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Nouveau décompte au n° 19 Stanley-Rose-Hill: Un vide juridique qui complique la situation

29 janvier 2022, 19:00

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Nouveau décompte au n° 19 Stanley-Rose-Hill: Un vide juridique qui complique la situation

Si jamais le recomptage partiel des votes de la circonscription n° 19 ce mardi donne la victoire à Jenny Adebiro face à Ivan Collendavelloo, la question de Best Loser est centrale. On vous explique les implications.

Depuis que la Cour a donné son aval pour un nouveau décompte des voix entre Ivan Collendavelloo et Jenny Adebiro à la suite d’irrégularités, les hypothèses fusent. Qu’est-ce qui se passera si Ivan Collendavelloo perd son siège ? Est-ce que l’allocation des sièges correctifs changera ? Et si rien ne change dans les résultats ? Les hypothèses sont nombreuses et les réponses rares…

Si Ivan Collendavelloo perd face à Jenny Adebiro, il récupérera un siège de Best Loser à la place de Tania Diolle. C’est du moins la théorie qui circule massivement. Mais cela comporte une lacune majeure. Milan Meetarbhan, constitutionnaliste, y voit déjà un problème. «Cette hypothèse se base sur le pourcentage de voix obtenus par le candidat en 2019. Si les résultats changent, son pourcentage changera aussi», explique-t-il. Dans ce cas, est-ce que l’allocation des huit sièges de Best Loser sera recalculée sur le nouveau résultat des urnes ?

Le Best Loser

La Constitution prévoit qu’après l’élection des 62 membres de l’Assemblée, huit députés correctifs sont nommés. Les quatre premiers sont choisis sur une base religieuse ou ethnique uniquement pour s’assurer que toutes les communautés présentes à Maurice et reconnues par la Constitution sont adéquatement représentées. Puis, quatre autres sont nommés en prenant en considération la religion ou l’ethnie et le parti politique pour corriger le déséquilibre entre les partis causé par la première nomination.

Concrètement, cela veut dire qu’en 2019, Richard Duval, Ehsan Juman, Stephan Toussaint et Stéphanie Anquetil ont été nommés Best Losers dans la première catégorie car les muslims et la general population étaient sous-représentées. Ce choix s’est fait sur le pourcentage des voix recueillis pour rétablir la parité ethnique.

Après cela, il fallait donc nommer les quatre autres députés pour rééquilibrer le verdict des urnes tout en maintenant la représentation ethnique/religieuse car la Constitution prévoit que ces quatre sièges sont alloués «un à un aux candidats non élus avec le plus de voix et selon leur communauté appropriée». Fazila Daureeawoo, Tania Diolle et Anwar Husnoo ont été repêchés pour que le rapport de force entre les partis décidé par les urnes ne change pas. Le calcul hautement compliqué a laissé un siège vacant et a été attribué à Arianne Navarre-Marie car elle est «la candidate non-élue avec le plus de voix appartenant au most successful party qui n’a eu aucun siège dans les huit sièges correctifs et qui appartient à la communauté appropriée».

Les théories

Un expert des élections estime que le cas est assez simple. Selon lui, si Ivan Collendavelloo perd, ce sera par une fine marge de voix, donc son pourcentage ne baissera pas. «L’affaire est alors simple. Il sera nommé Best Loser car il remplacera Tania Diolle», commente-il. Les quatre premiers nommés uniquement sur la base ethnique ou religieuse ne bougeront pas. «Comme Ivan Collendavelloo et Tania Diolle sont de la même communauté et même alliance, le remplacement ne sera pas compliqué. Il n’y aura que l’identité de la personne qui change, pas le parti ni la communauté.» Le problème se posera si, par exemple, le même jugement tombe dans le cas de la pétition de Cader Sayed-Hossen. Hypothétiquement, s’il y a un recount et qu’il est élu, la nomination des quatre premiers Best Losers pour rétablir la parité ethnique / religieuse sera changée, ce qui entraînera un nouveau calcul de tous les Best Losers.

Le constitutionnaliste Parvez Dookhy est du même avis. «Si Ivan Collendavelloo a un pourcentage de voix plus élevé qu’un autre candidat de la même communauté et du même parti, la nomination de cette personne sera automatiquement nulle et le siège reviendra au leader du ML», analyse-t-il. Si la donne change après le décompte, la Commission électorale n’aura qu’à faire un nouveau calcul et réattribuer les sièges.

En revanche Milan Meetarbhan n’est pas du même avis. Dans l’hypothèse où Jenny Adebiro a plus de voix lors du nouveau décompte, il pense qu’il faudra se tourner vers la Cour suprême pour avoir une réponse en cas de victoire de Jenny Adebiro car cela impliquera une réallocation des sièges plus de deux ans après les élections. Avec de nouveaux chiffes, il y aura probablement une modification des pourcentages et l’allocation des sièges devra se refaire. Il rappelle qu’en 1982, après le 60-0 du MMM, la question des Best Losers s’était posée et la Cour avait demandé leur nomination. Le constitutionnaliste Rajen Narsinghen est du même avis. Ce point, dit-il, est entouré d’un vide juridique. «Ivan Collendavelloo n’aura pas automatiquement le siège car Tania Diolle a déjà été nommée. Il faudra l’avis de la Cour», fait-il remarquer.

Le temps écoulé

Toutes ces questions auraient pu être évitées, s’accordent à dire les experts, si les pétitions électorales avaient été débattues vite. «La raison pour laquelle le délai de 21 jours a été imposé pour le dépôt d’une pétition est justement pour éviter ces imbroglios. La suite logique de cette obligation est le traitement rapide de ces cas», précise Milan Meetarbhan. Sur ce même point, Parvez Doohky estime qu’en cas de victoire de Jenny Adebiro, cela voudrait dire que pendant plus de deux ans, une députée aura été privée de son droit de siéger et ses électeurs, privés de représentation. «Cela est un problème malheureusement irréparable», estime-t-il. «Imaginons un moment le scénario d’un amendement constitutionnel avec 53 voix pour, mais l’on se rend compte après que deux députés ne devaient pas siéger. Vous voyez le problème que cela pose ? Il fallait que ces affaires liées aux élections soient débattues plus vite», réitère Milan Meetarbhan.

Si rien ne change… Ce n’est pas la première fois que la Cour ordonne un nouveau décompte des voix et toutes les fois précédentes, rien n’avait changé au niveau des élus. Il faudra attendre mardi pour savoir ce que réservera l’exercice. Mais Parvez Dookhy estime que même là, il peut y avoir des répercussions. «Imaginons qu’Ivan Collendavelloo reste en tête mais que l’écart passe de 92 à 10 voix. Quelle confiance pourra-t-on faire aux institutions organisatrices, vu la marge d’erreur qu’ils laissent passer ?» se demande-t-il.

La seule certitude est, quoi qu’il arrive mardi après le décompte, ce sera loin d’être le fin mot de l’histoire et il est probable que la bataille juridique ne se poursuive de plus belle.

Aucune réponse à la demande de renvoi de Collendavelloo

Si les deux candidats concernés avaient exprimé leurs réserves concernant la date du nouveau décompte des voix, seul Ivan Collendavelloo avait fait la demande formelle pour un renvoi à samedi prochain. Mais à hier, aucune réponse n’avait été obtenue de la part de Wendy Rangan, «Acting Master and Registrar» de la Cour suprême.

Pour rappel, Ivan Collendavelloo et Jenny Adebiro avaient fait savoir que la date retenue, le 1er février, est férié et de ce fait, il leur sera difficile d’avoir 40 agents chacun pour superviser le décompte dans les salles. Cette nouvelle date avait été communiquée aux candidats mercredi dernier, lors d’une réunion avec l’«Acting Master and Registrar», les officiers de la commission électorale et les fonctionnaires du judiciaire mobilisés pour l’exercice.

Ce report a eu lieu car les candidats avaient fait savoir qu’ils n’auront pas le temps de soumettre la liste de leurs agents, leurs cartes d’identité et de vaccination sous 24 heures pour que les démarches se fassent pour le samedi 29 janvier.

À noter que les hommes de loi des candidats n’étaient pas admis à cette rencontre. «Cela a été un désavantage pour Jenny Adebiro car toutes les autres parties concernées sont des avocats de carrière», déplorent ceux qui suivent l’affaire de près.