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Carburants: une hausse inévitable, mais…

13 février 2022, 11:30

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Carburants: une hausse inévitable, mais…

Alors que la hausse des prix du carburant effective depuis le 29 décembre fait toujours vaciller, voilà que plane l’ombre d’une nouvelle majoration. Qu’en est-il réellement ? Y-a-t-il moyen d’amortir la hausse ? Réponses

Tout d’abord, une évidence. La hausse des prix des carburants est inévitable. C’est ce que disent en chœur Rama Sithanen, économiste, et Megh Pillay, ancien directeur de la State Trading Corporation (STC). Le baril de pétrole, soit 159 litres, coûte 93 dollars. En avril 2020, alors que le monde était confiné et la demande était au plus bas, le prix était négatif pour la première fois dans l’histoire, c’est-à-dire, les producteurs payaient pour que les distributeurs leur prennent la commodité par manque d’espace de stockage. Mais en un an, le prix a doublé. «Le fait que le prix monte est une bonne nouvelle, car cela démontre que l’activité économique reprend», analyse Megh Pillay.

Cependant, lorsque l’offre augmente, la hausse des prix se fait graduellement. Cette hausse en flèche est due à plusieurs autres facteurs, explique l’ancien directeur de la STC. Les tensions entre la Russie et l’Ukraine ou encore entre l’Arabie saoudite et le Yemen font grimper les prix. «Ce sont de gros producteurs, donc, en cas de tensions dans les régions, il y a la peur de baisse ou d’arrêt dans la production. Donc, la demande monte encore car les investisseurs font du stock.» En gros, c’est la rhétorique de guerre qui fait grimper les prix en dollar. Puis, à côté, il y a le fait que la roupie chute de jour en jour. Les deux phénomènes contribuent à la hausse de prix à la pompe.

La STC est dotée d’un compte qui aide à amortir la hausse du prix de l’essence. Ce compte est alimenté lorsque le prix du baril baisse. Cette baisse n’est pas répercutée à la pompe. L’État prend l’argent en surplus et le verse dans ce compte. Lorsque le prix repart à la hausse, c’est cet argent qui est utilisé pour amortir la hausse et de ce fait, il n’y a pas d’augmentation de prix à la pompe. Mais ce fonds est à sec. Les experts pensent que l’argent de ce fonds a été puisé pour financer d’autres projets.

Les pistes probables

Trois solutions s’offrent au gouvernement. Tout d’abord, une subvention sur les carburants à la pompe pour que le porte-monnaie ne souffre pas. Puis, il y a l’idée de supprimer quelques taxes. «Les taxes sur le vaccin ou d’autres peuvent être supprimées pour alléger le prix», affirme Rama Sithanen. Cependant, il fait ressortir que cette mesure ne sera que temporaire. Selon lui, il est peu probable que le prix du pétrole se stabilise de sitôt. «La STC ne peut pas augmenter le prix de plus de 10 % à chaque fois. Donc, on est probablement parti pour une succession de hausse de 10 % et les autres fois, il n’y aura plus de taxes à supprimer», considère-t-il. La troisième option est un hedging, c’est-à-dire, l’achat du pétrole à un prix fixe, mais gardant en tête les mauvaises expériences du passé, lorsque le prix avait chuté après un hedging, il est peu probable que les autorités se tournent vers cette option.

Parlant des taxes, Xavier Duval, expert-comptable et leader de l’opposition, a une autre lecture des choses. «Lorsque le prix baisse, le ministre des Finances profite pour rajouter des taxes. Mais il y a une règle non écrite qui veut que lorsque le prix monte, ces taxes sont supprimées pour ne pas affecter la consommation et garder un équilibre», avance cet ancien ministre des Finances. Depuis 2008, les prix ont baissé, d’où la flopée de taxes qui ont été intégrées au prix. Aujourd’hui, dit Xavier Duval, du prix que le consommateur paye à la pompe, la moitié représente les taxes et la TVA sur ces taxes. Donc, il est impératif de les revoir face à la nouvelle tendance.

Cependant, Megh Pillay estime qu’il est peu probable que le gouvernement se tourne vers cette option. «En 2020, lorsque le prix était au plus bas, la demande à Maurice était quasiment nulle. Cela a été le cas en 2021 aussi. Par conséquent, les taxes que l’État pensait percevoir sur la vente du carburant ne sont pas entrées dans les caisses. Il est donc peu probable que les taxes soient enlevées, même si cela représente la solution la plus sage.» Le dénouement, pense-t-il, serait que la tension entre la Russie et l’Ukraine baisse, ce qui entraînera une chute dans les prix du baril.

L’effet sur l’aviation

Avec cette hausse, il est inévitable que le prix des billets monte. Megh Pillay, qui était aussi à la tête de MK, avance que le carburant représente en moyenne 30 % des dépenses de la compagnie d’aviation. «Le deuxième item est le coût d’un vol et la location des avions, qui représente 20 % des dépenses, loin derrière le carburant.» En ce moment, vu l’état des finances des compagnies d’aviation, il est très peu probable que cette hausse soit absorbée. Elle sera donc répercutée sur le prix de vente des billets.