Publicité

Cannabis médical à l’hôpital de Candos: la polémique s’implante déjà

6 avril 2022, 16:36

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Cannabis médical à l’hôpital de Candos: la polémique s’implante déjà

La date ? Le 25 mars 2022. Le Conseil des ministres annonce l’introduction du cannabis médical sur une base pilote à l’hôpital Victoria, à Candos. Avant que ce projet ne devienne une réalité, le personnel soignant devra être formé. L’État a choisi la «Society of Cannabis Clinicians» des États-Unis pour s’en charger. Mais déjà, cette démarche fait fulminer certains.

Elle était attendue depuis longtemps. L’utilisation du cannabis médical sera introduite sur une base pilote à l’hôpital Victoria, à Candos, suivant une décision du Conseil des ministres du vendredi 25 mars. Si la nouvelle réjouit ceux qui militent en faveur de cette introduction depuis plusieurs mois, voire des années, en revanche, une autre mesure y relative fait débat.

En effet, le steering commitee, responsable de l’application des recommandations du rapport du comité technique sur le cannabis médical, insiste sur le fait que des médecins-spécialistes soient formés pour prescrire ce remède aux patients. Dès lors, la Society of Cannabis Clinicians des États-Unis a été identifiée pour ce faire. L’assistance de l’Organisation mondiale de la santé, pour une expertise technique appropriée, a également été sollicitée. Mais, d’emblée, des voix discordantes se font entendre sur le choix de l’institut américain…

Pourquoi ? A-t-on d’autres options en termes de formation du personnel médical ? Plusieurs même, rétorque Kunal Naik, psychologue-addictologue. «Il existe plusieurs modèles. Par exemple, ceux d’Europe, d’Afrique du Sud et d’Afrique, qui ont déjà introduit le cannabis médi- cal. Pour moi, comme nous sommes plus proches de l’Afrique et avons des partenariats avec l’Europe, je ne comprends pas pourquoi on va vers les États-Unis.»

Pour Amrish Lachooa, porte-parole de l’association Claim, le recours aux Américains pour former les Mauriciens n’est pas si problématique. Sauf que la note risque d’être salée. Il évoque d’autres options moins chères, notamment la France, en citant le nom du professeur Amine Benyamina.

«Israël et l’Afrique du Sud peuvent aussi proposer des formations spécialisées. La République tchèque est relativement en avance dans ce domaine. Une autre option est la Suisse. Il faut voir où c’est moins coûteux. De plus, des cours en ligne sont disponibles», ajoute-t-il.

Parallèlement, il s’interroge sur la façon dont les for- mations seront dispensées. Est-ce que toutes les mala- dies pouvant être traitées via le cannabis médical y figureront ou va-t-on seulement sélectionner quelques-unes ? «Dans le rapport, la liste des maladies admissibles est très restreinte. Les cours vont-ils s’y astreindre? Il incombe de faire des mises à jour tous les six mois pour d’autres pathologies afin de progresser et de permettre à d’autres patients de profiter du traitement. Les Mauriciens atteints de glaucome, par exemple, devraient aussi être inclus.»

D’autres interrogations font surface quant au choix de la société américaine pour la formation. «Va-telle proposer des médicaments lors les formations ? Tous les produits n’ont pas la même efficacité. Il faut aussi considérer toutes les molécules de la plante pour avoir un résultat», précise Amrish Lachooa. Rappelons que le steering committee recommande que seuls les produits approuvés par la Food and Drug Administration des États-Unis soient utilisés à Maurice. Or, ceux-ci sont très onéreux… et devront alors être importés

Percy Yip Tong, membre fondateur du Collectif Urgence Toxida, réagit aussi face à ces zones d’ombre.«On a déjà des spécialistes locaux. Je ne vois pas pourquoi il faut faire appel à des experts américains. Il y a des Mauriciens qui ont déjà des cultures de chanvre en Autriche. Il y a deux choses en termes de formation. Est-ce pour apprendre à planter ou doser le cannabis médical ? Quel est le contenu de la formation ? On n’a pas de détails», fait-il valoir.

Sur le modèle à suivre, il estime que l’expertise de La Réunion peut être mise à contribution, d’autant que le gouvernement français a accordé un permis spécial à l’île sœur pour la culture de chanvre. «Et avec la coopération française, cela ne coûterait rien. Pourquoi payer en dollars et aller si loin ? Et pour faire quoi comme formation ?»

Il cite également le modèle du Lesotho, premier pays africain à avoir libéralisé le chanvre médical, qui pourrait apporter son aide. Percy Yip Tong souligne que si la formation américaine est liée aux possibilités d’importation du cannabis médical et des matières premières, cela court-circuite les options d’une culture et d’une fabrication locales de ces produits. «Nous avons le meilleur soleil, une bonne terre favorable à la culture du chanvre bio et cela nous permet d’économiser des frais en termes de devises, de fret et de transport de CO2 .» Selon lui, il existe un potentiel énorme pour l’exportation. Et Maurice peut développer ce créneau. «Il faut penser loin et produire le maximum ici.»

Sinon, qui doit recevoir une formation ? Celle-ci ne doit pas être limitée aux spécialistes mais s’étendre à tout le personnel appelé à encadrer les patients nécessitant un traitement au cannabis médical, martèle Amrish Lachooa. Cela inclut les infirmiers et les pharmaciens, conclut-il.