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Christian Léopold: «Rodriguais bloqué» devenu président de l’Assemblée régionale

17 mars 2022, 20:00

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Christian Léopold: «Rodriguais bloqué» devenu président de l’Assemblée régionale

«Ayez pitié de nous ! Ayez pitié de nous ! Nous n’en pouvons plus. Nous voulons rentrer à la maison.» Désespéré, Christian Léopold a supplié, le 11 mai 2021, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, également ministre de Rodrigues, pour qu’il puisse rentrer dans son pays, comme tant d’autres Rodriguais bloqués à Maurice depuis le 6 mars de cette année-là à cause du Covid-19. Il était au bord des larmes, mais s’était retenu. Pancarte à la main, aux côtés d’un groupe restreint, comme le permet la loi, il avait été chassé par des policiers postés devant l’Hôtel du gouvernement. Pourtant, c’était une manifestation pacifique.

Ce jour-là, Christian Léopold a compris qu’il y avait deux types de citoyens faisant partie de la République de Maurice. Quand des activistes mauriciens manifestent en groupe restreint devant le Parlement, la police autorise leur action, mais c’est différent pour les Rodriguais. «Je ne suis pas dans mon pays. Je ne sais pas quoi faire», disait-il aux journalistes.

Le groupe s’était ensuite rendu au jardin de la Compagnie pour continuer la manifestation. L’ancien député rodriguais croyait pouvoir s’entretenir avec Pravind Jugnauth, qu’il avait côtoyé dans le passé, pour parler du sort des Rodriguais bloqués à Maurice. Il avait appelé le secrétariat du Premier ministre, tout comme son conseiller spécial Ken Arian, en vain. Il avait même fait le déplacement au bureau du Premier ministre pour déposer une lettre. «J’ai l’impression que le ministre de Rodrigues nous a abandonnés», avait-il déclaré, sachant que le chef du gouvernement n’allait pas lui accorder audience.

La roue tourne, dit-on. Aujourd’hui, Christian Léopold a un autre statut. Il présidera ce vendredi la première session de l’Assemblée régionale de Rodrigues, après avoir prêté serment le 5 mars. Pourtant, l’ancien député avait promis de s’éloigner de la politique après sa retraite de 2014. «On m’a fait sortir de ma retraite politique avec un bulldozer», plaisantait-il à l’express après la victoire de l’alliance de l’opposition en février.

Lorsqu’il a commencé son combat à Maurice, il a été sollicité par des citoyens rodriguais et des partis politiques, mais il n’était pas question pour lui de faire de la politique. «Je ne pouvais pas voir l’injustice. Les Rodriguais souffraient trop à Maurice. J’ai moi-même passé 98 nuits sans voir ma famille. Je voulais faire quelque chose pour ceux bloqués à Maurice. Il n’a pas été question de faire de la politique», avance Christian Léopold.

Joyce Jhabeemissur, une Rodriguaise qui a milité à ses côtés, affirme avoir été impressionnée par sa détermination. «Il sait très bien parler. Il sait négocier. Il voulait que tout le monde rentre à la maison.»

Malgré sa popularité, Christian Léopold a rejeté toutes les offres politiques jusqu’à la veille de l’enregistrement des partis. «Je ne dormais pas la nuit. Je recevais des coups de fil. Des gens venaient frapper à ma porte pour que je donne un coup de main à l’opposition, mais quand j’ai vu qu’il n’y avait aucune entente de l’opposition, j’ai ressuscité mon parti, le Mouvement militant rodriguais, pour être le trait d’union entre les partis de l’opposition. Je n’ai pas demandé d’investiture», insiste-t-il. Pour la suite, il a fait campagne aux côtés de l’opposition pour dénoncer le gouvernement de l’Organisation du peuple de Rodrigues (OPR).

Christian Léopold maintient qu’il n’a nullement sollicité le poste de président de l’Assemblée régionale de Rodrigues. «L’équipe gagnante m’a proposé ce poste en affirmant qu’elle a besoin de quelqu’un qui a de l’expérience et qui peut maintenir la cohésion au sein de l’Assemblée régionale. Je crois que je peux être impartial lors des débats. Je le serai d’ailleurs. Laissez-moi vous dire que quelques membres de l’opposition étaient mes élèves.»

Pour rappel, le nouveau président de l’Assemblée régionale de Rodrigues était enseignant de biologie au Rodrigues College, où il a passé 30 ans, avant d’accepter son nouveau poste de responsabilité. Il a aussi travaillé brièvement à Maurice,lorsqu’il complétait son Post Graduate Diploma in Education.

Ce sont, entre autres, ses études à l’université de La Réunion qui lui ont fait prendre goût à la politique. D’abord, lors d’un voyage des étudiants à Madagascar, en 1989, il a découvert que la richesse de la Grande île n’était pas partagée équitablement entre la population. «Je me suis dit que quand je rentrerai à Rodrigues, je devais faire de la politique pour que cela ne nous arrive pas», raconte-t-il. Tout de suite, il a commencé à s’intéresser aux activités extrascolaires sur le campus, à La Réunion. Pour commencer, il a pris part aux élections des étudiants. «J’étais élu en tête de liste», se remémore-t-il.

Peu après, il est parti poursuivre ses études en France, avant de retourner à Rodrigues en 1992. «Tous les membres de ma famille sont des partisans de l’OPR. J’aurais dû intégrer ce parti, mais quand j’ai vu que le système allait droit vers un parti unique avec l’hégémonie de l’OPR, je me suis dit que c’est dangereux pour la démocratie.» Christian Léopold est alors recruté par Nicolas Von Mally, qui venait de fonder le Mouvement Rodriguais, il a ensuite été promu président du parti.

Cependant, ce n’est qu’en l’an 2000 que Christian Léopold fait son entrée au Parle- ment comme député correctif de Rodrigues, malgré sa quatrième place. Il améliore sa performance en 2005, pour prendre la 3e place, au détriment de son leader, mais comme il n’y a que deux élus sous le système «First Past The Post» à Rodrigues, il est repêché une nouvelle fois par le «Best Loser System».

Finalement, il crée l’exploit en 2010, en sortant en tête de liste avec 50,9 % de votes. Avec le départ du MSM de l’alliance PTrPMSD-MSM en 2011, Navin Ramgoolam nomme Nicolas Von-Mally, ministre de Rodrigues, et Christian Léopold, secrétaire parlementaire privé. «Beaucoup de personnes ne le savent pas. J’ai dû batailler avec Navin Ramgoolam pour que Rodrigues ait un secrétaire parlementaire privé», dit-il. Mais après un désaccord avec Nicolas Von-Mally, il a démissionné du MR pour fonder son propre parti, le MMR.