Publicité

«The Kashmir Files» rejeté puis autorisé: sacré coup de pub !

17 mars 2022, 15:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

«The Kashmir Files» rejeté puis autorisé: sacré coup de pub !

Après avoir interdit la projection du film «The Kashmir Files», basé sur les interviews de la première génération de Pandits qui vivaient dans la vallée du Cachemire, et qui ont été persécutés par des groupes armés séparatistes d’influence islamiste au début des années 90, le «Film Classification Board» a accepté de revoir sa position après avoir reçu l’avis d’appel de son importateur, Mont Ida Entertainment Ltd. Le film sera accessible aux cinéphiles de plus de 18 ans.

C’est incontestablement le film le plus attendu depuis sa sortie dans les salles obscures en Inde, le vendredi 11 mars. Il était prévu que ce film soit projeté dans les salles de MCiné mardi. Sauf que lundi après-midi, la veille de la sortie du film dans les salles, le Film Classification Board (FCB) a informé la direction de MCiné par courriel que The Kashmir Files a été rejeté par les membres du board. Cependant, l’importateur du film avait un délai de dix jours pour faire appel de cette décision auprès du ministère de tutelle.

Dans une déclaration à Radio Plus mardi, le ministre des Arts et du Patrimoine culturel, Avinash Teeluck, avait expliqué que «la décision de censurer ce film a été prise par le FCB selon certains paramètres et conditions qui sont prédéfinis…» Le ministère ayant reçu l’avis d’appel (Notice of Appeal) de Mont Ida Entertainment Ltd mardi, la demande devait être traitée dans les sept jours, selon la loi. Le FCB a accepté de reconsidérer sa position sur le film The Kashmir Files. La décision est tombée hier après-midi.

En effet, le FCB a expliqué qu’à la suite de l’avis d’appel de Mont Ida Entertainments Ltd pour que la classification du film The Kashmir Files soit revue, un panel comprenant trois Deputy Chaipersons du FCB s’est réuni pour examiner le dossier et reconsidérer sa position. Ainsi, la classification Visa 18+ a été attribuée au film. Du coup, il peut être visionné par une audience de plus de 18 ans.

Contacté en début de soirée d’hier, Rajesh Callicharan, directeur de Mont Ida Entertainment Ltd, gérant des salles MCiné et Novelty et importateur du film, s’est dit «soulagé de cette décision. Dès aujourd’hui à 10 h 30, nous allons projeter le film en salle».

Il n’était pourtant pas de cette humeur lundi, après le rejet du board. «Nous avions eu beaucoup d’appels de réservations durant le week-end écoulé et même en avance par rapport aux dates de projection. Ce film connaît un grand succès à l’international. À Maurice, il aurait été un succès également», avait-il souligné, dépité. De plus, il avait affirmé que même les expatriés, qui attendaient impatiemment la sortie du long-métrage, étaient dans l’incompréhension quant à son rejet à Maurice.

Rajesh Callicharan avait alors indiqué que depuis 30 ans qu’il importe des films, aucun d’eux n’avait été rejeté jusqu’ici par le FCB, qui tombe sous l’égide du ministère des Arts et du Patrimoine culturel. Lundi après-midi, soit à la veille de la sortie du film dans les salles, c’est par courriel que le FCB avait informé la direction de MCiné que le film The Kashmir Files avait été rejeté par les membres du board. Cependant, d’après la loi, l’importateur de films, se sentant lésé, a un délai de dix jours pour faire appel de cette décision auprès du ministère de tutelle.

Dans son avis d’appel et sous la section 14 de la Films Act de 2002, Rajesh Callicharan avait avancé cinq points. Tout d’abord, il avait précisé que le board n’avait pas indiqué qui étaient ses membres, y compris le président, le vice-président, qui ont visionné le film. Ensuite, il avait trouvé que la décision du conseil était «injuste et contre les principes de justice» car aucune explication n’avait été donnée quant à la motivation du board pour rejeter le film. De plus, le board n’avait même pas indiqué s’il a considéré l’imposition de conditions, comme stipulé dans les lignes directrices de la classification des films, qui énoncent clairement la condition spécifiée 18 R, soit un visa pour un public de plus de 18 ans.

En quatrième point, Rajesh Callicharan avait invité le ministre Teeluck à considérer le fait que le film est projeté à travers le monde, y compris en Grande-Bretagne, aux États-Unis et au Canada. Quant au dernier point soulevé, le directeur de Mont Ida Entertainment Ltd avait affirmé que le refus de considérer cet appel «allait à l’encontre du développement socio-économique du pays et enfreignait clairement la liberté d’expression», d’autant plus que ce film sera disponible sur plusieurs plateformes en ligne, notamment sur Netflix et/ou Youtube, dans un avenir proche.

Raviraj Beechook, consultant en matière de production de films auprès de MCiné, avait, lui, fait ressortir qu’il y a un gros engouement pour The Kashmir Files. «Des milliers de personnes ont contacté MCiné pour des projections privées. (…) On ne sait pas pour quelle raison le film a été rejeté à Maurice alors qu’il est sorti dans 27 pays et dans 2 700 salles à travers le monde. Le film est même projeté aux Émirats arabes unis. À ce stade, à part un incident, il n’y a aucun autre dérapage.» Indigné, il avait qualifié la censure de «gifle à l’intelligence des Mauriciens. Le FCB Censor pense que les Mauriciens sont des idiots, les privant d’un film de grande qualité.»

Parmi les internautes indignés qui se sont exprimés sur les réseaux sociaux lundi, il y avait Nivedita Nathoo. Ne comprenant pas cette censure, elle avait expliqué «qu’en tant qu’être humain, on ressent la douleur de chaque personne, qui a souffert injustement, peu importe la communauté à laquelle elle appartient. Nous avons appris du passé – le film Schindlers List, qui raconte l’extermination de quelque six millions de Juifs, qui n’aurait jamais dû se produire, plus près de nous, la tragédie des Chagossiens et The Kashmir Files qui nous montre également comment l’humanité a échoué dans la belle vallée du Cachemire. (…) En interdisant le film, le FCB va attiser davantage la curiosité et le rendre encore plus populaire. Ceux qui ne voulaient pas le voir, le feront maintenant. Facebook est inondé de The Kashmir Files». Jointe au téléphone ce jour-là, elle s’est dit «choquée. J’ai regardé le film sur le Net. Il n’y avait rien dans ce film qui n’était pas vrai et qui aurait pu blesser la sensibilité». Nivedita Nathoo avait déjà prévu une projection privée, le di- manche 20 mars, et celle-ci affichait complet. De concert avec un groupe d’amis, elle avait même envisagé de saisir la Cour suprême pour renverser la décision du Film Classification Board.

Les choses ne devraient pas aller aussi loin maintenant que le FCB a autorisé la projection pour un public spécifique.

Pourquoi The Kashmir Files est-il si controversé ? Ce film a failli ne pas sortir dans les salles en Inde. Une motion a été déposée par un résident de l’Uttar Pradesh devant la Haute Cour de Bombay pour suspendre la sortie du film mais elle a finalement été rejetée et le film est sorti le 11 mars dans les salles de cinéma. Selon les médias indiens, ce film connaît un succès phénoménal dans plusieurs États de la Grande péninsule. L’Economic Times raconte que le film est basé sur l’exode des Kashmiri Pandits en 1990 et il décrit «la lutte déchirante et le traumatisme auxquels ont été confrontés les Hindous du Cachemire».

Les meilleurs opérateurs de salles de cinéma ont déclaré que les projections avaient triplé dans les trois jours suivant la sortie de The Kashmir Files. Ce film, avec des promotions limitées et un marketing minimal, redéfinit les records du box-office de Bollywood. En seulement quatre jours de sortie, ce «blockbus- ter historique» a enregistré des recettes phénoménales de Rs 47,85 crore, soit Rs 282,3 millions, au box-office mondial. Selon Bollywood Hungama, le film a rapporté environ 653 783 USD, soit Rs 29,5 millions lors de son week-end de lancement sur les marchés étrangers.

Taran Adarsh, critique de cinéma, a trouvé The Kashmir Files «percutant, direct, brutalement honnête…» Un autre critique cinématographique, Rohit Jaiswal, affirme que Vivek Agnihotri a réalisé «un film phénoménal, le meilleur film de sa carrière». De son côté, thehindu.com affirme qu’en «s’appuyant sur des faits, des demi-vérités et de nombreuses déformations, Vivek Agnihotri propose une vision alternative de la question du Cachemire, avec l’intention de ne pas seulement provoquer… mais d’inciter.» Pour newindiaexpress.com, The Kashmir Files est «une molle tentative de provocation». Et d’ajouter : «The Kashmir Files ne se préoccupe pas le moins du monde de ses sujets, exploitant allègrement leurs traumatismes et leurs tragédies pour une rhétorique bon marché.»

Samedi, l’équipe derrière la production de The Kashmir Files a rencontré Narendra Modi, le Premier ministre indien. Ce dernier a déclaré apprécier le travail de l’équipe, de même que le film (sic). Sur IMDb, un site Web populaire hébergeant des critiques de films et de télévision, ce film obtient une note de 8,3/10.

 

Ces censeurs de l’ombre

<p>Qui sont les membres du FCB qui ont initialement décidé de rejeter le film <em>The Kashmir Files</em> ? À hier, le directeur des salles <em>MCiné</em> et <em>Mont Ida Entertainment</em>, Rajesh Callicharan, n&rsquo;avait pas obtenu de réponse à cette requête qui figure notamment dans son appel du rejet du film réalisé par Vivek Agnihotri par ce bureau de classification des films, des pièces de théâtre et des spots publicitaires.</p>

<p>Tout ce qu&rsquo;il sait, nous dit-il, c&rsquo;est que chaque film est visionné par un panel différent composé de trois à quatre personnes. Mardi après-midi, soit quelques heures après avoir fait appel de la décision, Rajesh Callicharan a reçu un retour par courriel du ministère des Arts et du Patrimoine culturel l&rsquo;informant que le film serait cette fois-ci visionné par un panel indépendant.</p>

<p>Là aussi, pas moyen pour lui de connaître l&rsquo;identité des membres. Ceux-ci ont en tout cas commencé à regarder le film, d&rsquo;une durée de 2 heures et 50 minutes, à 11 heures, hier.</p>

<p>Pour essayer d&rsquo;en savoir un peu plus sur le FCB qui, voulu ou pas, est soudainement sorti de l&rsquo;ombre, direction le site Internet du ministère des Arts et du Patrimoine culturel, puisque ni le ministre Avinash Teeluck ni son service de presse ne répond aux appels et requêtes de <em>l&rsquo;express.</em></p>

<p>Sur le site <em>Web</em>, au chapitre concerné, le seul nom affiché est celui d&rsquo;Ajay Hooloomann, un <em>Assistant Secretary.</em> Celui-ci, que nous avons pu joindre au téléphone, hier, ne nous a cependant guère éclairés sur ce bureau de classification des films et pièces de théâtre. <em>&laquo;Je suis surchargé. J&rsquo;ai un rapport à soumettre à mon supérieur. Appelez Monsieur Lallmohamed, la chairperson sur le 201 2905&hellip;&raquo;</em> a-t-il rétorqué, avant de raccrocher.</p>

<p>Sauf qu&rsquo;à hier, pas moyen de mettre la main sur la personne en question, qui est un fonctionnaire au titre d&rsquo;<em>Assistant Permanent Secretary </em>au ministère de tutelle, le numéro fourni n&rsquo;existant pas selon l&rsquo;opératrice au bout du fil&hellip;</p>

 

Ce qui est du domaine public

<p>Le Bureau de classification des films est établi en vertu de la loi sur les films de 2002 et des règlements sur les films de 2009 ainsi que de la loi sur les pièces de théâtre de 1951. C&rsquo;est ce qu&rsquo;on peut lire sur le site Internet du ministère des Arts et du Patrimoine culturel. Ses fonctions consistent à classer les films, les spots publicitaires et les pièces de théâtre destinés à être montrés au public. On peut aussi lire que le FCB procède également à l&rsquo;autorisation des films importés au port et à l&rsquo;aéroport avant leur classification.</p>

 

Palmesh Cuttaree : «j’avais le plus grand board avec 300 membres»

<p>Il a été président du <em>Film and Stage Play Classification Board </em>de 1998 à 2006. Sous la présidence de Palmesh Cuttaree, provision a été faite pour classifier les films au lieu de les censurer comme c&rsquo;était le cas à l&rsquo;époque. Le créateur, formé à l&rsquo;École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d&rsquo;arts, à Paris, qu&rsquo;on ne présente plus, trouve ridicule le fait de cou- per un film pour l&rsquo;adapter aux enfants, d&rsquo;autant qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une propriété intellectuelle à laquelle, fait-il valoir, nous n&rsquo;avons pas le droit de toucher. D&rsquo;où l&rsquo;introduction sous sa présidence de films sous cinq étiquettes basées sur l&rsquo;âge de l&rsquo;auditoire : Visa U (universel), Parental Guide (sous autorité parentale), 15 (interdit aux moins de 15 ans) et 18 (interdit aux moins de 18 ans). Quant au Visa X il a été remplacé par le 18 R, soit réservé à un public averti, ayant plus de 18 ans.</p>

<p><em>&laquo;Lolita, j&rsquo;ai laissé passer à la MBC mais à une heure tardive</em>&raquo;, se remémore Palmesh Cuttaree. Par ailleurs, ce spécialiste de la communication visuelle explique que chaque film était visionné par un panel différent. <em>&laquo;Je constituais le panel de professionnels, de gens cultivés et j&rsquo;essayais d&rsquo;équilibrer le niveau avec des jardiniers, des ouvriers qui ont une valeur et regardent eux aussi des films tout comme des médecins et psychologues. J&rsquo;avais le plus grand board avec quelque 300 membres puisque les films arrivaient dans leur version originale.&raquo;</em></p>