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Rétrospective │ Santé: «Annus horribilis» pire que 2020

30 décembre 2021, 22:48

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Rétrospective │ Santé:  «Annus horribilis» pire que 2020

De Charybde en Scylla. C’est ainsi que l’on peut résumer la fin de l’année 2020 à celle de 2021. Cette dernière, qui s’en va et que nous ne regretterons pas, a été une année où Maurice a été encore plus ébranlée par les différents variants du Covid-19, les pertes en vies humaines de 2020 s’étant décuplées. Récapitulatif d’une année noire en termes de situation sanitaire.

Après une année 2020 en demi-teinte avec le débarquement et la propagation du Covid-19 dans l’île, qui fera dix morts, les dirigeants du pays ont cru qu’avec l’application du protocole sanitaire, le respect des gestes barrières, la multiplication des tests PCR, des tests antigéniques et la quarantaine obligatoire pour tous les passagers à l’arrivée, le pays serait Covid-free, puis relatively Covid-safe. Jusqu’à ce que le Covid-19 nous rattrape.

À l’officiel, de mars 2021 à ce jour, 905 personnes sont décédées du nouveau coronavirus. C’est sans compter les personnes souffrant de comorbidités, qui ont vu une détérioration de leur état après avoir été testées positives et en sont mortes. La parcimonie avec laquelle les chiffres des décès liés au Covid-19 ont été divulgués, de même qu’à l’identification des variants en circulation dans le pays, n’a pas arrangé les choses. Là où le gouvernement n’a pas démérité, c’est dans sa campagne de vaccination, malgré quelques hoquets initiaux propres à l’introduction de tout nouveau système.

Or, à écouter les dirigeants en début d’année, on se serait cru débarrassé du nouveau coronavirus, notamment avec le commentaire du vice-Premier ministre, Steeve Obeegadoo, posté sur sa page Facebook, le 22 janvier, alors que Maurice recevait sa première cargaison de vaccins AstraZeneca/ Covishield, don du gouvernement indien : «Hard work, team spirit and dedication always pay off. We are incredibly proud we have been able to successfully contain the Covid-19 and Mauritius is a Covid-free nation.» Un laïus repris par plusieurs membres du gouvernement alors que la campagne de vaccination démarrait le 26 janvier dans les cinq hôpitaux régionaux pour les frontliners.

Le Premier ministre et les membres de son cabinet se sont fait administrer le vaccin les 6 et 7 mars, Pravind Jugnauth encourageant la population à en faire autant et le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, espérant que l’immunité collective – plus de 60 % de personnes vaccinées, estimait-il – serait atteinte dans les quatre à cinq mois à venir. Le 8 mars, le ministère de la Santé ouvrait d’ailleurs la campagne de vaccination à tous les Mauriciens dans différents centres de l’île.

La résurgence du nouveau coronavirus début mars est venue prendre tout le monde à contre-pied quand le premier cas local a été détecté. Il ne s’agissait pas de la dizaine de cas enregistrés chez SK Surat, comme on le pensait initialement. Le premier contaminé, un attendant d’un centre de quarantaine, avait été dépisté au début de février. Mais cette information importante n’a été officiellement communiquée à la population que dans la soirée du 9 mars, soit un mois après, quand le Premier ministre est venu annoncer 15 cas locaux concentrés dans une région et pas tous liés au cluster SK Surat, avec pour conséquence un confinement provisoire censé durer jusqu’au 25 mars et seuls les services essentiels autorisés à opérer.

Des zones rouges de confinement

Comme les cas ne cessaient d’augmenter dans des régions précises des hautes Plaines-Wilhems, des zones rouges ont été décrétées et leur accès interdit, avec une surveillance étroite des entrées et sorties par la Special Mobile Force. Les premières zones rouges instituées ont été La Caverne-Phoenix, Vacoas-Floréal et Curepipe-Midlands. Seules les personnes ayant un Work Access Permit (WAP) et les véhicules de transport alimentaire pouvaient y circuler. Vu que la situation ne s’améliorait pas, le 25 mars, le Premier ministre a prolongé le confinement jusqu’au 31 mars à 20 heures.

Au fil des semaines, d’autres zones rouges touchant plusieurs villages du Sud comme Tyack, Rivière-des-Anguilles, Souillac, puis une partie de Plaine-Verte, Vallée-des-Prêtres et Le Hochet, sont venues s’y ajouter. Il y a eu aussi les contradictions dans la communication gouvernementale, le communiqué du 23 mars, annonçant notamment la réouverture des marchés, dont celui de Port-Louis. Or, dans la pratique, le marché central n’a pas eu l’autorisation d’ouvrir avant le 1er avril, le Lord-maire n’ayant été averti que le 31 mars.

La réapparition du Covid-19 a également perturbé le calendrier scolaire, les écoles ayant dû reprendre les cours en ligne, dans un premier temps, puis en présentiel en alternance et finalement, en ligne seulement, même si les examens de fin de cycle, notamment le School Certificate et le Higher School Certificate, ont été maintenus.

Les rumeurs de confinement non respecté et de célébrations organisées çà et là dans l’île, notamment à Highlands en avril et quelques mois plus tard à Petit-Raffray, avec un nombre d’invités supérieurs à celui autorisé, ont commencé à se répandre. Et les cas positifs et les morts à se multiplier. Le premier décès enregistré l’a été le 26 mars et c’était un homme rapatrié de Madagascar. Trois jours plus tard, deux personnes souffrant d’insuffisance rénale mouraient mais officiellement une seule était positive au Covid-19. Bon nombre de dialysés ont été contaminés au Covid-19. Ainsi, 11 personnes souffrant d’insuffisance rénale et traitées pour cette complication à l’hôpital de Souillac, considéré, pendant un temps, comme un foyer du Covid-19, sont mortes du nouveau coronavirus. Ces décès et les revendications subséquentes de l’association qui les représente, ont donné lieu à la mise sur pied d’un Fact-Finding Committee, présidé par l’ancienne juge Deviyanee Beesondoyal, qui a été assistée dans cette tâche par le Dr Pierrot Chitson et l’anesthésiste Soobodsing Mareeachalee. Leur rapport serait, dit-on, déjà prêt.

Un bon nombre de dialysés ont été contaminés au Covid-19 à l’hôpital de Souillac, dont 11 sont décédés

La résistance à la vaccination obligatoire dans certains établissements, dont les écoles, a commencé à émerger en juin, donnant lieu à une contestation par plusieurs personnes et une demande de révision judiciaire en Cour suprême. En attendant, le Covid-19 continuait à se propager dans la communauté. Les autorités ont mis un certain temps à dévoiler quel variant circulait à Maurice. Il a d’abord été beaucoup question du variant B.1.1.318, identifié dans plusieurs pays africains et en Grèce. Le ministère de la Santé a finalement concédé qu’après plusieurs différents séquençages, les variants sud-africain et anglais étaient présents à Maurice. Mais il ne pipait mot du variant Delta, identifié en Inde depuis novembre 2020 et qui a provoqué une hécatombe dans la Grande péninsule et dans d’autres pays.

Les opérateurs touristiques, qui réclamaient depuis longtemps l’ouverture des frontières, ont obtenu satisfaction le 1er octobre. Une ouverture assortie de conditions strictes avec tests PCR et quarantaine pour les voyageurs non vaccinés.

Les Mauriciens ne se sont pas pressés pour prendre leur troisième dose de vaccin, dont l’administration a démarré le 3 octobre, les centres dédiés étant presque vides. Alors que pendant des mois, le pays n’enregistrait qu’un ou deux décès par semaine, la courbe de mortalité hebdomadaire a commencé à grimper dans la semaine du 8 octobre où l’on a enregistré 19 décès. Une hausse soudaine du taux de mortalité faisant penser au variant Delta mais le ministère de la Santé n’en faisait toujours pas état.

Au lendemain de ces décès, soit le 9 octobre, le ministre Jagutpal a, dans sa conférence de presse hebdomadaire, évoqué pour la première fois trois cas de contamination au Delta chez des Mauriciens testés entre les 21 et 23 septembre. Mais il s’empressait d’ajouter qu’ils étaient asymptomatiques et vaccinés, donnant l’assurance qu’ils étaient déjà guéris. Cette augmentation des décès, dont on n’a jamais su qui était le patient zéro, a donné un coup d’accélérateur à l’administration de la booster dose, si bien que les centres, qui n’avaient pas prévu autant de monde, vu la maigre affluence du départ, ont été débordés. Au 28 décembre, 910 556 personnes avaient complété leur deuxième et 180 226 avaient reçu leur troisième dose de vaccin.

Le taux de mortalité hebdomadaire a continué à grimper. Dans la semaine du 8 au 12 novembre, il y a eu 46 morts. Cette courbe a poursuivi sa macabre ascension dans la semaine du 22 au 26 novembre avec 122 morts, les multiples tombes creusées au cimetière Bigara et dans ceux du pays où une section Covid-19 a été aménagée, en faisant foi.

Le 27 novembre, le pays retenait son souffle en apprenant que le variant extrêmement contagieux Omicron avait été découvert sur des passagers à bord d’un vol en provenance d’Afrique du Sud. Plusieurs pays ont alors fermé leurs frontières à ce pays et à neuf autres États africains où ce variant avait été identifié et Maurice en faisait partie. Début décembre, les autorités mauriciennes et l’industrie touristique ont pris un uppercut lorsque la France a décidé de placer Maurice sur sa liste rouge écarlate, signifiant la suspension des vols de l’hexagone français vers Maurice. Après des négociations entre les gouvernements mauricien et français, Maurice a été enlevée de cette liste et les vols entre la France et Maurice ont été rétablis.

Alors que l’on se croyait à l’abri des scandales entourant l’achat en urgence de médicaments et d’accessoires de protection contre le Covid-19 comme il y en a eu plusieurs en 2020, un contrat pour 900,000 de comprimés de Molnupiravir, alloué en urgence à la compagnie CPN Distributors Ltd, un néophyte dans l’importation de médicaments, au prix de Rs 79,90 l’unité, a fait tiquer l’opposition et les Mauriciens, d’autant plus que le député rouge Ehsan Juman ayant contacté le fournisseur Optimus Pharma, a eu comme prix Rs 17 l’unité pour ce médicament. La commission anticorruption a ouvert une enquête sur cette affaire dont nous nous serions bien passés.

Le 15 décembre, alors qu’une rumeur circulait à l’effet que le variant extrêmement contagieux Omicron était déjà présent dans la communauté, le ministère de la Santé a émis un communiqué pour dire qu’un exercice de séquençage sur 15 échantillons avait révélé la présence de 12 cas d’Omicron mais qu’ils ne concernaient que des Sud-Africains. Parmi les trois cas locaux, deux étaient infectés au Delta et un au B.1.1.318.

Or, le 20 décembre, toujours dans un communiqué, le ministère a admis que l’Omicron avait fait son apparition sur le sol mauricien bien avant le 27 novembre, date de la suspension des vols avec l’Afrique du Sud, car sur les dix échantillons testés positifs à ce variant extrêmement contagieux et collectés entre le 23 et le 27 novembre, huit étaient issus de la communauté.