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L'anniversaire de Tiananmen commémoré furtivement à Hong Kong

4 juin 2022, 18:28

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L'anniversaire de Tiananmen commémoré furtivement à Hong Kong

 

La police était déployée en nombre samedi dans Hong Kong pour prévenir tout rassemblement public pour le 33ème anniversaire de la répression place Tiananmen à Pékin, contraignant ceux qui souhaitaient commémorer cet événement sanglant à le faire en cachette ou de façon plus subtile.

Le 4 juin 1989, le régime communiste avait envoyé des chars et des troupes pour réprimer les manifestants pacifiques qui, depuis des semaines, occupaient l'emblématique place du centre de Pékin pour réclamer un changement politique et la fin de la corruption systémique.

L'écrasement du mouvement avait fait des centaines de morts, plus d'un millier selon certaines estimations.

Depuis, les autorités chinoises s'efforcent d'effacer Tiananmen de la mémoire collective.

Les manuels d'histoire n'en font pas mention et les discussions en ligne sur ce sujet sont systématiquement censurées.

A Pékin, les autorités ont installé des dispositifs de reconnaissance faciale dans les rues menant à la place. La police procédait samedi à des contrôles d'identité tatillons.

Si en Chine évoquer les événements de 1989 a toujours été tabou, Hong Kong a faisait exception jusqu'en 2020.

Pékin a alors imposé à la région semi-autonome une loi draconienne sur la sécurité nationale pour étouffer toute dissidence, après les gigantesques manifestations prodémocratie de 2019.

Depuis, les autorités locales s'emploient à effacer toute trace du souvenir de Tiananmen.

 T-shirt noir et chrysanthème 

 

Participer à une «assemblée non autorisée» est passible de cinq ans de prison. Cela concerne en particulier le parc Victoria, où une veillée aux chandelles rassemblait autrefois des dizaines de milliers de personnes le 4 juin.

Une grande partie du parc a été fermée dès vendredi soir, et la police était massivement déployée samedi aux alentours. Un journaliste de l'AFP a vu un homme vêtu d'un T-shirt noir emmené dans un fourgon de police. "Circulez, il n'y a rien à voir ici", clamaient des hauts-parleurs.

Un ancien dirigeant de la Hong Kong Alliance, l'association qui organisait les veillées, a été cerné par les agents alors qu'il déambulait dans le quartier un bouquet de roses rouges et blanches à la main, et son sac a été fouillé.

Un homme habillé en noir et portant un chrysanthème a raconté à l'AFP avoir lui aussi été contrôlé et fouillé. «La police m'a ordonné de ne rien faire qui incite les gens à se rassembler», a-t-il dit. «Mais les gens vont au travail et je ne fais que passer avec un chrysanthème blanc», a-t-il ajouté.

Dans le quartier commercial de Causeway Bay, qui borde le parc Victoria, une artiste de rue qui avait taillé une pomme de terre en forme de bougie et tenait un briquet a été interpellée vendredi par une dizaine d'agents.

«Le gouvernement a très peur d'un possible rassemblement», dit à l'AFP Dorothy, une Hongkongaise de 32 ans, dans les environs du parc. La fin des veillées est «une grande perte pour la société», regrette-t-elle.

Une Hongkongaise a confié à l'AFP qu'elle avait allumé une bougie chez elle et placé sur un appui de fenêtre une réplique de la «Déesse de la démocratie», la statue-symbole du mouvement de Tiananmen.

 

Avertissements aux consulats 

 

Le manque de clarté sur ce qui est légal ou non a poussé ces derniers mois six universités de Hong Kong à déboulonner, par précaution, des monuments commémoratifs de Tiananmen érigés sur leurs campus.

Plusieurs consulats occidentaux à Hong Kong ont publié sur les réseaux sociaux des messages relatifs à Tiananmen. Le bureau de l'Union européenne a confirmé à l'AFP des informations des médias locaux, selon lesquels les autorités chinoises ont exigé qu'ils s'en abstiennent.

Sur Twitter, qui est bloqué en Chine, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a rendu hommage aux «courageux manifestants» qui avaient «réclamé pacifiquement la démocratie sur la place Tiananmen» : «malgré la suppression des monuments commémoratifs et les tentatives d'effacer l'histoire, nous honorons leur mémoire en promouvant le respect des droits humains partout où ils sont menacés».

En réaction, un porte-parole du bureau du ministère chinois des Affaires étrangères de la ville a déclaré que celui-ci "rejetait fermement et condamnait fermement" ces déclarations.

«Leur show politique s'est immiscé dans les affaires intérieures de la Chine sous couvert des droits de l'homme et de liberté, et a sali les droits de l'homme et l'État de droit de Hong Kong, pour inciter à l'hostilité et à la confrontation et ternir l'image de la Chine», selon un communiqué.

Des veillées seront néanmoins organisées dans le monde entier, le groupe de défense des droits Amnesty International coordonnant des manifestations à la bougie dans 20 villes pour «demander justice et être solidaire avec Hong Kong».

Lors d'une manifestation de commémoration à Taipei, Connie Lui, une employée d'hôpital de 65 ans qui a quitté Hong Kong il y a un an et demi en raison de la situation politique, a expliqué à l'AFP que «c'est le seul endroit maintenant où nous pouvons venir nous souvenir. Je suis ici aussi au nom de tous mes amis de Hong Kong qui ne peuvent pas être présents».

«Le souvenir collectif du 4 juin à Hong Kong est systématiquement effacé», a dit pour sa part la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen : «des mesures aussi grossières et déraisonnables ne pourront effacer la mémoire du peuple».