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Barlen Sengayen: «Le gouvernement se fiche un peu du sort du football»

31 juillet 2022, 10:00

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Barlen Sengayen: «Le gouvernement se fiche un peu du sort du football»

Cela fait presque un an que Barlen Sengayen n’est plus membre de la Mauritius Football Association (MFA). Il a quitté le navire lorsque ce dernier était en pleine tempête à la suite du scandale de voyeurisme allégué l’an dernier. Dans l’entretien qui suit, il explique les raisons qui l’on poussé à claquer la porte et s’attarde sur la situation alarmante du football tout en livrant son opinion sur les prochaines élections à la MFA.

Vous avez quitté le comité directeur de la MFA en plein scandale de voyeurisme. Regrettez-vous ce choix d’autant plus que vous n’avez plus droit à la parole désormais sur les décisions prises au sein du Managing Committee ?
Oui et non. La raison de mon départ de la MFA est principalement liée au scandale de voyeurisme mais pas uniquement. Il y a d’autres scandales qui m’ont encouragé à partir. Pour en revenir à cette affaire de voyeurisme, c’est à moi que ce sont confiés les employés de la MFA quand ils ont découvert le téléphone qui filmait dans les toilettes des femmes. Ils ne font pas confiance à la direction de la MFA et c’est pour cela qu’ils se sont tournés vers moi. A ce moment-là, j’avais demandé à une employée de vérifier s’il y avait effectivement un téléphone. Elle s’est exécutée et a confirmé l’information. Connaissant les méthodes de la MFA, je savais que l’affaire allait être étouffée. J’ai même entendu dire qu’on voulait me faire porter le chapeau. C’est pour cela que je suis parti. Je n’avais plus confiance en mes collègues.

Pensez-vous avoir pris la bonne décision ?
Oui, car durant ce mandat le comité directeur ne siégeait que pour ratifier des décisions prises par la cuisine uniquement. Les autres, dont moi, n’avaient pas droit à la parole. C’était devenu une dictature. C’est toujours le cas d’ailleurs. Il y a 18 membres au sein de ce comité directeur et chacun est censé pouvoir partager son opinion sur le football. Mais la plupart des membres ne viennent que pour ‘met presence’. Pour eux, tout va bien. Ils ne contestent aucune décision.

C’est facile d’accuser vos collègues maintenant que vous n’êtes plus à la MFA. Pourtant vous auriez pu déposer devant le Fact-Finding Committee (FFC) et pourtant vous ne l’avez pas fait…
Après ma démission, j’avais décidé de rester loin de tout cela car je voyais que l’enquête n’était pas menée de manière professionnelle. De toute façon je n’ai pas confiance en leur FFC ni en la police d’ailleurs. Ce n’est que lorsque le commissaire de police a déclaré qu’il allait prendre cette affaire au sérieux et qu’il y aurait des arrestations que je suis parti donner ma version des faits au poste de police de Rose-Hill. Le FFC doit supposément être composé de personnes indépendantes mais selon moi, ce n’était pas le cas. J’ai passé 12 ans à la MFA et j’en avais assez vu.

Depuis, vous êtes devenu l’un des détracteurs de la MFA. Pourtant lorsque vous étiez dans le Managing Committee, vous avez également bénéficié de quelques avantages. Vous avez défendu votre leader et même évité la presse…
J’ai toujours défendu les présidents qui se sont succédé. C’est important de rester loyal et c’est pour cela que j’ai évité la presse. Je ne voulais pas que mes déclarations nuisent au président. Lorsque vous êtes à la MFA, vous bénéficiez définitivement de plusieurs avantages. Pour ma part, je faisais mon job et j’étais d’ailleurs responsable des départements futsal et beach soccer et même du développement des jeunes récemment. Je sacrifiais mon travail et ma famille pour faire avancer ces dossiers. Comme je suis un restaurateur, on avait dit que je décrochais tous les contrats de catering à la MFA

C’est en partie vrai…
Je ne vais pas nier. C’est mon métier et je possède mon restaurant. Il convient d’analyser les choses d’une autre manière. Lorsque j’ai intégré la MFA en 2010, l’instance avait une dette de Rs 3,5 millions. Le ministère des Sports de l’époque nous avait demandé de préparer les JIOI de 2011. Ma responsabilité était de fournir la nourriture qu’il fallait au Club M tout en sachant que j’allais puiser de ma poche pour mener cette mission. Vinod Persunoo était à la présidence et Sada Vuddamalay le secrétaire. Ce n’est qu’après plus d’une année l’on m’a remboursé. Par ailleurs, j’ai stoppé mon contrat de prestataire de la MFA en 2018 pour permettre aux autres intéressés  de décrocher ce contrat à leur tour.

La MFA va bientôt renouveler son exécutif et jusqu’ici, les comités régionaux ont, dans une grande majorité, voté pour l’équipe sortante malgré ses performances discutables et les scandales qui lui sont imputés. Comment interprétez-vous cela ?
J’aurais pu comprendre si la MFA avait réellement réalisé un bon travail ces dernières années. Pourtant ce sont ces mêmes dirigeants, venant de diverses régions, qui se plaignent nuit et jour de ne pas être suffisamment considérés par la MFA ou de ne pas savoir quand ou si le football reprendra un jour.

C’est malgré tout un processus démocratique…
J’ai suivi ces élections régionales et je peux vous dire qu’elles n’étaient pas free and fair. Des lois qui ne sont même pas sur l’electoral code ont été appliquées simplement pour évincer des adversaires. Il fallait remporter les élections régionales à tout prix afin de remporter une majorité. Ils appâtent les votants en leur promettant des billets d’avion, du travail ou des équipements. Un déplacement au Congrès de la Fifa début 2023 est aussi proposé pour séduire les présidents de clubs. En 2010 également, on avait offert des cadeaux aux votants mais cela n’avait pas empêché l’équipe en place d’être renversée.

Allez-vous poser votre candidature pour le poste de président ?
C’est le rêve de beaucoup de personnes d’être le président d’une grande fédération. Il faut toutefois avoir une certaine classe pour être président et je ne pense pas l’avoir. Mon rêve pour l’heure est de donner un nouveau souffle au football et de redorer l’image de la MFA. Il nous faut des personnes crédibles pour atteindre cet objectif et pas des yes man ou des chatwa.

Vous allez donc forcément soutenir quelqu’un pour ce poste vu que la présidence ne vous intéresse pas ?
Je soutiendrai la personne qui place le football devant ses intérêts personnels. Je veux que cette personne gagne les élections même si je sais que le pouvoir en place est fort et bien placé pour remporter le scrutin. Mais je demeure confiant de pouvoir renverser la situation. Il faut que tous ceux aspirant à faire bouger les choses mettent de côté leur égo.

Quels seront la politique et les objectifs de votre groupe s’il venait à remporter les élections ?
En premier lieu, il faudra tir soye (rires). Ensuite restructurer la formation et ramener tous les partenaires autour d’une table. Il faut redonner confiance aux jeunes et encourager les anciens à venir nous aider. Il est aussi important de redorer le blason de la MFA tant au niveau local qu’international. Mon but est aussi de permettre au Club M de grimper au classement de la Fifa. Je demande à tous ceux et celles qui croient au changement de venir me rencontrer.

Pourquoi, selon vous, le ministère des Sports et le gouvernement dans son ensemble ne parviennent pas à sévir contre la MFA malgré les nombreux avertissements ?
Le ministère des Sports essaie tant bien que mal d’instaurer un semblant d’ordre mais en vain. Quelque part, je pense même que le gouvernement se fiche un peu du sort du football. Et le fait de ne pas s’inquiéter montre une certaine complicité. D’un autre côté, ils ont peur que la Fifa ne suspende Maurice en cas d’intervention du gouvernement.

La Cosafa Cup ne s’est pas bien terminée pour Maurice avec un nouveau scandale (il nous coupe)…
Le président de la MFA a dit qu’il n’était pas au courant de cette affaire. Je pense qu’il était au courant dès le premier jour. Donc il déforme la vérité en déclarant qu’il ne l’a appris que lorsque votre journal en a parlé. Je ne sais pas ce qui s’est passé mais j’espère qu’Ajay Reddy rentrera très rapidement à Maurice. Cette nouvelle affaire ternit davantage l’image de cette fédération et se rapproche du scandale de voyeurisme.