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Vie chère: les travailleurs indépendants aussi dans la tourmente

26 avril 2022, 19:00

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Vie chère: les travailleurs indépendants aussi dans la tourmente

Assis près de sa barque, Jules Virieux est pensif. Le pêcheur calcule combien de fois il pourra désormais sortir en mer. «Ce ne sera plus tous les jours.» La raison : l’augmentation du prix des carburants. Il explique également qu’à cause de la pollution marine, il est condamné à aller pêcher plus loin en mer. Une situation que vivent d’autres pêcheurs. «Nous ne sommes pas contre le développement du pays, mais il faut savoir le faire sans que cela n’affecte la mer autour de l’île. Il faut faire payer les pollueurs.» Notre interlocuteur est aussi le président de l’Association des pêcheurs de Roches-Noires, Poudre-d’Or et Bain-de-Rosnay. De l’aide, il en a demandé au ministère de la Pêche, sans succès. Il s’est même tourné vers le ministre des Finances pour obtenir une aide financière. «Cela fait un mois et toujours aucune réponse.» 

Cette situation inquiète Jules Virieux. «Nous exerçons un métier à risque. Nous devons de plus en plus nous éloigner du lagon. Parfois la mer est agitée et il nous est difficile de regagner la terre ferme. Nous aimons notre métier, certes, mais…» Jules Virieux souhaite adresser un message au Premier ministre. «Compensez les vieux pêcheurs et trouvez un moyen d’aider les jeunes à entrer dans cette profession. Donnez-leur des facilités, comme la bad weather allowance qui doit être fixe.» Toutefois, il pense que l’avenir sera sombre pour ce secteur. 

Les marchands de plage peinent également à redécoller. Bien que les touristes aient retrouvé nos plages de sable fin, les commerçants, eux, ont du mal à s’en sortir, comme le confie le président d’All Beach Hawkers, Joomeet Aubeeluck, car tous n’ont pas repris le travail. «Cela fait suite au nombre de touristes dans les hôtels. Il y a eu un essor en décembre mais qui a baissé ensuite. C’est seulement pour les vacances de Pâques qu’il y a eu un peu plus de touristes. Le calme est revenu ensuite. Avec l’arrivée de l’hiver, les responsables des hôtels n’ont pas de visibilité pour la suite.» 

Il se fait le porte-parole de ceux évoluant dans ce secteur. «La situation est invivable. Nous ne pouvons même pas augmenter les prix de nos produits. Nous n’avons pas l’argument de la guerre en Ukraine ou celui de la hausse du prix des carburants. Nous devons essayer de vendre nos produits et quelquefois à petits prix.» Et il ne peut pas non plus compter sur le soutien des instances gouvernementales. «SME Mauritius ne nous aide pas alors qu’il promeut l’artisanat local. Nous n’avons aucun coup de pouce. Cela pèse dans la balance.» Joomeet Aubeeluck confie que de nombreux marchands de plage se sont reconvertis, face à la cherté de la vie. «Beaucoup exercent comme maçons.» 

De son côté, le président de la Platform Ti Travayer, Stephane Maurymoothoo, ajoute que les travailleurs indépendants sont des service providers. «Ils aident leurs prochains d’une certaine manière. Ils sont souvent jardiniers, employés de maison ou encore laveurs de voitures. Ce sont des choses que nous pouvons tous faire mais que nous ne faisons pas par manque de temps. Eux, ils en ont fait leur métier.» 

Stephane Maurymoothoo analyse la situation. «Ceux qui touchent Rs 15 000 par mois sont pieds et poings liés. Et ceux qui touchent Rs 30 000 seront un peu embarrassés, contrairement à ceux qui touchent Rs 50 000, qui pourront faire face. Une personne qui perçoit Rs 100 000 ne ressent pas vraiment ces hausses de prix. Mais quelque 60 % de la population vivent en dessous de Rs 30 000. Aujourd’hui, ceux qui sont dans cette fourchette préfèrent effectuer eux-mêmes les travaux qu’auparavant ils confiaient à un travailleur indépendant.» 

Leur avenir demeure donc incertain. Selon Stephane Maurymoothoo, les self-employed seront contraints de baisser le prix de leur expertise. «Ce qui sera encore plus dur pour eux.» Une autre situation l’interpelle. Celle des travailleurs payés à l’heure et employés par des étrangers qui vivent à Maurice. «On les fait travailler davantage, et cela uniquement pour une certaine durée.» 

Il pense que ces travailleurs indépendants devront encore plus se serrer la ceinture. «Les petits plaisirs en famille comme aller au foodcourt pourraient bientôt être un luxe.» Il espère que le gouvernement trouvera un plan pour venir en aide aux travailleurs indépendants.