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Abus sexuels à l’école des sourds: la procédure remise en cause

24 juin 2022, 16:00

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Abus sexuels à l’école des sourds: la procédure remise en cause

La fureur de nombreux parents de l’école des sourds de Beau-Bassin ne cesse de monter face aux allégations d’attouchements sexuels sur une vingtaine d’enfants par un orthophoniste. Les plaintes continuent à pleuvoir auprès des autorités. Hier, plusieurs victimes ont été soumises à un examen médical nécessaire dans le cadre de l’enquête, mais pour les spécialistes, cette mesure est loin d’être suffisante pour pouvoir constater l’impact des attouchements sur les enfants. 

Les autorités ont commencé à enregistrer des plaintes dès mardi. À hier, neuf enfants ont porté plainte, mais le nombre de victimes qui se sont manifestées est supérieur. D’ailleurs une dixième victime doit se présenter au poste de police de Barkly ce matin. Cinq victimes ont été examinées par le médecin légiste de la police hier. Ce dernier a demandé qu’elles soient prises en charge par un psychologue du ministère. Quatre autres élèves devront également être examinés. À la suite de cet examen médical, la conclusion est que le corps des jeunes ne porte pas de blessures physiques qui indiquent l’utilisation de la force par le suspect. Face à cela, les sentiments des parents sont mitigés. 

«Je suis un peu soulagée que le rapport n'indique aucune blessure physique, ce qui implique que mon enfant n’a pas été abusé profondément dans ses parties intimes. Cela aurait été dévastateur. Mais nous ne nous arrêtons pas là. Nous allons également solliciter un second avis médical pour être rassurés», avance Felena, mère d’une fille en quatrième année. En revanche, Nicole Louise, parent d’un jeune garçon en quatrième année, se dit révoltée. «Ils disent qu’il n’y a rien. Est-ce qu’ils sous-entendent que tous nos enfants mentent ?» se demande-t-elle. 

Effet psychologique 

Par ailleurs, une reconstitution des faits a eu lieu dans l’enceinte de l’école hier. «Mo pa’nn kapav gete kan mo zanfan inn explik lapolis. Linn montré enn biro kot missier la ti pe fer sa. Mo larm inn koule», a dit Fenela. Au niveau de l’école, un comité interne a été mis en place pour suivre cette affaire. 

Le problème est que les attouchements peuvent ne pas laisser de traces physiques, mais le traumatisme psychologique est indéniable, explique Soumaiya Khodabocus, psychologue clinicienne. «Certaines choses qui ne se manifestent pas ouvertement peuvent transpirer dans un langage nonverbal. Ainsi, le fait que les enfants aient été capables de faire un dessin pour décrire l’incident, ou encore, qu’ils aient présenté des symptômes tels que le port de nombreux vêtements pour se protéger, ne doit pas être ignoré». 

La psychologue clinicienne rajoute qu’un abus sexuel laisse une cicatrice dans l’existence même des individus. En essayant de se protéger de l’agresseur extérieur, l’enfant se couvre pour envelopper le corps qui a été abusé. Dans la pratique clinique, des méthodes comme le dessin sont utilisées lorsque l’accès à la parole n’est pas possible. Les enfants ont évoqué clairement et de différentes manières ce qu’ils ont vécu. 

L’impact psychologique des abus sexuels, dit Soumaiya Khodabocus, est variable d’une personne à l’autre et peut se manifester sous différentes formes à diverses étapes de la vie. «Toutes les victimes ne présentent pas les mêmes symptômes au même moment. Nous ne pouvons donc pas attendre l’apparition des symptômes pour essayer de comprendre leur souffrance. De plus, comme ces enfants ne peuvent pas s’exprimer verbalement, cela rend la situation plus compliquée.» Dans la pratique, les signes peuvent se manifester par des maux de tête, des insomnies, des douleurs abdominales et un sentiment d’isolement, entre autres, signale-t-elle. 

Il est possible que les victimes cessent aussi de s’adonner à ses activités quotidiennes, qu’elles perdent l’appétit ou, dans ce cas précis, que les enfants ne veuillent plus aller à l’école car ils sont atteints du syndrome de stress post-traumatique (SSPT). «Cela peut se manifester par des flash-back de l’incident, où l’enfant revit constamment à ce qui s’est passé; l’évitement du lieu du traumatisme parce que l’enfant a peur pour sa vie, et un comportement qui montre que l’enfant est en hypervigilance, toujours conscient d’un danger qui se rapproche.» 

La psychologue clinicienne ajoute qu’il est impératif que les enfants bénéficient d’un suivi psychologique à long terme. «Nous devons comprendre que dans la plupart des cas d’abus sexuels, les victimes ne sont pas en mesure de se défendre. Nous devons être conscients de l’aspect culturel et ne pas nous laisser aller à blâmer les victimes. L’impact psychologique de ces abus affecte également la vie scolaire de l’enfant. Une prise en charge psychologique est une nécessité», affirme Soumaiya Khodabocus. 

Pour sa part, l’Ombudsperson for Children, Rita Venkatasawmy, avance que cette affaire doit être traitée avec le plus grand soin et la plus grande sensibilité, et qu’il est impératif que la police envisage d’avoir un interprète en langue des signes afin que les enfants qui ont un handicap puissent s’exprimer de manière appropriée en cas de besoin. «C’est grave si ces allégations s’avèrent, surtout parce que nous parlons de la vie d’enfants. Je recommande vivement à la police de se doter d’un interprète en langue des signes afin que les enfants qui en ont besoin puissent s’exprimer. Pour les années à venir, nous devons également être sélectifs dans le recrutement des personnes qui travaillent avec des enfants, en particulier ceux qui ont besoin de soins spéciaux. C’est choquant.»

Qui est Ibrahim Sorefan ?

<p>D&rsquo;après ses profils sur différents médias sociaux, Ibrahim Sorefan détient plusieurs qualifications dans le domaine médical. Parmi celles-ci, un BSc en orthophonie d&rsquo;Afrique du Sud et une formation en réflexologie plantaire en Malaisie. Son profil mentionne également une expérience professionnelle de 11 mois en tant que réflexologue plantaire certifié à Maurice et en Afrique du Sud, ainsi qu&rsquo;une expérience de six mois en orthophonie et en réflexologie plantaire.</p>

 

 


Le «Speech therapist» reconduit en cellule 

	<p>La police a objecté à la remise en liberté d&rsquo;Ibrahim Sorefan. Cet orthophoniste, posté à temps partiel à l&rsquo;École des sourds de Beau-Bassin depuis un mois, a comparu au tribunal de Rose-Hill avant d&rsquo;être reconduit en cellule. À sa sortie de cour, il a été hué par des parents qui s&rsquo;étaient rassemblés sur place. Son laptop et son téléphone portable ont été saisis par la police. Les victimes devront identifier l&rsquo;agresseur, ce vendredi 24 juin.&nbsp;</p>

	<p>Ibrahim Sorefan, âgé de 24 ans, a été arrêté sur son lieu de travail mercredi à la suite des allégations d&rsquo;attouchements sur des élèves. Il est également accusé d&rsquo;avoir forcé des élèves à visionner des images pornographiques. Il ne s&rsquo;est pas encore expliqué à la police. La police compte recueillir sa version en présence de ses hommes de loi aujourd&rsquo;hui. L&rsquo;enquête est menée par le chef inspecteur Rajesh Moorghen du poste de police de Barkly.</p>
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