Publicité

Dev Sunnasy: «Les partis d’opposition pourraient s’unir pour créer un gouvernement de transition»

21 août 2022, 18:15

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Dev Sunnasy: «Les partis d’opposition pourraient s’unir pour créer un gouvernement de transition»

Linion Pep Morisien a présenté cette semaine un projet de loi : la «Freedom of Information Act». Ce qui lui a valu la une de plusieurs médias. Sans Bruneau Laurette, LPM poursuit son petit bout de chemin. Ce parti, en termes de score réalisable, doit-il être pris au sérieux pour les prochaines élections ? Avec la probable alliance des «dinosaures» de l’opposition, LPM a-t-il une réelle chance ? Tour d’horizon politique avec Dev Sunnasy, co-leader du parti.

Peut-on brièvement essayer de comprendre ce qui s’est passé entre LPM et Bruneau Laurette ?
Bruneau inn pran konzé. (Il s’arrête net et sourit) 

Sérieusement. Comment en est-on arrivé là ?
Il nous avait informé sur notre groupe WhatsApp qu’il prenait un congé de deux semaines pour raisons professionnelles. Or, pendant ce congé, il a appelé à une manif politique. Puis, face à un journaliste, il s’est dit disposé à changer la date de sa manif pour aller marcher aux côtés des dinosaures. Nous étions en train de tout suivre comme vous, via les médias.

La marche du 7 septembre, ce n’était pas une initiative de LPM ?
Nous n’étions au courant d’aucune marche. Et notre ligne à nous c’est de ne pas collaborer avec les partis traditionnels. Ni marse, ni asize, ni galoupe. On l’a fait en février 2021, et on a décidé de ne plus le faire. Nous avons décidé que nous nous concentrerons sur des dossiers et le développement de propositions sur la gestion du pays. Par la suite, nous avons rencontré Bruneau Laurette et lui avons exprimé notre point de vue sur son congé pour raisons professionnelles, pendant lequel il mène des actions citoyennes avec une veste de politicien, de surcroît avec les partis traditionnels. Nous lui avons demandé de choisir entre ses actions citoyennes parallèles et ses activités avec LPM.

Il annonce son départ dans une réunion publique. Comment avez-vous réagi ?
On le savait.

C’est un coup dur pour LPM, parce que Bruneau Laurette était un des fondateurs, n’est-ce pas ?
Oui. C’est toujours triste quand un kamarad fondatér quitte le navire.

Quels sont ses plans, selon vous ?
Je ne sais pas. J’ai vu qu’il a pris trois mois de recul. I won’t impute motives. Bruneau a eu son cheminement avec nous et pour ce que cela représente, il y a un minimum de respect que je lui dois.

Restons dans la thématique de l’opposition. L’alliance PTr-MMM-PMSD plus le RM de Nando Bodha. Dans l’optique d’éjecter Pravind Jugnauth du pouvoir, c’est une bonne chose ?
Ils se collent, puis se décollent, discutent d’alliance pour les municipales en décidant du poste de Premier ministre ; ce qui est incroyable en soi…

Attendez. Arvin Boolell a expliqué par la suite qu’il n’a fait que répondre à une question qui commençait par «si». Ils n’ont pas décidé du «Prime ministership».
D’accord. Mais tout cela rend la population totalement confuse. Ils parlent d’un programme dans un jardin de Riverwalk sans qu’il n’y ait d’alliance. La question c’est l’unité de l’opposition pour ne pas faire le jeu de Pravind Jugnauth. S’unir pour quoi faire ? Pour détrôner Pravind Jugnauth et le système reste le même ? LPM a mis le programme au cœur de son engagement. Notre programme est déjà là. Nous avons proposé une réforme constitutionnelle, un budget alternatif et, cette semaine, une Freedom of Information Act. Quand les électeurs nous questionnent sur notre proposition, notre réponse ce n’est pas «met intel prémié miniss, mét lot prézidan».

Soyons réalistes sur l’objectif de LPM. Ce serait «over-ambitious» de croire que vous pouvez remporter les prochaines élections.
Municipales ?

«Le changement passe par une couverture médiatique plus juste.»

Générales, voyons. Il n’y a pas d’élections municipales à l’horizon.
Je ne sais pas. Je ne suis même pas sûr que vous ayez raison. Pravind Jugnauth ne peut plus ruser avec des amendements genre restrictions sanitaires pour repousser les élections au-delà de juin 2023. Vu la déroute annoncée du MSM aux municipales, Pravind Jugnauth devra distancer les élections municipales des élections générales le plus possible, pour que cette marée antiMSM aux municipales ait le temps, dans sa logique, de se diluer. À un an des législatives par exemple ce serait contre-productif pour lui. Ce qui me fait dire que les élections municipales auront lieu cette année. S’il y avait une raison qui aurait pu pousser Pravind Jugnauth à dissoudre l’Assemblée natio- nale, c’était la pétition électorale du numéro 8. Elle est tombée. Donc, sauf pression extérieure, Pravind Jugnauth ne va pas dissoudre l’Assemblée nationale.

Pression comme ?
Un chef d’État qui arrêterait de le soutenir…

C’est hors sujet ça. Soyons pragmatiques et pratiques s’il vous plaît. Vous n’avez pas encore répondu à ma question sur l’ambition démesurée de LPM à remporter des élections générales.
J’ai commencé par vous répondre sur les municipales. LPM n’a que cinq mois, pas cinq ans. Nous ne brûlerons pas les étapes. Je suis de nature patiente. Les changements ne s’opèrent pas du jour au lendemain en un claquement de doigts. C’est un processus. Il faut bâtir, grandir etc. Nous participerons pleinement aux municipales. Dans tous les cas, ce sera une réussite pour nous parce que nous n’avons jamais participé à des élections. Chaque vote serait un vote de plus. Parce qu’on part de rien. Nous n’avons pas de benchmark. Un élu dans un ward serait une réussite. Un ward serait une réussite. Obtenir trois wards serait une réussite aussi.

LPM pense avoir une certaine assise dans les villes. N’oubliez pas le rapport d’Afrobarometer d’il y a quelques mois. Les 50 % qui ne veulent plus suivre les partis politiques traditionnels. Quelles sont leurs options ? LPM, qui est une équipe. Le Reform Party, qui ne m’a pas l’air d’être un teamwork, contrairement à LPM. Il y a aussi Rezistans ek Alternativ. Mais nous sommes les seuls à avoir un programme.

Rezistans a publié son manifeste des revendications d’un peuple en mouvement.
Je vous parle d’un programme. De documents de 200 pages. Nous avons présenté un budget alternatif.

Donc, avec le MSM d’un côté, le PTr-MMMPMSD de l’autre, et les partis non traditionnels, ça fait beaucoup de divisions de votes de l’opposition ?
Que peut-on y faire ? Il y a des concessions qui ne sont pas possibles.

Une unification des partis non traditionnels que vous venez de citer est possible ?
Je ne dis pas que ce n’est pas possible. Mais on n’en a jamais parlé.

Vous avez des points communs. Par exemple la non-déclaration de l’appartenance ethnique ou communale pour se porter candidat aux élections. Je suppose que vous adhérez à ce combat que mène Rezistans, pourtant, vous avez décliné une appartenance ethnique en 2019.
100% Citoyens et aujourd’hui LPM sont contre toute forme de déclaration de ce type. Tous les candidats de 100% Citoyens s’étaient déclarés population générale. Dommage pour Rezistans ek Alternativ, ils ne seront pas candidats aux prochaines élections.

A moins qu’il y ait un jugement suivi d’un amendement.
Peu importe le jugement, Pravind Jugnauth va ruser. La question est-ce qu’on se bat en étant hors du système, ou est-ce qu’on y entre pour le changer ? Moi je crois en la 2e option. Je suis le premier à reconnaître les avancées de cette question dans le débat public grâce à Rezistans. Mais pendant combien de temps ce combat va-t-il durer ? Il y a une urgence aujourd’hui. Ils ont participé en 2014 et s’il y avait une proportionnelle ils auraient obtenu des sièges. Mais les quatre partis qui opèrent le système ne vont jamais leur faire ce cadeau. Pravind Jugnauth va changer un système qui lui a donné le pouvoir avec 28 % des votes ?

Donc, on est bloqué !
Pas du tout. Les médias doivent être au premier rang de ce combat.

Comment ça ?
Vous, surtout la presse écrite, êtes responsables du choix des électeurs.

C’est trop d’honneur que vous nous faites.
Je suis sérieux. Si une campagne électorale se résume pour vous à un match entre deux blocs traditionnels, la population va croire que c’est effectivement le cas. Quand vous vous attardez sur des discours creux sur des estrades au détriment de ceux qui ont des programmes complets et novateurs, vous êtes responsables.

Attendez, votre «l’express» sur votre table et votre version de la «Freedom of Information Act» fait la une !
Oui je vous l’accorde. Pourvu que ça dure durant la campagne. Je ne suis pas en train de plaider la cause de LPM, mais celle de tous ces partis qui refusent de s’allier aux partis traditionnels.

C’est la population qui vote. Cette bipolarisation est le résultat du choix de l’électeur.
Et des médias ! Coupez la poire en quatre, pas juste en deux. Vous êtes le quatrième pouvoir, exercez ce pouvoir. Si vous restez dans la couverture traditionnelle, vous faites le jeu des partis traditionnels.

Venant d’un professionnel de l’informatique, à l’ère des réseaux sociaux, c’est étonnant que vous accordiez tant d’importance à la presse écrite dont le lectorat est en baisse.
C’est ma façon de voir les choses. C’est la psychologie de l’acheteur. Quand quelqu’un paie, il y croit. Quand il débourse pour son journal papier, il croit dans le contenu. Contrairement à l’information gratuite en ligne.

Les médias doivent pouvoir évaluer les compétences de chacun et décider à qui accorder plus de couverture. Je suis désolé, mais certains idiots ont droit à une couverture médiatique juste parce qu’ils sont candidats d’un parti traditionnel. Assumez vos responsabilités. Faites vos choix et assumez.

Nous parlons depuis 15 minutes et vous n’avez pas répondu à une de mes premières questions. S’il y a une couverture que vous appelez plus équitable des médias d’une campagne et que les élections ont lieu ce mois-ci, quels sont les objectifs de LPM ?
Je ne sais pas encore. Je sais ce que LPM a prévu dans trois à six mois. Mais je ne sais pas où nous en serons en 2024. J’ai lu l’analyse de Lindsay Rivière sur les six forces en présence actuellement sur la scène politique. Mais ça, c’est pour aujourd’hui et aujourd’hui il n’y a pas d’élections.

«Pravind Jugnauth va changer un système qui lui a donné le pouvoir avec 28 % des votes ?»

Je vais vous dire ce qui va se passer en 2024. Une fois le «writ of election» émis, les partis traditionnels vont enclencher leur grosse machinerie et leurs millions. Ils vont créer la perception que cela se joue entre eux avec leurs bases etc. Tout cela parce que vous participez à une élection où le système est faussé. «Garbage in, Garbage Out», vous le savez mieux que moi.
Elektér pou swazir Garbage, sa ki ou pé dir mwa?

Ça dure depuis 50 ans.
C’est notre rôle et notre devoir à LPM d’expliquer à la population ce que veut dire le garbage. C’est ce que nous faisons, tous les jours, toutes les semaines et tous les mois jusqu’à ce qu’arrivent ces fameuses élections.

Avec le risque de perdre que cela comporte. Quelle serait la configuration idéale pour faire élire ceux qui veulent vraiment changer le système ?
C’est une opinion qui n’engage que moi. J’ai émis l’idée il y a quelque temps. Pour ne donner aucune chance à Pravind Jugnauth qui est un réel danger pour ce pays qu’il mène directement à sa perte, il faut résoudre le problème de la dispersion des votes d’opposition. Mais je ne parle pas d’une alliance sur un programme de cinq ans. Je propose qu’on prenne les meilleurs éléments des partis traditionnels et non tra- ditionnels, san papa san piti san zann, san belfi pour un gouvernement de transition. Uniquement de transition ! Juste pour apporter les changements fondamentaux de notre démocratie électorale, jeter les bases d’un nouveau système démocratique, et ensuite organiser de nouvelles élections où chacun irait de son côté ou s’allierait avec qui il veut, et présenterait le programme de son choix. Bien sûr, ce gouvernement de transition, devra aussi gérer les questions économiques urgentes.

Vous faites confiance aux leaders des partis traditionnels pour que ce gouvernement reste juste de transition ?
(Long soupir). Honnêtement non. Mais vous m’avez demandé ce que serait une configuration idéale, je vous ai donné mon opinion personnelle. Mais remarquez que même ces partis traditionnels aujourd’hui parlent de «changer le système» depuis que les partis non traditionnels en ont fait leur leitmotiv.

La durée du mandat de gouvernement de transition serait ?
Un an et demi, deux ans. Pas plus. Le temps d’apporter les changements de fond et de redresser la barre démocratique et économique du pays. Je répète qu’il nous faut les meilleurs des partis traditionnels et non traditionnels, sans le népotisme et le papa-pitisme. 18 à 24 mois parce qu’il faut aussi que le pays continue de fonctionner économiquement.

N’oubliez pas qu’avant la marche de février 2021, il y avait une charte commune signée par tous ces partis. Mais elle a été réduite à trois phrases creuses qui ne veulent rien dire. Il faut bien plus que cela. Un programme de transition détaillé. Pour cela, la balle est dans le camp de ces partis traditionnels. Mais ils se croient forts. Ils se croient tellement forts au point d’occulter les partis non traditionnels. L’histoire décidera et chacun assumera.

Vous venez de présenter une «Freedom of Information Act». Ma première «FOIA request» est : d’où vient le financement de LPM ?
Sans problème. LPM est le seul parti politique qui s’est enregistré comme une compagnie limited by guarantee ; une non-profit organization. Il y a quelques semaines, nous avons obtenu notre compte bancaire. L’argent provient pour l’heure des cotisations de nos membres. Ce bureau qui est le QG de LPM m’appartient, il y a des équipements multimédias ici qui valent peut-être Rs 1 million. Je les avais achetés en 2018. J’ai tout mis à la disposition du parti.

L’événement d’hier (NldR: conférence de presse au Voilà Bagatelle pour dévoiler la version de la FOIA), a coûté Rs 14 500. Nou inn mét enn kosté. Rs 7 000 pour la salle, Rs 7 500 pour le catering. Tout ce qu’on a fait jusqu’ici ce sont les membres qui ont payé.

Ça ne va pas suffire pour aller combattre les dinosaures aux prochaines élections générales…
Il en faudra beaucoup, beaucoup plus. Nous son- geons à un crowdfunding. Nous avons un following assez important auprès de la diaspora. On verra.

Et vous êtes organisé de manière démocratique ? Avec une assemblée de délégués, un bureau politique etc. ou bien les opinions de Sunnassy, Valayden et Moirt sont imposées ?
(Il sort un bloc-notes et se met à dessiner l’organigramme du parti). Pour tout vous avouer, on a dû commencer en haut car ce n’est que par la suite que le groupe s’est élargi avec des comités régionaux. Il y a un présidium de 13 personnes. En dessous il y a un bureau politique d’une soixantaine de personnes. En dessous, nous sommes en train de constituer un comité national des circonscriptions et des comités de circonscriptions qui constitueront la base du parti. Notre objectif, c’est de compléter la création de ces comités en décembre. À partir de là, nous pourrons procéder aux votes et des décisions bottom-up.

Donc la base peut décider que Sunnasy ne sera pas candidat ?
Du moment que la base décide en fonction des compétences, c’est une possibilité.