Publicité

Hippisme│Incertitudes du début de saison : Entre frustration et moral en berne

19 mars 2022, 14:06

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Hippisme│Incertitudes du début de saison : Entre frustration et moral en berne

La saison 2022 devait débuter le 9 avril prochain. Mais il devenait de plus en plus clair que cette volonté relevait plus d’un voeu pieux, tant il existait des zones d’ombre, qui plombaient petit à petit le moral des troupes. Reste que les développements au niveau de la dernière réunion HRD-entraîneurs (voir encadré) devraient permettre de rassurer quelque peu la communauté hippique.

D’emblée, il faut dire que la fameuse question «Kan zafer la pou largue ?» était sur toutes les lèvres à la rue Shakespeare ces derniers temps avant que la date du 23 avril ne soit arrêtée. Car à moins de trois semaines du coup d’envoi initial, force était de constater que les choses n’avaient pas encore pick up au niveau du training, comme nous l’explique ce palefrenier d’expérience. «Nou enkor pe roule molo molo» alors même que les galops poussés devraient normalement battre leur plein.

«On ne sait pas encore quand la saison va commencer. C’est vrai qu’on parle du 9 avril, mais je suis personnellement sceptique.» Un état d’esprit qui n’est pas près de s’améliorer pour notre interlocuteur, qui se dit «inquiet», mais surtout «fatigué» de ce conflit qui semble parti pour durer entre la Horse Racing Division (HRD) et le Mauritius Turf Club (MTC). Qu’adviendra-t-il des palefreniers si la saison ne démarre pas au plus vite ? «Eski zot (NdlR : le MTC) pou ena kass pou ki zot pey nou ? Mo bien trakase en tou ka.»

Cette situation devient encore plus préoccupante pour la communauté des palefreniers dans le contexte économique très difficile actuellement. «Lapey la pa bon. Tou pe monte zordi. E kan ou tou sel travay dans lafami, li bien difisil…» Il déplore d’ailleurs le manque de considération envers ces maillons forts de l’industrie. «La communauté des palefreniers a rencontré la HRD notamment pour notre pourcentage sur le stakesmoney. On nous a fait comprendre que ce n’était qu’un simple oubli dans les Rules of Racing qui ont été soumis et qu’ils allaient rectifier le tir. Personnellement, j’attends de le voir noir sur blanc pour y croire.»

Flou total

L’inquiétude a également gagné les jockeys et apprentis du giron, comme nous l’explique Dinesh Sooful, le président de l’Association des jockeys. «Nou pa kone ki pe arrive. Nou pe bizin lir zournal et suiv bann social media pou nou inform nou. C’est le flou total. Aujourd’hui, nous venons au training sans savoir quand la saison débutera.» Un sentiment que partagent d’ailleurs plusieurs cavaliers mauriciens que nous avons sondés au training hier matin, une session anormalement calme et qui traduit également l’incertitude qui règne au niveau de la préparation des chevaux.

Pour le jockey champion en titre, il devient pratiquement vital que la saison démarre dans les plus brefs délais car les jockeys se retrouvent dans une situation précaire avec seulement leur trackriding fees comme unique moyen de subsistance. «Nous en avons justement discuté avec la HRD tout récemment. Il serait bon de rappeler que ces “fees” n’ont pas été revus depuis bientôt cinq ans. Entre-temps, nos frais (carburant, assurances, etc.) et le coût de la vie n’ont cessé d’augmenter. Sans compter que les montes diminuent avec le nombre de cavaliers qui augmente chaque année.»

Bien qu’attentive à leur situation, la HRD aurait toutefois fait comprendre que cela ne relevait pas de ses prérogatives, conseillant du coup aux jockeys de faire part de leurs doléances à la Gambling Regulatory Authority (GRA) plutôt. Au niveau de la MTCSL, on dit comprendre leurs revendications, sans pour autant être en mesure de remédier à la situation, l’organisateur des courses étant lui-même en proie à des difficultés financières, au grand dam de ces professionnels.

La grogne est tout autant perceptible auprès des propriétaires de chevaux, les maillons essentiels de l’industrie. Invités par la HRD en semaine, ils en sont toujours au même point, selon un propriétaire influent que nous avons contacté. «Uneventful. C’est le mot que j’utiliserai pour qualifier cette rencontre car la HRD, à mon humble avis, n’a pris aucun engagement concret pour rassurer les propriétaires de chevaux.»

«Run the show»

Notre interlocuteur explique que c’est surtout l’absence de garanties de la part de la HRD quant au fait que la saison commencerait au plus vite qui inquiète le plus les propriétaires. «On nous a parlé d’un plan B au cas où la MTCSL ne serait pas prête ou disposée à organiser les courses hippiques cette année, et ce, sans donner plus de détails. Je suis navré, mais cela ne me suffit pas. Comment puis-je planifier ma saison ainsi ? Je ne peux raisonnablement pas investir dans l’achat de nouveaux chevaux si je ne suis pas sûr de pouvoir les faire courir cette année, encore plus avec les frais qui ne cessent d’augmenter.»

«Le manque de visibilité dont souffre l’industrie est vraiment décourageant voire frustrant pour les propriétaires. Vous n’êtes pas sans savoir que nous sommes parmi les stakeholders les plus importants de l’industrie. C’est nous qui investissons, qui prenons tous les risques et qui payons les keeps. We run the show but we are kept in the dark. C’est frustrant de se sentir aussi peu considéré», regrette-t-il.

Et selon lui, la situation n’est pas près de s’arranger s’il se fie aux courriers officiels échangés entre la HRD et la MTCSL en semaine. «It’s the same story as last year», s’insurge-t-il. «Il est plus que temps que ces messieurs se réunissent autour d’une table, qu’ils mettent leur ego de côté et qu’ils trouvent une solution durable pour cette industrie.»

Rencontre HRD-entraîneurs : Le coup d’envoi de la saison repoussé au 23 avril

Le premier départ de la saison 2022 aura lieu le 23 avril et non le 9 comme initialement annoncé par la Horse Racing Division (HRD). Cette entité a en effet pris la décision de repousser le début de la saison de deux semaines à la demande des entraîneurs hier après-midi lors d’une rencontre à la Newton Tower.

Dans un communiqué émis en fin d’après-midi, la HRD dit avoir pris cette décision à la demande des entraîneurs qui ont mis en avant les difficultés rencontrées dans la préparation des chevaux ces derniers jours voire ces deux dernières semaines en raison du mauvais temps. La HRD a aussi mis l’accent sur le fait qu’elle souhaite donner la chance à toutes les écuries d’amener leurs chevaux dans les meilleures conditions pour le coup d’envoi de la saison.

La décision de la HRD de repousser le début de la saison a tout son sens dans la mesure où les chevaux sont loin d’être prêts pour la compétition si on se base sur ce qu’on a vu à l’entraînement ces derniers jours. Il est bon de souligner qu’à ce stade, beaucoup de chevaux ont paru encore très enrobés au training et que les chronométreurs sont restés sur leur faim dans l’attente des galops poussés alors que généralement, à trois semaines du coup d’envoi de la saison, les chevaux sont déjà soumis à des exercices poussés. L’arrivée tardive des nouveaux chevaux n’aurait pas non plus aidé si la saison devait débuter le 9 avril.