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Parlement: expulsion, suspension et «explications» de Phokeer

16 juin 2022, 15:00

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Parlement: expulsion, suspension et «explications» de Phokeer

Un speaker doit être à sa place pour pouvoir «name» un élu. Or ce n’était pas le cas lorsqu’il a expulsé les trois députées du MMM, mardi, affirment des élus.

Cherchait-il lui-même à comprendre son geste ? En tout cas, ce n’est que 10 heures après avoir «named» trois parlementaires du Mouvement militant mauricien (MMM), à savoir Karen Foo KuneBacha, Joanna Bérenger et Arianne Navarre-Marie, mardi, que le speaker s’est lancé dans des explications. Sooroojdev Phokeer voulait surtout répondre à Reza Uteem qui, plus tôt, lui avait demandé si la décision qu’il avait prise – et qui provoque la polémique depuis – était conforme aux standing orders de l’Assemblée nationale. Car selon le député mauve, le Parlement «was not sitting», en d’autres mots la séance était suspendue, au moment des faits.

À 21 h 30 mardi donc, le speaker a affirmé que selon le standing order 2 des standing orders and rules de l’Assemblée nationale, «the word sitting is defined as meaning to a period during which the Assembly is sitting continuously without adjournment, and includes any period during which the Assembly is in committee». Après quoi, suite à des motions présentées par le Premier ministre adjoint, Steven Obeegadoo, les trois députées du MMM ont été suspendues lors de la séance d’hier.

Autre question que des élus et des membres du public, qui suivaient la séance matinale de mardi, se posent : est-ce le speaker était assis sur sa fameuse «chair», estce qu’il était à sa place, lorsqu’il a «named» Karen Foo Kune-Bacha, Joanna Bérenger et Arianne Navarre-Marie ? Kailash Purryag, ancien speaker, répond qu’il faut d’abord bien définir le mot «name» et savoir quand on peut justement «name» un membre de l’Assemblée nationale. Il se réfère à Erskine May, citée comme étant la Bible du Parlement britannique. «If a member who has been ordered to withdraw from the House does not immediately obey, the speaker may either direct the Sergeant-at-Arms to remove him.» Et quand il faut «name» un parlementaire, il faut le faire en s’adressant «to the House».

«Était-il à sa place quand il l’a fait pour les trois parlementaires du MMM ? La polémique se situe là car selon plusieurs membres du Parlement, le speaker était sur le point de quitter la Chambre. Et si tel est le cas, est-ce que le naming était in order ? Car comme il est stipulé, le membre doit être named to the House», martèle Kailash Purryag. Qui cite un l’exemple de ce qui s’est passé à la House of Commons, tel que rapporté dans le Commons Journal 87-88.

Là-bas, avant le début d’une séance, il y a des prières qui sont dites. L’extrait du Commons Journal se lit comme suit : «When a member behaved in a grossly disorderly fashion by attempting to make a speech during prayers, the Speaker directed him to withdraw. When the member declined to comply with the Speaker’s direction, he was named for disregarding the authority of the Chair… it was necessary for the Speaker to take the Chair for the proceeding (name him).» En résumé, un speaker doit être «sur sa chaise» pour donner un ruling. Car durant la séance de prières, il n’occupe pas son siège, justement.

Par ailleurs, Kailash Purryag cite le jugement de Duval-Seetaram de 1990, dans lequel l’ancien chef juge Rajsommer Lallah avait posé la question, à la page 237, au paragraphe 7 dudit jugement ; quand la suspension d’un membre du Parlement est excessive ou scandaleuse, n’est-ce pas là une violation de l’article 31 de la Constitution ? «The matter is not free from doubt and should it not be decided by the Supreme Court ?» fait aussi ressortir l’ancien juge.

Du coup, «les suspensions de trois députées, mardi, de même que d’autres membres de l’Assemblée nationale durant ces deux dernières années, n’étaient-elles pas excessives», fait valoir Kailash Purryag. Qui est d’avis que les responsables des partis politiques doivent étudier la question et envisager une action en Cour suprême.