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Cours mondial en hausse: à USD 92 le baril de pétrole, la marge de manœuvre de l’État limitée

8 février 2022, 19:00

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Cours mondial en hausse: à USD 92 le baril de pétrole, la marge de manœuvre de l’État limitée

Les semaines à venir s’annoncent pénibles, les économies à travers le monde se trouvant plus que jamais à la merci des pressions inflationnistes. À USD 92,31 (Rs 4 038,60 au taux du jour) le baril de pétrole sur le marché mondial, les tensions géopolitiques et les conflits dans les pays producteurs de l’or noir laissent entrevoir une courbe ascendante des prix du carburant, pouvant atteindre USD 100 le baril, bien plus vite que prévu. À Maurice, avec un taux d’inflation de 6,8 % en glissement annuel en décembre dernier et une roupie continuellement dépréciée, le choc risque d’être rude.

Prix record depuis sept ans, la flambée du prix des carburants sur le marché mondial atteignant USD 92,31 (Rs 4 038,60 taux du jour) le baril (Brent Crude Oil) contre USD 65,19 en mars 2021 est source d’inquiétudes. La baisse de production, les catastrophes naturelles, sans oublier les récentes tensions géopolitiques et les conflits dans les pays producteurs laissent entrevoir des prix qui montent en flèche, pouvant rapidement atteindre USD 100 le baril.

À Maurice, tout porte à croire que l’augmentation du prix au détail des carburants, le 28 décembre dernier, dont l’essence, passant de Rs 50,70 à Rs 55,75 le litre et le diesel qui est passé à Rs 41 le litre contre Rs 37,30, n’est qu’un début. En effet, notre prochaine livraison en provenance d’Inde est prévue le 18 février et les autorités estiment que nous devrons payer notre carburant à environ USD 88 le baril contre USD 77 lors de la dernière commande, soit une hausse de 14 %.

Sur la base de l’augmentation du prix à la pompe de décembre dernier, il est donc peu probable qu’en quelques semaines les réserves du Price Stabilisation Account (PSA) de la State Trading Corporation (STC) aient subitement gonflé, générant suffisamment de surplus pour permettre à l’État d’absorber cette augmentation du cours mondial des produits pétroliers. Compte tenu des indicateurs économiques affaiblis, la marge de manœuvre de l’État demeure, donc, assez restreinte, laissant entrevoir une possible hausse des prix de l’essence et du diesel à la pompe. L’impact négatif sur l’inflation déjà en hausse face à l’absence d’une politique monétaire adaptée se fera donc davantage sentir.

Pourquoi à l’international les spécialistes de ce secteur s’affolent-ils quant à la production et les prix de vente du carburant ? Les compagnies pétrolières occidentales, sous la pression des investisseurs et des militants écologistes, font moins de forages qu’avant la pandémie afin de limiter une augmentation de l’offre, évitant au passage un nouvel effondrement des prix. Il y a ensuite les catastrophes naturelles et les conflits politiques dans des pays comme l’Équateur, le Kazakhstan et la Libye qui freinent la production. Et, actuellement, la situation entre la Russie et l’Ukraine d’une part, et l’Arabie saoudite et le Yémen, d’autre part, reste pour le moins préoccupante et pourra éventuellement influer sur le cours du Brent.

À savoir que la Russie produit 10 millions de barils de pétrole par jour, soit environ un baril sur dix utilisés dans le monde à un moment donné. Résultat : tout arrêt des cargaisons russes qui transitent par l’Ukraine où le sabotage d’autres pipelines affecterait la chaîne d’approvisionnement mondiale, le reste des pays du monde ne disposant pas de la capacité de réserve nécessaire pour remplacer le pétrole russe. Aussi, avoir à dépendre des autres pays producteurs pour pomper plus risque de prendre des mois. Au Moyen-Orient, les attaques des Houthis du Yémen, alliés de l’Iran contre les Émirats arabes unis, affectant les installations pétrolières n’arrangent pas les choses.

La tendance est donc claire que le prix des carburants ne chutera pas de sitôt. Et même si la situation devait s’arranger dans les mois à venir, il y a urgence de penser à des solutions alternatives à l’importation de carburants.

Prix record

Dans le court terme, à quoi s’attendre ? «En général, quand les prix au niveau mondial baissent, cela nous permet de créer des réserves dans le Price Stabilisation Account (PSA), afin que nous puissions puiser de ces réserves en cas de hausse des prix sur le marché mondial, sans affecter le prix des carburants à la pompe. Or, nous faisons à présent face à une hausse des prix au niveau mondial, avec un prix record depuis 2014. Le Petroleum Pricing Committee se rencontre chaque quatre mois, donc une décision sera prise lors de la prochaine rencontre. Si le PSA est en déficit, cela n’exclut pas une hausse des prix, mais il est à savoir que la loi impose que toute augmentation des prix à la pompe ne peut pas être de plus de 10 %», explique Rajiv Servansingh, directeur général de la STC.

L’État peut-il absorber ces augmentations ? Pas si sûr, compte tenu du niveau de la dette et du manque de devises sur le marché. Avoir recours une nouvelle fois à de la dette extérieure ou aux réserves en devises de la Banque centrale ne ferait que régler un problème pour en créer un autre. Quelles autres options ? Vu que les exercices de vaccination progressent et qu’une bonne partie des vaccins sont des donations, les Rs 2 de taxe sur le carburant pour le financement des vaccins pourraient entrer en ligne de mire. Donc, si à titre d’exemple le calcul d’une nouvelle hausse hypothétique du prix de l’essence devrait atteindre une augmentation de Rs 5, cette augmentation relayée aux consommateurs pourrait être de Rs 3 seulement en y incluant la contribution pour l’achat de vaccins.

À situation désespérée, mesure désespérée, l’État pourrait-il repousser la réalisation de certains projets d’infrastructures ou autres, et recycler le budget alloué pour subventionner l’essence et le diesel ? Car il va de soi qu’une nouvelle augmentation du prix des carburants résulterait en une hausse des prix généralisée alors même que le pays importe tous ses produits de consommation à plus cher, le dollar s’échangeant à Rs 43,75.

«Le gros problème est que notre roupie continue de se déprécier par rapport aux principales devises, telles que le dollar américain. Si le prix du baril atteint les USD 100, la situation va empirer avec une pression encore plus forte sur la roupie. De même, le gouvernement n’aura pas les moyens financiers d’empêcher une hausse du prix du carburant. La situation sera d’autant plus problématique que sur chaque litre d’essence et de diesel, une taxe de Rs 2 est prélevée pour l’achat de vaccins et en janvier nous avons déjà eu une augmentation de près de 10 % qui a déjà impacté le budget des ménages. Il ne fait aucun doute que le gouvernement devra subventionner pour éviter toute augmentation supplémentaire pour les consommateurs», avance l’économiste Bhavish Jugurnauth.

Selon lui, une façon d’éviter une augmentation substantielle du prix de l’essence serait de revoir le montant de l’Excise duty sur l’essence. «Actuellement, cette taxe représente plus de 48 % du coût, de l’assurance et du fret, ce qui fait du carburant le produit le plus taxé à Maurice. Une éventuelle réduction de cette taxe peut empêcher une augmentation du prix à la pompe, mais aura bien entendu un impact sur les recettes du gouvernement. Toutes ces variables suggèrent que si le baril atteint 100 dollars, il faut s’attendre à une augmentation de l’inflation qui affecte déjà lourdement les consommateurs.»

Finalement, si la marge de manœuvre de l’État est restreinte, les entreprises et la population doivent aussi apprendre à s’adapter. Adopter à une plus grande échelle le télétravail réduit le besoin de circuler et donc de consommer de l’essence. On ne l’aura pas assez répété, la réalisation des projets d’énergie verte, avec l’installation de plus de panneaux photovoltaïques sur les toits des bâtiments de l’État, comme du secteur privé et des maisons doit s’accélérer. Sans doute l’État doit davantage s’y impliquer et privilégier ces options, comme il revient à la banque centrale de réagir pour contrôler la montée de l’inflation.