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Bungalow des Jugnauth: loin d'être un haut lieu dynastique

11 août 2022, 16:00

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Bungalow des Jugnauth: loin d'être un haut lieu dynastique

Le campement de la famille Jugnauth, à Baie-du-Tombeau, est revenu dans l’actualité cette semaine. La cause de tout ce tam-tam : des jeunes y ont lancé des pierres. Ils ne savaient visiblement pas à qui le bâtiment appartenait. On veut bien les croire… Vu l’environnement, entre terrains vagues et maisons abandonnées, sans aucun signe distinctif sur le bungalow lui-même, on est loin d’un haut lieu dynastique…

Retrouver ce bungalow s’avère plus difficile que prévu. L’endroit ne semble pas inconnu aux habitants croisés, même s’ils ne savent pas vraiment où il se trouve : «Sa li lor main road mem sa», nous dit une dame, alors que ce n’est pas le cas… Après avoir emprunté un chemin mi-terre mi-goudron, nous y arrivons. Le bungalow, au fond d’une longue allée bien entretenue, a l’air désert. À sa droite, un terrain vague, plein de broussailles, avec un sentier qui mène vers la mer. 

L’atmosphère fait presque penser à une incursion dans l’univers de Jumanji, tant les arbres, herbes sauvages vont nous accueillir à feuilles ouvertes. Pour ajouter un soupçon d’aventure, des épines embrassent notre peau. Au milieu des broussailles, une maison saccagée, sans portes ni fenêtres, où le feu a pris à l’intérieur, genre abri pour squatters. 

Le campement donne l’impression qu’il n’a pas été occupé depuis des lustres. Peu de lustre justement. Le bâtiment jaune à étage, avec des volets en bois fermés, semble plutôt modeste. Les environs défient l’idée que cette propriété puisse appartenir à une quelconque dynastie politique, et encore moins à celle du Premier ministre. Même pas un quadricolore battant au vent. Les ordures occupent les alentours. Nous faisons également preuve d’une extrême prudence pour ne pas tomber dans une bouche d’égout sans sa plaque protectrice ou être blessés par des morceaux de verre éparpillés. 

Près du bord de mer, on aperçoit la devanture du bungalow. La piscine est vide et semble ne pas avoir été nettoyée depuis longtemps. La peinture des murs de la clôture s’est également détachée à certains endroits. 

Alors que nous approchons de l’avant, nous sommes arrêtés par une voix masculine. Un homme dans la cour du bungalow nous demande ce qu’on fait là. Nous nous tenons dans les buissons, essayant de regarder à l’intérieur. Son attitude autoritaire laisse entendre que nous sommes peut-être entrés dans une zone interdite. Sauf que nous sommes sur le terrain vague qui mène au bord de la mer. Nous lui demandons si des personnes ont effectivement lancé des pierres sur cette propriété lundi soir. Réponse façon «pann ariv nanié». C’est un endroit désert et la plupart des gens ne savent même pas que cette propriété appartient à la famille du Premier ministre. 

En outre, les actes de vandalisme sont fréquents dans cette zone. De nombreux enfants viennent également jouer autour pendant la journée, nous fait-il comprendre. «D’où venez-vous ?» demande-t-il. «De l’express», répondons-nous. Son sourire sarcastique nous fait comprendre explicitement que nous ne devrions probablement pas nous renseigner davantage. Est-il un agent de sécurité ou un policier en tenue civile ? 

Revenant à l’entrée du campement, nous réalisons que même de ce côté, l’environnement n’est pas flamboyant. Une maison à moitié terminée et abandonnée fait face au portail. L’homme nous dit que nous ne sommes pas autorisés à prendre des photos. Mais bon… on ne risque pas de nuire à la vie privée de qui que ce soit, vu qu’il n’y a personne et peut-être qu’en publiant ces images les jeunes du coin sauront à qui le lieu appartient et qu’il ne faut pas s’amuser à y jeter des pierres… Dans aucune propriété d’ailleurs…
 


Jet de pierres: les suspects s’amusaient et ignoraient le nom du propriétaire

<p>Quelques heures après que l&rsquo;incident qui a eu lieu au bungalow appartenant à feu Sir Anerood Jugnauth a été rapporté a la police, les limiers de la <em>Criminal Investigation Division</em> de Port-Louis Nord ont arrêté quatre jeunes habitant le quartier et âgés entre 16 et 19 ans. Ils ont été auditionnés hier matin. Lors de leur interrogatoire, ils ont dit ignorer à qui appartenait le bungalow et s&rsquo;amuser à faire une plaisanterie. Ils ont au hasard lancé des pierres sur ce bâtiment. <em>&laquo;Nou pa ti koné pou li sa. Nou ti pé avoy ros pou pran plézir&raquo;</em>, ont-ils expliqué aux agents.&nbsp;</p>

<p>Une accusation provisoire de <em>&laquo;damaging building&raquo;</em> a été retenue contre eux. Les suspects ont été placés en détention alors que le mineur a été relâché sur parole. Ils devront comparaître devant la justice aujourd&rsquo;hui.&nbsp;</p>

<p>Lundi, vers 18 h 30, des pierres ont été lancées sur le bungalow appartenant à l&rsquo;ex-Premier ministre et président de la république. C&rsquo;est un membre de la VIPSU qui agissait comme sentinelle qui a donné l&rsquo;alerte et a appelé son supérieur pour lui faire part de l&rsquo;incident. Pour des raisons de sécurité, il n&rsquo;a pu quitter son poste. Il n&rsquo;a pas été atteint par les projectiles. Des policiers de la <em>Divisional Supporting Unit</em> se sont rendus sur les lieux. Des pierres ont été retrouvées dans la cour et le bâtiment a été passé au crible. Aucun individu n&rsquo;a été retrouvé. La sécurité a été renforcée et des patrouilles ont été effectuées. Les images des caméras surveillance et du <em>&laquo;Safe City Network&raquo;</em> de la localité ont été visionnées pour retracer les auteurs de cet acte de vandalisme.</p>

<h3><br />
	Les poupées taïwanaises ou la drôle de coïncidence dans l&rsquo;histoire du campement</h3>

<p>Drôle de coïncidence que le campement des Jugnauth à Baie-du-Tombeau et une nouvelle source de tension dans les relations Maurice-Chine et Chine-Taïwan reviennent dans l&rsquo;actualité. Des jeunes ont lancé des projectiles sur la villa. Cela, dans un contexte marqué par une vive controverse dans le sillage des attaques des ministres du Mouvement socialiste militant (MSM) contre la compagnie Huawei accusée d&rsquo;espionnage pour le compte du gouvernement chinois.&nbsp;</p>

<p>Suivant les élections générales de 1983 qui virent la victoire du MSM et de ses alliés du Parti travailliste et du Parti mauricien social-démocrate, les relations entre Maurice et les pays occidentaux se réchauffèrent, le Mouvement militant mauricien (MMM) battu ayant été perçu comme étant proche de la Libye, de l&rsquo;Union soviétique et de la Chine. Maurice devait même fermer l&rsquo;ambassade libyenne.&nbsp;</p>

<p>Un entrepreneur mauricien, un nommé Ah-Ko, lança alors un lobby en faveur de Taïwan alors que Maurice devait en principe respecter la politique de <em>&laquo;One China&raquo;.</em> Taïwan comptait de nombreux supporters dans la communauté des commerçants à Port-Louis et les communistes chinois suscitaient de la méfiance.&nbsp;</p>

<p>Ce lobby pro-taïwanais réussit à faire ouvrir une quasi-ambassade taïwanaise à Maurice sous le nom de <em>&laquo;Trade Office&raquo;</em>. De plus, Taïwan fit un don de plusieurs milliers de tonnes de riz à Maurice. Quand le MMM protesta vivement contre ces mamours avec Taïwan, sir Anerood Jugnauth sortit alors la phrase devenue depuis célèbre : <em>&laquo;Moralité pa ranpli vant.&raquo;</em> Il répondait sur ce don de riz.&nbsp;</p>

<p>D&rsquo;après l&rsquo;organe de presse du MMM, Le Nouveau Militant, deux personnalités en vue du gouvernement entreprirent même, à partir de Hong Kong, une visite secrète à Taïwan où ils furent royalement reçus. Des <em>&laquo;poupées&raquo; </em>taïwanaises furent même déployées pour rendre leur séjour des plus agréables.&nbsp;</p>

<p>D&rsquo;après un ancien ministre <em>&laquo;acteur en vue&raquo;</em> en son temps, les séquelles de cette visite à Taïwan virent l&rsquo;envoi de dons personnels, dont un piano, à des Very Important Persons mauriciennes mais aussi une visite dans l&rsquo;île des <em>&laquo;poupées&raquo;</em> dépêchées de Taïpei. Le fameux campement de Baie-du-Tombeau eut l&rsquo;honneur d&rsquo;accueillir ces visiteurs au charme qualifié d&rsquo;<em>&laquo;exceptionnel&raquo;.&nbsp;</em></p>

<p>Quant à l&rsquo;entrepreneur-courtier diplomatique, il connut une fin tragique car il se trouvait à bord d&rsquo;un Boeing 747 de la South African Airways qui prit feu non loin de Maurice alors qu&rsquo;il s&rsquo;apprêtait à s&rsquo;engager dans des manoeuvres de descente sur Plaisance, explosa au ciel et tomba en mer. L&rsquo;avion assurait le vol Taïwan-Maurice-Afrique du Sud. Cela se passa le 28 novembre 1987.</p>