleman mo koné lager pou lévé lor modalité. J’ai vu kamarad Bérenger repousser ça d’un revers de la main. Je crois que c’est une erreur. Car si on ne fait rien pour rassurer les 50 % de la population qui ne se retrouvent dans aucun parti politique, ce serait grave. Gravissime ! Je suis un politicien, je connais le comportement de l’électeur, et j’ai participé à plusieurs élections ; je pense donc parler en connaissance de cause. S’il y a un moyen pour ramener ces 50 % de la population à croire dans les partis politiques pour qu’ils voient que tou parti politik pa parey.

Que pensez-vous de la croyance qui veut que Bérenger soit une «liability» dans les circonscriptions 4 à 14 ?

Je n’y crois absolument pas. Le fondement de cette réflexion est purement communal et c’est la carte que veut et va jouer Pravind Jugnauth. Combien d’élections ont été remportées avec Bérenger dans un gouvernement ? Rappelez-vous l’épisode de 1995 avec le discours communal SAJ sur les langues orientales. Quel a été le résultat ? 60-0 contre lui ! Le MSM veut faire croire que ses réflexions et croyances existent parce qu’il ne lui reste que cette carte. La carte communale. Nous avons passé ce cap, il y a très longtemps, et dans le pays, ni les villes, ni les villages ne pardonnent à ceux qui jouent la carte divisionnaire comme le fait Pravind Jugnauth.

Au vu de la dispersion actuelle de l’opposition, ne pensez-vous pas que vous vous exposez à la dissolution surprise de l’Assemblée nationale, une «snap election», qui ne vous donnerait pas le temps de vous regrouper ?

Non. Quand l’assemblée régionale a été dissoute à Rodrigues, l’opposition était dispersée. L’enjeu a fait qu’elle s’est soudainement cristallisée et elle a remporté les élections face à Serge Clair. Mais de toute façon, je ne crois pas que Pravind Jugnauth ait le courage de dissoudre l’Assemblée nationale dans les jours qui viennent pour tenter de renouveler son mandat. Li koné à ki poin li inpopiler. Il est en train de capituler pour des élections municipales. Il n’y a aucune restriction sanitaire qui lui permette de ne pas appeler les citadins aux urnes. Il a peur. Il panique. Vous le voyez appeler tout le pays aux urnes ? Sérieusement.

Je dis juste que vous n’êtes pas prêt.

Ne sous-estimez pas les dynamiques d’une élection. Ne sous-estimez pas les dynamiques d’un peuple qui veut un changement.

Ce que je ne sous-estime pas surtout, c’est la capacité de Pravind Jugnauth à gagner les prochaines élections. Au vu du succès de ses congrès.

Vous savez, monsieur, on sait comment organiser des meetings, et le MSM sait aussi le faire. Mettre 800 à 1 000 personnes dans une salle avec le bruit des dolok n’est pas un gage de popularité. (Il parle subitement avec verve et d’un ton solennel) À la veille de notre déroute en 2014, on remplit le centre Vivekananda. Ranpli mo dir ou ! Tonnerre ! Quelques mois après, on est balayé. Durant la campagne de 2014, malgré les foules de nos meetings, on est balayé. Pravind Jugnauth donne l’impression d’être serein, droit dans ses bottes, et fait celui qui n’a pas peur. Mais au fond, il sait. Il sait mieux que vous et moi à quel point il risque de perdre les prochaines élections. Y a-t-il quelqu’un dans ce pays qui avait voté contre lui en 2019 et qui voterait pour lui en 2024 ? Excusez-moi mais le peu que je m’y connaisse en politique, Pravind Jugnauth a toutes les raisons d’avoir peur.

Peut-être qu’il a toutes les raisons de ne pas avoir peur car en face de lui, il y a des groupes qui n’arrivent même pas à s’entendre sur une date pour une marche.

Je vous réponds par une question. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi subitement Ramgoolam est devenu la cible principale de Pravind Jugnauth ? Si Ramgoolam ne vaut rien, pourquoi Pravind Jugnauth a-t-il consacré ses congrès à le critiquer ? Joe Lesjongard a identifié Ramgoolam comme le principal challenger de Pravind Jugnauth en disant qu’il ne vaut rien. Si li pa vo narien, donn eleksyon. L’homme ne vaut rien et vous vous attaquez à sa vie privée en mentant au sujet de son épouse ? Comparez notre congrès à ceux du MSM. C’étaient juste des délégués ! Nou pankor fer meeting là. Nou pankor donn bis la. Nou pankor donn transpor dan 20 sirkonskription pou amenn dan enn plas la. Si Dieu le veut, le 18 septembre, nous montrerons ce que nous valons. Si nous avons le temps d’organiser cela, et si les moyens financiers le permettent, alors on en reparlera.

N'êtes-vous pas en train de «write off» Pravind Jugnauth prématurément avec votre discours conquérant ?

Non attendez. Je ne suis pas en train d’être conquérant. Vous vous trompez là-dessus. Mais vous discutez aussi avec la population, non ? Dimounn inn plin ek nepli kapav. La population n’a qu’une seule question : kan li pou alé ? kan pou tiré ?

(On l’interrompt) Petite parenthèse, permettez. J’entends aussi dire «Ramgoolam ankor pa pou kapav»

Vous savez, vous aurez tout le temps et je ne dis pas que…

(On l’interrompt encore) Vous entendez aussi cela, n’est-ce pas ?

Oui mais c’est un chapitre qu’on a déjà abordé. Je ne vous ai pas dit que tout le monde dans le pays est amouraché de Ramgoolam. Mais face à la catastrophe que représente Pravind Jugnauth, beaucoup pensent que l’expérience de Ramgoolam sauvera ce pays. Même avec ses faiblesses, Ramgoolam joue un rôle central pour redresser ce pays. Écoutez pour que ce soit clair, voici la situation. À l’heure qu’il est, le PTr a choisi Ramgoolam pour être candidat au poste de Premier ministre. Pour ce que nous représentons – san fer fézer – le PTr doit être la locomotive de l’opposition. Tout doit se construire autour de nous. Si d’autres personnes veulent se positionner comme Premier ministre, elles doivent se donner les muscles nécessaires. J’ai vu M. Bodha vouloir le faire. Qu’il montre d’abord sa force électorale. Eski ou trouv enn rasanbleman lopozision kapav donn Rassembleman Morisien 31 tikét ? Pour la stabilité du pays et notre système westminstérien, l Premier ministre doit commander la majorité et il lui faut 31 sièges. Il faut être honnête et voir la réalité en face. Nou pa fézer. Au contraire, il faudra brasser large. Ce sera mon combat au BP du PTr. Nou bizin kapav tann lavwa bann sitwayen. Que ce soit, LPM, Laurette ou les autres. Il faut débattre de la proposition de Subron. Mo pa dir pé fer lalyans ar Subron. Mé bizin ékouté. Parski 50 % dimunn na pa krwar dan bann parti politik ki dan parlman. Si les propositions sont correctes, si on peut retenir des idées de leurs programmes, si cela nous permet de brasser large, pourquoi pas ? Mo pa trouv personn infrékantab la mwa. Le PTr n’a pas le monopole des idées. Il nous faut écouter les autres, et les autres ce n’est pas juste le MMM, pas juste le PMSD, pas juste Bodha ! Et du reste, nous avons une ligne de communication avec Laurette.

Donc pour résumer, toutes les concessions sont possibles, sauf le «prime ministership» de Ramgoolam.

Ce n’est pas une question de concession, Monsieur. Je me tue à vous le dire. C’est une question de rassembler les idées, rassembler les personnes qui ne veulent que du bien pour ce pays. Ce serait idéal que dans la prochaine Assemblée nationale, il y ait au moins un représentant de ReA, de Linion Sitwayen, et des diverses sensibilités qui méritent d’être là. Collendavelloo est représenté. Ramano se représente tout seul. Obeegadoo, c’est un parti, un député. Les sensibilités de Collendavelloo, Ramano et Obeegadoo ont-elles plus de constance et de cohérence que celles de ReA ? Les partis extraparlementaires sont-ils moins sincères que ceux que je viens de vous citer ?

Je reformule. Toutes les idées sont les bienvenues, sauf celles qui sont contre le «prime ministership» de Ramgoolam.

Bé nou pann koz sa ar personn. Et ce que je suis en train de vous dire part du principe de faire entendre les voix citoyennes. Je ne suis pas intéressé à savoir ce que pense Subron du PTr, mais ses idées nous intéressent. Parce que ReA a dit des choses que nous n’avons pas pu dire. Il a émis des idées que nous n’avons – à tort – pas défendu. Il faut avouer que ces mouvements brassent certaines sensibilités que nous au PTr n’arrivons pas à toucher.

Quand les rencontres des leaders du PTr et de l’Espoir vont-elles reprendre ?

Je ne sais pas.  Le PTr a un calendrier chargé. Il y a le renouvellement du bureau politique. Puis nous aurons une série de congrès pour aller à la rencontre de la population. Puis le 18 septembre, nous fêtons SSR à Kewal Nagar. Nous avons une série d’activités et rien ne presse pour cette rencontre. Mo pa trouvé ki nesesité bizin zwenn.

Qu’est-ce qui a changé entre la dernière rencontre et aujourd’hui quand vous me dites que rien ne presse ?

Je veux dire qu’il y a un nouvel exécutif, et bientôt un nouveau bureau politique. Peut-être que le parti adoptera une nouvelle ligne. Il faut attendre. Est-ce que le nouveau bureau politique demandera à Ramgoolam de continuer ces rencontres, ou bien, va-t-on lui demander d’arrêter ?

Donc «la ki arivé ? Zot inn ranpli lasal Trianon ar 4 000 dimounn ek ou koumans fer fézer ar MMM ek PMSD» ?

Non, non, non. Vous interprétez mal mes propos. Une telle attitude de ma part aurait été méchante. Ce n’est pas mon but. Nou pann fer sa kongré la vinn fézer. Au contraire, on est en train de s’ouvrir aux partis extraparlementaires. Par contre, je refuse de regarder uniquement en direction de l’Espoir. Comptez sur moi pour appuyer cette idée au bureau politique. Ces partis extraparlementaires sont sincères et apportent un élément de réassurance. Cela ne veut pas dire que nous fermons la porte au MMM et au PMSD. Absolument pas. Je dis juste que rien ne presse et que le PTr doit voir plus loin que ça. Les problèmes d’égo ne vont nous mener nulle part. Lot pa dakor ar lot, lot pa kontan sannla, sannla pa koz ar sannla akoz linn kritik ou dan lé pasé. Voilà pourquoi il n’y a pas eu de marches. Des problèmes d’égo ! Il est temps que ça cesse. Lors de notre congrès, nous avons invité le MMM, nous avons invité le PMSD. Nous avons invité tardivement le Rassemblement Mauricien.

Tardivement ?

Oui. Au matin du congrès.

Pourquoi ? Pour punir Bodha parce qu’il a dit quelques jours plus tôt qu’il veut être la locomotive ?

Des fois, la pression marche.

C’est-à-dire ?

Des fois, la pression marche.

J’en déduis que vous avez voulu réduire Bodha à sa juste valeur en l’invitant tardivement et il s’est quand même fait représenter.

Je n’ai pas dit ça. J’ai juste dit que la pression marche. Ceux concernés comprendront.

Chez vous, tout est sujet à une stratégie ? Même le timing d’une invitation à Bodha.

Les invitations avaient été envoyées au PMSD et au MMM à l’avance. Celle au RM n’a été envoyée que dimanche matin. Je suis le président du PTr, je me suis occupé des invitations et c’est moi qui vous le dis. La pression marche.

Passons avec vos ambiguïtés. Le Reform Party est aussi une option dans votre grande quête de rassembler les partis extraparlementaires ?

Je l’ai dit à Arvin, Navin, Shakeel et je le dis à tout le monde. Nou bizin ouver nou lébra. Nou bizin rasanblé. Pour gagner, il faut rassembler. On connaît notre force électorale. Peut-être que cela ne va pas suffire. Il faut rassembler et transcender les questions d’hommes. Il faut rassembler ! Au final, nous avons tous le même souhait : enlever ce cancer qu’est le gouvernement Pravind Jugnauth et permettre au pays et à son peuple de respirer et de vivre.