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Percy Yip Tong: «Les vidéos de tortures ont créé un gros choc au sein de la population»

31 mai 2022, 15:00

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Percy Yip Tong: «Les vidéos de tortures ont créé un gros choc au sein de la population»

Quel est le bilan du rallye contre la hausse des prix ? 
Dans le contexte actuel de peur et de crise économique, c’est un succès vu le nombre de participants qui, paraît-il, était plus élevé que les deux précédents rallyes, celui d’août 2021 contre l’augmentation de l’essence déjà, puis celui contre l’amendement de l’Independent Broadcasting Authority Act. Et ce, malgré le manque de temps de préparation car nous avions eu à attendre le jugement de la Cour suprême pour aller de l’avant. 

Vous vous attendiez à plus de personnes pour manifester ?
Il aurait certainement pu y avoir plus de voitures et de motos vu que nous avons pu rallier tous les partis de l’opposition parlementaire et extra- parlementaire autour de ce rallye. Peut-être aussi que les partisans ne suivent plus autant le mot d’ordre de leurs leaders et partis. Beaucoup aussi ont eu peur de venir, d’autant que la police a annoncé un renforcement des mesures de sécurité. 

Nombre de Mauriciens qui râlent sur les réseaux sociaux n’ont pour la plupart pas le courage ou la volonté de s’exprimer publiquement dans la rue. D’autres, à cause de leur emploi, n’osent pas; les fonctionnaires par exemple. La répression sur les activistes et avocats qui osent s’exprimer a peut-être réussi à instaurer un climat de peur parmi la population. 

Mais j’aime voir positif. C’est déjà super d’avoir eu autant de participants. Et il ne faut pas seulement compter le nombre de véhicules. Il faut aussi compter tous ces nombreux piétons et propriétaires de magasins qui nous encouragent tout le long du cortège. 

L’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM) et Mo Ti Zil ont été les organisateurs dès le départ, puis il aura fallu aller en cour pour renverser les consignes de la police. C’est un combat incessant. 
C’est un combat incessant en effet et il faut être solide pour surmonter toutes les barrières imposées. Il est bon de rappeler les faits. Ce rallye lancé par l’ACIM était prévu le 14 mai. À la conférence de presse, il n’y avait que mon mouvement citoyen Mo Ti Zil aux côtés de l’ACIM. Malgré l’autorisation initiale, la police ajoute, juste après cette conférence de presse, une condition arbitraire et absurde qui n’existait pas aux précédents rallyes de voitures. Il est dorénavant interdit d’avoir plus de 50 personnes ! Preuve que les autorités font tout pour nous décourager et que le gouvernement veut empêcher les citoyens d’exprimer leur ras-le-bol. Nous avons dû annuler ; alors que ce rallye avait aussi pour objectif de permettre aux Mauriciens de manifester pacifiquement leur colère sans violence comme lors des récentes émeutes. 

Grâce aux avocats pro bono de l’ACIM, la Cour suprême ordonne de lever toute restriction quant au nombre de véhicules. 

A quel moment vous avez contacté Linion Pep Morisien (LPM) et les autres ? 
Une fois que la Cour suprême nous a donné raison, vu le manque de temps, l’ACIM et Mo Ti Zil se sont partagé les tâches. Jayen Chellum s’occupe des aspects administratifs et moi de la logistique et de la communication. Pour que le rallye soit un succès, nous n’avions que trois jours pour mobiliser. L’association des propriétaires de vans scolaires et autres mouvements nous ont soutenus dès le début mais il était important d’avoir le soutien politique de l’opposition parlementaire et extra-parlementaire. Jayen a alors contacté le MMM, Le Reform Party, Rezistans ek Alternativ et le Rassemblement Mauricien et moi le PTr, le PMSD, Bruneau Laurette, Ivann Bibi, Patrick Belcourt et Alain Malherbe. 

Ils ont tous répondu positivement et la plupart ont pris la parole à notre conférence de presse. 

Nous avons vu la présence au rallye de plusieurs députés de l’opposition dont Arvin Boolell et le secrétaire général du PMSD Mamade Khodabaccus. 

Je les remercie tous pour leur solidarité. 

Les violences policières qui circulent ces jours-ci sur les réseaux sociaux sont-elles susceptibles d’attiser la colère qui couve depuis la hausse des prix ? 
Certainement, vu la colère et la tension que je ressens dans les quartiers populaires lors des actions d’aide alimentaire et sociale de Mo Ti Zil sur le terrain. L’augmentation de l’essence et la misère font que des familles peinent à se nourrir convenablement. La police, surtout après les récentes émeutes, n’est plus respectée ni crainte. La répression, avec des arrestations arbitraires de ceux qui s’expriment, révolte les gens. Les vidéos de tortures policières ont créé un gros choc au sein de la population. Car même si nous savions tous que des actes de tortures policières existent, les voir en images incite à la colère. Ajouté à la pauvreté qui augmente et un sentiment général que le gouvernement actuel est sourd et muet aux doléances du peuple, la colère gronde sous le tapis. Suite aux récentes émeutes violentes en raison de l’augmentation de l’essence, comment réagit le gouvernement ? Il augmente l’essence encore plus ! Un manque de psychologie et de discernement flagrant ! 

Vous voulez défendre la classe moyenne. Pourquoi ? 
Ce n’est pas que je veuille défendre la classe moyenne. Je veux exprimer la souffrance et les difficultés que rencontrent beaucoup de Mauriciens de la classe moyenne qui ne sont jamais entendus. Certes ceux au bas de l’échelle souffrent beaucoup plus mais ils ont des aides sociales et sont soutenus par des ONG. Même si c’est très insuffisant dans la grave situation actuelle, cela existe quand même. Pour la classe moyenne, il n’y a rien. Ils n’ont personne pour exprimer leur réalité actuelle, leurs difficultés pour rembourser leurs emprunts, pour construire leurs maisons, pour gérer leurs petits commerces et entreprises, payer l’éducation de leurs enfants, etc. 

Si la classe moyenne s’écroule, doit licencier ses employés et dépenser moins, cela aura un énorme impact négatif sur notre économie car ce sont eux les principaux consommateurs qui font tourner le pays. Le pays va mal pour toutes les couches sociales sauf pour les hyper riches et les nantis politiques. Et la classe moyenne doit se faire entendre. N’oublions pas qu’elle représente une grosse partie de l’électorat, toutes communautés confondues.