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Salon de Mai: ces seins que certains ne peuvent pas voir en peinture

22 mai 2022, 11:00

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 Salon de Mai: ces seins que certains ne peuvent pas voir en peinture

Une paire de seins nus, cachés sous un ‘bandage’. Dans un autoportrait barré en rouge du mot Censored. Pour son retour après deux ans d’absence, à cause de la pandémie, la 39e édition du Salon de Mai fait polémique.

Bien que ce salon des arts plastiques porte le titre New beginnings, ce sont les mêmes vieux réflexes conservateurs qui ont cours à certains des étages du Mahatma Gandhi Institute (MGI). Que s’est-il passé pour que l’autoportrait de Palvishee Jeewon, intitulé The rise of Women Power, soit ainsi censuré, quelques heures seulement avant le vernissage de cette exposition annuelle ? Vernissage qui a eu lieu le vendredi 20 mai, à l’École des Beaux-Arts du MGI, à Moka.

Avant d’être accroché pour l’exposition, ce tableau grand format est passé par l’étape de sélection menée par un groupe de cinq enseignants du MGI : Gérard Foy, Nalini Gopaul, Hans Ramduth, Veemanda Seeneevassen et Noureen Lallmamode. Avec l’artiste et head de la School of Fine Arts du MGI, Krishna Luchoomun. Parmi les critères de sélection, explique Krishna Luchoomun : la qualité de l’œuvre, l’expérience de l’artiste.

Réagissant en tant qu’artiste à cette censure, Krishna Luchoomun explique : «Pour nous, ce tableau est un travail artistique complètement normal.» Lors de l’étape de sélection, ce ne sont pas les seins nus qui ont retenu l’attention mais «le fait que l’artiste sait peindre. Son traitement des couleurs, de l’harmonie, de l’anatomie. C’est une œuvre qui suscite des questionnements». Mais «malheureusement, le management du MGI a trouvé que cette œuvre pourrait offenser le public»…

Vendredi après-midi, la direction demande donc d’enlever ce tableau de l’exposition. Face à cette décision, Krishna Luchoomun dit avoir fait «tout ce qui était possible pour que l’œuvre soit montrée». Expliquant à sa hiérarchie que le monde de l’art n’a pas toutes ces restrictions. «Si nous enseignons aux étudiants comment traiter du corps nu, pourquoi ne pouvons-nous pas l’exposer ? Dans le monde entier, tous les musées, toutes les galeries, sont remplis de nudité. En Inde, on a traité de la nudité depuis des millénaires dans des œuvres artistiques. En tant qu’artiste, je proteste contre tout ce qui s’est passé.»

L’artiste se demande aussi en quoi ce nu pouvait «heurter» le public mauricien, estimant que, «peut-être n’avons-nous pas le niveau de compréhension, que le niveau d’éducation n’est pas assez élevé». Il affirme avoir aussi fait valoir qu’enlever carrément le tableau du Salon de Mai, alors qu’il y était déjà accroché, «aurait de sérieuses répercussions» et que «l’artiste serait mécontente que l’on traite ainsi son œuvre». La question lui a alors été posée : comment se fait-il qu’en tant que responsable, il ait accepté que ce tableau figure au Salon de Mai ? À cela, il a réitéré le fait qu’il s’agit d’un travail artistique «normal». Une œuvre «qui pose beaucoup de questions sur le corps de la femme et sur le regard qu’on y porte».

Dans l’urgence, alors que la direction du MGI exige que le tableau soit enlevé, le head de la School of Fine Arts réunit ses collègues et l’artiste concernée, Palvishee Jeewon. C’est là que surgit l’idée de cacher les seins nus sous un bandage. Avec écrit en rouge dessus la mention Censored. Ce que la direction finit par accepter.

Face à cet acte de censure, les réactions au Salon de Mai n’ont pas tardé. Sur le mur où est exposé le tableau, tout autour de l’œuvre, des invités au vernissage ont spontanément déversé leurs commentaires. On peut notamment lire : «Samem tété inn grandi twa, pa pointe ledwa.» Ainsi que, «zom so tété, tété. Mais fam so tété pa tété». Ou encore : «Mo sin enn taboo, to pena twa ?»

En guise de solidarité avec l’artiste censurée, l’un des autres exposants du Salon de Mai, Jonathan Galante, a aussi barré son œuvre d’un bandeau sur lequel est écrit Censure. Son travail est une sculpture en tôle représentant le corps nu d’une femme enceinte. Une œuvre qui n’a pas posé problème. Nous avons cherché une réaction de Raj Rampertab, directeur général du MGI. Qui s’est contenté de dire que «tou bann travay-la zoli» et qu’il ne se souvient pas de l’une des œuvres en particulier...