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Ivan Collendavelloo: «À mon avis les 73 bulletins manquants n’ont jamais existé»

6 février 2022, 22:30

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Ivan Collendavelloo: «À mon avis les 73 bulletins manquants n’ont jamais existé»

Il faut au moins reconnaître que celui que le MMM qualifie de traître aime l’adversité. Il semblerait même qu’il s’en délecte. Il savait que cet entretien n’allait pas être complaisant, voire qu’on allait être «déplézan». Mais Ivan Collendavelloo a choisi de nous affronter. Ce fut un match difficile, durant lequel le leader du Muvman Liberater a démontré que lui aussi sait donner des coups…

C’est la 4e longue interview que vous nous accordez depuis votre révocation. Quand je compare les exercices précédents à votre discours, mardi, après la proclamation des résultats du recount, vous me sembliez «fezer» et «gran nwar». Vous avez dit que le recount était un gaspillage d’argent public et vous ajoutez «mem si ti donne Jenny tou bann vot dan biltin ki manké, mo ti pou ganyé em»…
Li pa gran nwar ditou. C’est un statement légal. C’est un principe de droit que je traduis dans un langage commun. Le gâchis d’argent qui par un abus de procédure – évidemment ce n’est pas Jenny Adebiro qui le fait; la pauvre Jenny est un bon zanfan, mais ce sont ses conseillers – cause un énorme préjudice à l’Etat. Je le dis parce qu’ils ont menacé de recommencer l’exercice. Ce qui veut dire que nous allons encore perdre beaucoup d’argent pour rien.

Mais c’est leur droit, non? Quand il y a un aussi mince écart; quand il y a un bulletin du numéro 1 dans les boîtes du n°19…
Évidemment, c’est leur droit. Voilà pourquoi jusqu’à l’heure nous n’avions pas invoqué le point d’abus de procédure. Par contre, s’ils le font encore une fois, comme ils menacent de le faire, nous prendrons le point d’abus de procédure…

Mais n’est-ce pas le bulletin du numéro 1, les 73 bulletins manquants, les deux bulletins sans le sceau de la Commission élec- torale, qui constituent l’abus de procédures pour nous citoyens lambda ?
Je vous parle du principe de l’abus de procédures selon le droit.

Vous n’avez pas envie d’y voir plus clair dans ces anomalies ?
On voit déjà clair. Voilà pourquoi je dis que même si tous ces votes litigieux étaient accordés à Jenny Adebiro, j’aurais gagné. Ce n’est pas fer fezer sa. C’est la loi. Beaucoup de jugements disent que même s’il y a eu erreur, il faut voir l’impact de l’erreur sur les résultats. S’il y a eu un écart de 4 000 votes et qu’on a retrouvé 10 bulletins dans la nature, aucune cour n’interférera…

(On l’interrompt) Il est aujourd’hui question d’un écart de 80 voix avec 73 bulletins qui manquent. On est loin de 4 000-10.
C’est exactement ce que je suis en train de vous dire. Même si vous ajoutez ces 73 votes et que vous les accordiez à Jenny Adebiro – et personne ne dit que ces 73 votes seraient allés à Jenny Adebiro – s’ils existent, car je ne pense pas qu’ils existent, et bien ces 73 votes…

(On l’interrompt encore) Comment ça, vous pensez qu’ils n’existent pas ?
C’est clair que c’est une erreur comptable. Quand vous faites une erreur comptable dans votre première colonne, l’erreur va se répercuter jusqu’à la fin. Voyons l’erreur, parce que vous voulez parler des 73 bulletins.

Vous paraissez plus informé qu’Irfan Rahman ! Lui il dit qu’il ne sait pas et la police doit enquêter.
Parce que je pense que le jour même du recount, nous n’avons pas eu une perception complète. Entre-temps, j’ai refait mes calculs, j’ai ana- lysé, et j’ai fait mes comptes. Voilà ce qui s’est passé. Dans les counting units, certaines personnes ont commis des erreurs arithmétiques. Elles ont mal additionné. Il y a eu plus de votes, qu’il n’y avait d’électeurs. Automatiquement quand elles font leur total, elles arrivent à 28 169 bulletins valides. Parce qu’elles ajoutent ces votes en plus basées sur les précédentes erreurs comptables. L’erreur est humaine. Et cela arrive à tout le monde. Le problème c’est qu’au numéro 19, l’erreur n’avait pas été découverte. Résultat, on obtient 28169 bulletins valides que le Returning Officer déclare. Quand on ouvre les boîtes pour le recount, cette fois c’est le judiciaire qui compte. Il va au bureau de la SMF. Je regrette que la SMF ne permette pas à la presse de visiter, car moi je suis allé voir et c’est impressionnant. C’est une cave ! Il y a une première porte qui doit être déverrouillée par un ingénieur équipé d’un appareil. Passé cette première porte, il y a trois cadenas scellés. La SMF possède la clé pour un cadenas. L’Electoral Supervisory Commission détient la clé pour un autre. Une autre institution, je ne sais plus laquelle, détient la 3e clé. Et les trois doivent être déverrouillés simultanément. Et c’est là que se trouvent toutes les boîtes avec des scellés. C’est impossible pour que quelqu’un y pénètre, à moins qu’il bénéficie de la complicité de trois institutions. Ça c’est le 1er aspect.

Revenons donc au compte du Master and Registrar et de ses court officers. Ils ont bien compté. Comment compte-t-on les bulletins le jour du dépouillement ? Une personne fait des lots de 100. Elle compte les bulletins comme on compte les billets de banque. (Il mime le geste avec ses doigts). Et personne ne passe derrière pour vérifier et recompter. Quand vous comptez les billets dans votre porte- feuille, combien de fois il vous arrive de vous tromper. Voilà d’où vient l’erreur selon moi. Ce compte est validé en présumant qu’il est bon. Par contre le Master and Registrar de la Cour Suprême a procédé de manière plus efficace, et son compte donne 73 bulletins de moins que ce qu’avait déclaré, et non recompté, par le Returning Officer. (Il insiste sur les mots ‘déclaré’ et ‘recompté’) 

  • Des fois je crois que j’ai Rs 12 000 dans mon portefeuille, mais quand je compte, je n’ai que Rs 8 000. L’erreur est humaine.

Mais il y avait une autre erreur. La totalité des votes comptabilisés dans les salles de classes n’était pas divisible par 3. Et ça n’a rien à voir avec les lots de 100 ! Même avec 99 ou 101 bulletins dont on soustrait les bulletins invalides, la totalité doit être divisible par 3. C’est cela le calcul et le principe qui ont fait que vous, le Commissaire électoral et les autres défendeurs ont dû accepter le recount…
Oui oui. Ecoutez, certaines personnes font bien leur travail, d’autres pas. Ces erreurs n’ont pas été notées dans toutes les salles de classe.

18 des 25 quand même !
Oui, 18 c’est beaucoup et personne ne le conteste. Mais le Master & Registrar a procédé différemment, et je l’ai vu de mes yeux. Ils sont à trois avec leurs calculettes. Dans un cas, un Deputy Master a commis une erreur. Mais l’a corrigée. On fait tous des erreurs. Combien de fois il m’est arrivé d’ouvrir mon portefeuille alors que je crois que j’ai Rs 12 000, mais je n’ai que Rs 8 000 parce que j’avais mal compté. Mon explication sur cette fameuse erreur de «divisible par 3», c’est que l’officier qui totalise les votes pour sa salle de comptage, eh bien il a peut-être manqué un vote, et cela arrive souvent pour les candidats indépendants. La fatigue y contribuant, il oublie un vote par-ci, ou un autre par-là. Ce sont des erreurs qui ne doivent pas se produire. Et quand il y a autant d’erreurs, et que la marge est de 92 voix, la loi est claire. Il fallait un recount.

Mais mardi vers les 10h30, on s’est parlé au téléphone pendant que vous étiez à l’école GMD Atchia et c’était «on the record». D’ailleurs on en a fait un article sur notre site web. Vous paraissiez très agacé, voire inquiet, et vous me dites que, devant les 73 bulletins qui manquent, vous conseillez à vos agents de ne pas signer pour valider les comptes. Ce qui me fait dire que, lorsque votre victoire est déclarée, votre langage change, et ou fer fézér. Alors que plus tôt vous étiez dans vos petits souliers.
Je suis encore en colère par les erreurs arithmétiques. Ces tâches accomplies au petit bonheur m’agacent toujours. Je vous ai dit que c’était inacceptable. A ce moment-là, je n’avais pas encore fait la réflexion que je viens de vous faire. On était dans le feu de l’action et j’ai aussi partagé mon sentiment à Reza Uteem. Maintenant vous me dites que kan mo ganye mo sanz langaz. Non non non. Exkiz mwa. Quand je vois ces sérieuses et graves anomalies, j’ai expliqué la situation à mon avocat, Chetty (ndlr: Me Ravind Chetty). Il me conseille de loger une protestation, comme ça vous êtes «on record». C’est ce que j’ai fait. Et j’ai dit à Reza Uteem que selon moi, il devrait en faire de même. Lui il ne l’a pas fait. Il a attendu la dernière minute, quand il a vu qu’il a perdu, et c’est là qu’il a logé sa protestation. Moi je l’ai fait irrespective of que je gagne ou que je perde.

C’est malin ça. Vous jouez à «pile je gagne, face tu perds».
Non. Je joue d’après ma conscience juridique suite aux conseils de mon avocat selon les normes du droit.

Il y a une phrase que vous avez dite mardi qui agace la profession. Vous ditez «Jenny a pris un avocat travailliste» en référence à Gavin Glover. Ce dernier n’est pas membre du PTr. Selon le code d’éthique, un avocat ne peut pas refuser ses services à un client. Gavin Glover est un avocat respecté. On aurait pu dire la même chose pour vous. Vous êtes leader d’un parti et vous avez retenu les services d’un avocat MSM, Me Ravind Chetty, l’avocat de Pravind Jugnauth dans plusieurs affaires. Vous avouez ce petit écart dans la frénésie de la victoire.
Surtout pas. Je fais très attention à ce que je dis quand je parle. Premièrement ce n’est pas ce que j’ai dit. Jenny n’a pas retenu les services de Gavin Glover. Ravind Chetty, Patrice de Spéville, Eric Ribot, père et fils, sont les avocats de mon choix. De tout temps, c’est un avocat du MMM qui plaide les affaires du MMM. Et là je fais de la politique et je ne suis pas en train de me baser sur le code d’éthique des avocats. Je parle du MMM, tel que je le connais. En 2019, le leader du MMM a dit publiquement, qu’il respecte le choix de l’électorat. Puis, de l’aveu même de Navin Ramgoolam, celui-ci est allé lui parler. Mwa mo apel sa linn al met pression.

  • Pa akoz enn kapitenn inn sou, inn bez so bato lor brizan, ki Pravind Jugnauth bizin alé.

Comment vous savez ça ?
Ben c’est public voyons. Ramgoolam l’a dit. Moi j’utilise le terme «met pression». Mais il a dit qu’il a parlé à Bérenger pour lui dire qu’il faut faire des pétitions électorales.

Bérenger peut faire comme vous et dire qu’à chaud il ne savait pas, mais les erreurs sont apparues au fur et à mesure.
Oui je vous l’accorde. Mais en d’autres termes, c’est Ramgoolam qui le convainc d’entrer les pétitions. De tout temps, une affaire comme ça aurait été confiée à un avocat du MMM. J’ai été surpris que le MMM a estimé qu’il n’avait pas suffisamment d’avocats pour retenir les services d’un avocat du Parti travailliste, l’avocat de Navin Ramgoolam.

Gavin Glover n’a-t-il pas été votre avocat à un moment donné ?
Oui bien-sûr, j’ai de très bonnes relations avec lui. Mais personne ne m’a imposé…

Et ben voilà…
Ecoutez, pour être exact, je ne crois pas que Gavin Glover ait été mon avocat. Mais je n’aurais eu aucun problème s’il l’avait été. Mais dans ce cas là, c’est un cas politique. Quoi, le MMM n’a plus d’avocats ? Seul le brave soldat Uteem était présent dans cette affaire. Où sont les avocats du MMM?

Mardi ils étaient à la rue La Poudrière, durant le recount…
Zot kapav pé manz dalpuri komié zot anvi dan la ri La Poudrière.

Voyons, ils étaient en train de suivre le recount. La presse était là.
Ecoutez, les audiences judiciaires ne se tiennent pas à la rue La Poudrière. Ce que je suis en train de vous dire c’est que quand je vais en Cour suprême, je ne vois aucun avocat du MMM à part le brave soldat Uteem. Je le dis. Où sont les avocats du MMM? C’est ce que je veux savoir. C’est un cas qui implique surtout le MMM. (Il refuse qu’on l’interrompt en nous montrant sa main). Atann! Les militants sont en droit de savoir, et la direction doit dire aux militants pourquoi on a retenu les services d’un avocat travailliste et que les avocats MMM ne sont pas présents. En d’autres temps, on aurait vu une armée d’avocats MMM.

Ensuite, le jour du counting, vous ne trouvez pas ça bizarre que Deven Nagalingum ainsi que les agents notoires du MMM au numéro 19 – sauf 8, je les ai comptés – n’étaient pas présents ? Où est Deven Nagalingum? Ça veut dire qu’il y a un problème au MMM. C’est un appel que je lance aux militants qui me lisent et qui me regardent (ndlr: l’interview est enregistrée en vidéo) arrêtez de vous faire berner par Navin Ramgoolam. C’est la preuve que c’est Navin Ramgoolam qui dirige le MMM. Bérenger est un pantin de Ramgoolam.

Pour ces raisons il était donc nécessaire de traîner le respecté Gavin Glover sur le terrain politique ? Il n’est pas membre du PTr. Chacun est libre du choix de son avocat. Vous en faites tout un plat ! C’est l’efficacité qui compte. C’est the outcome qui compte. Et the outcome c’est que Gavin Glover a obtenu le recount et qu’il y a toujours des anomalies.
Je ne traîne personne ladan. Je ne fais que constater les faits. Les militants du MMM jugeront. Mon point c’est: où sont les avocats du MMM? Où est Deven Nagalingum ? Où est l’état-major du MMM? L’état-major du ML était présent. Abé kot zot ? Kot zot ti été ?

Soyons réalistes. Seules 40 personnes pouvaient avoir accès à l’école GMD Atchia. Et ce n’est pas comme s’il manquait des counting agents de Jenny Adebiro dans les salles de classe…
Notre état-major à nous était dehors, dans la pluie, et me soutenait.

Allons-y franchement. Etes-vous sérieusement en train de nous dire que le ML est plus grand que le MMM aujourd’hui ?
Non ce n’est pas ce que je suis en train de vous dire.

Je ne comprends donc pas votre point…
Ekuté, swa ou pa konpran, ou bien ou pa anvi konpran…

Des fois c’est utile durant une interview de faire semblant de ne pas comprendre…
Je vous le répète. L’Etat-major du MMM n’était pas présent dans les counting rooms ou dans la rue. Les avocats du MMM n’étaient pas présents dans l’affaire. Il y a un problème. C’est tout ce que je dis.

Excusez la formulation mais kot ou problème truvé ladan?
C’est un problème plus sérieux que ce qu’il n’y paraît. Dans une affaire politique, il faut un avocat du parti. Peut-être que pour vous c’est difficile de le comprendre, mais pour moi ce n’est pas difficile… 

Passons. Ouvrons la page politique. En novembre 2020, vous nous accordez un entretien et nous titrons, certes avec un peu de mesquinerie, mais vous l’aviez dit, et c’était: «demandez àPravind Jugnauth pourquoi il ne démissionne pas dans le sillage d’Angus Road»… (il nous interompt)
Je dois vous interrompre. Vous dénaturez ma phrase. Je suis allé revoir cet entretien. Vous m’aviez posé la question, «pourquoi Pravind Jugnauth ne démissionne pas dans le sillage d’Angus Road,» et je vous ai répondu «al dimann Pravind Jugnauth, mwa mo pa koné».

(Nous poussons la mesquinerie un peu plus loin) Vous auriez pu prendre sa défense. Vous auriez pu dire que ce ne sont que des allégations venant de l’opposition dont le MMM que vous venez de décrire… Non non non. Vous m’avez posé cette question et je vous ai dit «al demann li, pa demann mwa ».

D’accord. Puis en février 2021, vous dites que vous n’êtes pas inféodé au MSM. Ma lecture c’est qu’à l’époque vous aviez du temps. Nous étions à 4 ans, 3 ans et demi des élections. Un an s’est écoulé et on s’approche lentement mais sûrement de 2024. Vous n’êtes toujours pas ministre. Vous êtes toujours un backbencher…
(il nous interrompt encore). Ecoutez, d’abord sur le terme «inféodé». Durant toute ma carrière politique, je ne me suis pas considéré inféodé, même au leader de mon parti. Ce n’est pas à cet âge que je vais être inféodé au MSM ou tout autre parti. On met ça de côté, maintenant poursuivez…

Ma question est donc la suivante. Je vous sens aujourd’hui moins défiant envers le MSM et son leader. Vous le citez. Vous remerciez les agents MSM qui étaient présents lors du recount. Vous dites publiquement que vous venez de vous parler au téléphone. Lors de trois précédents entretiens, vous le caressiez certes dans le sens du poil, mais vous tapiez aussi. Est-ce que l’approche graduelle des élections générales et le fait que même si vous êtes un des co-leaders de l’alliance vous n’êtes qu’un backbencher, vous placent dans une tricky political position.
Vous ne me connaissez pas. J’a été extrêmement touché et ému quand les agents MSM de la circonscription m’ont contacté et m’ont donné un coup de main pour le counting. Ils n’étaient pas obligés. J’étais terriblement ému quand Fazila Daureeawoo ma colistière avec qui je m’entends très bien et que je connais d’un point de vue personnel depuis très longtemps, m’a offert son coup de main. Le Premier ministre m’a appelé pour me dire qu’il me donne tout son soutien. Ki ou oulé mo dir zot ? Que je leur dise «non» ? Ce sont mes partenaires politiques.

Le temps est-il en train de jouer contre vous pour que vous retrouviez une posture sans anomalies avant les élections de 2024 ?
Les gens me connaissent. Vous pensez que je suis un rodér bout ? Que je cherche une place de ministre ? Je me suis battu pour mon pays. En 2014, alors que le MMM et le PTr se disaient en route vers un 60-0, j’ai quitté le MMM. Si j’étais un rodér bout, je serais resté et on m’aurait offert un bout quelconque.

Mais c’est une question d’honneur justement. St Louis Gate, c’est votre honneur qui est en jeu… (Il nous montre sa paume)…
Ah! Atann, atann, atannn… Pa melanz bann zafer. La, nou pa pé koz pos miniss. Le MMM m’a lancé un défi. Je l’ai relevé et démontré que le MMM n’est qu’un subsidiaire du PTr… 

Il n’est aucunement question du MMM là! (Son réflexe à traîner le MMM dans tout nous fait même rire). Ma question est sur votre position au sein de l’alliance gouvernementale. Les élections de 2024 approchent. Vous étiez le numéro deux du gouvernement au début du mandat. Vous êtes backbencher depuis un an et demi. Il faudra répartir les investitures entre partenaires de l’alliance. Il faudra identifier les candidats. A l’heure qu’il est vous ne pouvez pas être candidat!
Pourquoi je ne peux pas ? 

Pour les mêmes raisons qui font que vous n’êtes plus ministre…
Pardon. Sori. Là vous voulez parler de l’affaire St Louis ? Nou koz zafer St Louis. Vinn kare kare.

Je suis simplement en train de faire des liaisons…
Vinn kare kare. Pa fer liaison.

St Louis est un sujet éminemment politique ! St Louis est un sujet politique, bien sûr. Le Premier ministre a décidé d’agir sur un bout de papier, qui dit que Paul Bérenger et moi nous avons pris des pots-de-vin, car nous avons donné les spécifications aux Danois. C’est une baliverne et je l’ai dit. Qu’ils me donnent la preuve de ce qu’ils avancent. J’ai dit que je n’allais pas démissionner parce que je ne sais qui a dit quoi. Il a décidé de me révoquer. L’affaire est allée à l’ICAC. Jusqu’à l’heure l’ICAC ne m’a pas convoqué. L’ICAC oriente son enquête, d’après ce que je lis dans les journaux, vers les ingénieurs et membres du Central Procurement Board. Il y a eu quelques arrestations. A un moment, l’ICAC devra prendre une décision.

Si ce moment n’intervient pas avant 2024 ?
Ekout mwa. Ou impé impasyan zordi.

(Echange de rires) C’est juste qu’on a une limite de temps. On n’a qu’une page du journal.
Justement si vous ne me donnez pas le temps, vous allez user de votre time limit. Alors, remarquez qu’il n’y a rien qui dit que je fais l’objet d’une enquête de l’ICAC. Ena bann kozé dan zurnal.

Non. Attention. Le Premier ministre a dit publiquement qu’il remet le rapport de la BAD qui contient votre nom à l’ICAC. Le même rapport sur lequel il se base pour vous révoquer.
Ce n’est pas un rapport. C’est une lettre.

D’accord ce document utilisé pour vous révoquer, il a été remis à l’ICAC.
Excusez-moi. Pour moi c’est un bout de papier. Il a donné ce bout de papier à l’ICACmais je fais ressortir que l’enquête de l’ICAC fut instrumentée pas par ce bout de papier mais par le rapport officiel fait par le CEB à l’ICAC après le communiqué de la Banque Africaine de Développement. Plus tard, nous saurons. Mais moi quel est mon stand ? Je dis, fouillez partout! Ils ont fouillé et ils n’ont même pas trouvé une carte de souhait pour le Nouvel An, que les Danois m’ont donnée. C’est simple. Ils ont eu la totale collaboration des Danois.

Basé sur cela, Pravind Jugnauth ne peut pas vous redonner la position que vous méritez au sein de l’alliance ?
Je vais vous répondre tel que je l’ai fait sur Angus Road. Demandez-le lui. Pa demann mwa.

Bé ou, ou pa démann li ?
Moi je ne vais pas lui demander. C’est lui le Premier ministre, pas moi. Jusqu’à aujourd’hui, aussi étrange que cela puisse paraître, je n’ai jamais un seul instant parlé de l’affaire St Louis à Pravind Jugnauth. Parce que je ne pense pas avoir le droit d’influencer qui que ce soit ou de faire quoi que ce soit au sujet de cette affaire.

Vous auriez dû. Pravind Jugnauth a le bras long. Il a des pouvoirs. On ne sait pas si c’est lui qui est derrière cela mais c’était en sa faveur ; le directeur de l’ICAC est allé changer sa posture devant le Privy Council dans l’affaire MedPoint. Parler au Premier ministre aurait pu vous être utile…
Vous faites erreur…

Prosecuting and investigating body al devir so lanket laba
Mo bien sagrin. Ou fer erer konpletman. Vous ne comprenez pas comment ça se passe. Je connais ça bien. J’étais le conseiller de Pravind Jugnauth dans l’affaire MedPoint. L’ICAC a pris une position devant la cour intermédiaire et la Cour suprême. L’affaire va au Privy Council. L’ICAC retient les services d’un avocat britannique. Celui-ci, quand il voit le dossier, il écrit à l’ICAC pour lui dire que tout ce qu’elle a pu plaider auparavant, ne tient pas. In law, vous devez changer votre position et désormais adopter cette position. Navin Beekarry prend son avion, il accompagne l’avocat qui va déposer au Privy Council. Allez ré-écouter les débats. L’avocat dit son opinion à la lecture du dossier.

Vous nous prenez pour des imbéciles, Ivan Collendavelloo…
C’est vous qui me prenez pour un imbécile…

Quand vous lisez le jugement des Law Lords, ils disent clairement que l’ICAC même ne veut plus trouver le defendant coupable. Comment nous les Law Lords allons-nous le condamner ?
Non non non… Voilà pourquoi je dis que vous faites erreur, vous! Vous dénaturez les propos des Law Lords et c’est bien grave. (On tente de l’interrompre, il ne se laisse pas faire). Mo bien sagrin mo pou arét ou. Le Privy Council, lisez bien le jugement, approuve la position de l’ICAC.

Oui, le Privy Council dit que l’ICAC est d’accord, mais ne dit pas qu’il est d’accord avec l’ICAC.
Je comprends que vous n’ayez pas cette formation…

Vous marchez dans les pas de sir Anerood Jugnauth qui avait une fois dit que parce que je n’étais pas avocat je ne pouvais pas poser des questions. Mais je lis le jugement comme une personne lambda. Comme the man on the clapham omnibus. (Concept du droit qui implique qu’un homme ordinaire qui descend d’un bus devant un tribunal et qui entend au loin un jugement, doit voir que justice is seen to be done)
Quand une personne qui n’est pas lambda vous parle, ékouté papa !

Vous connaissez le concept du Man on the Clapham Omnibus mieux que moi n’est-ce pas ?
Le Man on the Clapham Omnibus doit écouter.

Il doit aussi lire. Il lit les contradictions entre l’ICAC de la cour intermédiaire et de la Cour suprême, et celle devant le Privy Council. Et il s’en étonne…
Le Privy Council ne s’étonne pas. La personne sur le Clapham Omnibus peut le trouver étonnant. Mais quand il lit le jugement que le juge dit que l’ICAC a raison de changer de position. D’ailleurs, vous pensez que juste parce que misié Beekharry va dire des choses en Angleterre, que les 5 juges du Privy Council vont l’écouter. 7 juges, contre 2 magistrats ont trouvé que Pravind Jugnauth est innocent.

Vous croyez dans l’indépendance de cette ICAC, la même qui tarde à vous appeler dans l’affaire St-Louis, ou qui n’a pas émis de communiqué pour dire qu’elle n’a rien à reprocher à Ivan Collendavelloo?
Pourquoi doit-elle émettre un communiqué, si elle n’enquête pas sur moi ? Qui vous dit qu’elle enquête sur moi ?

Pravind Jugnauth l’a dit quand il vous révoque. Avec ce que vous appelez son boutt papye.
Il a dit qu’il envoie ce boutt papye à l’ICAC. Il n’a rien dit de plus. Je ne veux pas m’embarquer dans un débat sur ce sujet. Lés l’ICAC fer so zafer. En temps et lieu je verrai si moi je dois prendre un stand sur l’ICAC et sur cette affaire. Je ne suis pas content de la situation. Evidemment cela ne me fait pas plaisir. Mais que n’a-t-on pas dit sur mon élection au numéro 19 pendant deux ans ? Aujourd’hui la justice et le recount ont trouvé que j’ai gagné même s’il y a ces anomalies (et il les énumère toutes).

Des anomalies qui ne suffisent pas pour démontrer que ounn kokin…
Je ne suis pas d’accord avec votre formulation. Ce n’est pas que ce n’est pas suffisant. Mo pann kokin. Même le MMM ne dit pas kimonn kokin. Il dit qu’il y a eu une erreur.

Donc si les élections ont lieu demain, vous pouvez être candidat et retrouver votre poste de numéro 2 ?
Les élections n’ont pas lieu demain. Peut-être en 2024, voire 2025. Je ne crois pas que ce sera en 2025, mais constitutionnellement, c’est possible. Donc votre question est théorique. La question que vous voulez poser, c’est pourquoi Pravind Jugnauth ne procède pas à un remaniement en me considérant…

Et là vous allez me dire de lui demander…
(Il éclate de rire)… Aaah ! Voilà !

Abordons le volet dont vous allez sans doute vous délecter. Le PTr et le MMM sont en négociation d’alliance. Pensez-vous que le MSM dans un contexte différent de celui de 2014 – les morts (dont les dialysés) du Covid, le Wakashio et les manifestations monstres à Port-Louis et Mahébourg, le sentiment d’impopularité de Pravind Jugnauth – a du souci à se faire ?
En 2014, il y avait une alliance PTr-MMM. Il n’y avait pas cette alliance en 2019. En 2022, il n’y a pas de tractations entre le PTr et le MMM. Ce sont Bérenger et Ramgoolam qui discutent. Ce sont deux personnes qui cherchent leur intérêt personnel. Autrefois, ils se cachaient au moins derrière le parti en disant que c’était dans l’intérêt du parti. Ils n’ont même plus la pudeur pour faire semblant. Bérenger est devenu abject. Prêtez l’oreille aux instances du MMM. Ecoutez ce qui se dit sur Bérenger. Pourquoi il fait ça, je ne sais pas.

  • En 2024, les pires détracteurs de Pravind Jugnauth voteront MSM, faute d’autre !

Pour libérer le pays de Pravind Jugnauth…
Oui. Mais si vous voulez libérer le pays de Pravind Jugnauth, vous ne discutez pas de vos intérêts personnels. Or je ne vois pas deux partis qui cherchent une alliance. Je vois deux hommes à la recherche de leurs intérêts personnels et ki pe rod sap zot kadav par zot mem.

Ils sont eux aussi dans une tricky position. S’ils ne vont pas ensemble, Pravind Jugnauth peut gagner comme en 2019 avec 35% des voix. Ils ont démontré pourquoi Pravind Jugnauth n’est pas bon pour le pays. Si vous étiez leader du MMM aujourd’hui – souhait que vous avez exprimé au lendemain de la victoire de 2014 – comment vous faites pour botter Pravind Jugnauth hors du pouvoir ?
Vous parlez comme Rama Sithanen en 2014 quand il disait tant pourcent plus tant pourcent équivaut à tant pourcent. La population mauricienne ne vote pas en pourcentage. Elle vote dans son intérêt. Malgré tout ce que vous dites, je suis confiant que Pravind Jugnauth en son nom personnel et au nom de l’alliance est immensément populaire. C’est pour cela que Bérenger et Ramgoolam se démènent autant. Le MMM, le PMSD, le parti de Bodha, bref l’Espoir, sentent que d’eux-mêmes ils ne peuvent pas remporter les élections et cherchent le secours d’un parti moribond. Vous remarquerez qu’à part Assirvaden et Ramgoolam, personne ne parle. Et au MMM, vous voyez une excitation ? Non. Le MMM est désagrégé. Il n’a plus aucune force à Maurice.

Qu’êtes-vous en train de dire ? On ferme la rue La Poudrière ?
On arrête de contester le management de Pravind Jugnauth? Dépi lontan la ri La Poudrière inn fermé mo kamarad. Riverwalk ki ouvert…

On va conclure. Vous prenez le pari que Pravind Jugnauth va remporter les élections de 2024 malgré cette impopularité apparente…
Je ne fais pas de paris. Je ne suis pas un joueur…

C’est une métaphore.
Bien sûr. Mais je le dis pour être très clair. Je vous donne mon expression profonde. La population pense, à l’heure où nous nous parlons – et à moins qu’il y ait d’autres événements – qu’elle ne peut faire confiance à personne d’autre que Pravind Jugnauth. Le pire qui puisse arriver à Pravind Jugnauth c’est que les gens se disent, «linn fané lor tel zafer et tel zafer, me selma kan mo get lot koté la, vo mie mo donn mo la krwa Pravind trankil, o mwin mo koné mo pei en de bonnes mains».  

Pravind Jugnauth, faute d’autre ?
Je vous parle du vote de l’électeur qui pense du mal de la gestion de Pravind Jugnauth. Mais la majorité de la population va lui renouveler sa confiance. Malgré la crise, malgré le prix du fret, la hausse des prix tout cela. Les gens ne sont pas bêtes. Malgré tout cela ils vous disent «Pravind pé fer bien». Il fait des erreurs comme tout le monde. Mais le pays roule. 

C’est votre opinion? Avec les Rs 80 milliards MIC, la dépréciation quasi volontaire de la roupie et les supermarchés qui sont devenus des cauchemars pour nous?
Ki nou pou fer ? Je suis condamné à faire confiance au ministre des Finances, au gouverneur de la Banque centrale. A moins que la situation ne devienne extrêmement explosive, je continuerai à faire confiance au gouvernement auquel j’appartiens. Pa akoz enn bato ek enn kapitenn kinn sou bez lor brizan, alor akoz sa Pravind Jugnauth bizin alé!

Mon ultime question: alors que le pays pleure ses morts du Covid, alors que vousmême avez soulevé un tollé sur la façon dont les dialysés sont morts du Covid, la vidéo du ministre de la Santé faisant la fête pour Noël vous dérange ?
Il était en famille. Qui ne fête pas Noël comme ça ?Je ne crois pas qu’il ait enfreint les règles sanitaires.

Il aurait au moins dû s’assurer que la vidéo ne sorte pas ?
(Il rit). C’est ça la question. Comme le dit Jeffrey Archer, «Thou shall not be caught». (Ndlr: la citation exacte c’est «Thou shall not get caught».