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Augmentation du prix des carburants: Conséquence d’une économie dans le rouge

30 décembre 2021, 17:36

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Augmentation du prix des carburants: Conséquence d’une économie dans le rouge

Symptôme d’une économie en souffrance, l’augmentation du prix des carburants, avec l’essence passant à Rs 55,75 le litre, est un rappel brutal que la récession n’est pas derrière nous. Si le regain de confiance apporté par une reprise de la consommation locale, surtout en fin d’année, donne l’impression d’une relance économique, la réalité est tout autre. Si nous faisons face à un contexte international défavorable, nous payons surtout le prix de la conjoncture locale avec une roupie fortement dépréciée.

Sans surprise, la réunion du Petroleum Pricing Committee (PPC) mardi, a statué en faveur d’une augmentation du prix des carburants, l’essence passant de Rs 50,70 à Rs 55,75 le litre et le diesel à Rs 41 le litre contre Rs 37,30. Cette augmentation, selon la State Trading Corporation (STC) est directement liée à la hausse des prix sur le marché mondial. Or, si cela explique en partie cette hausse des prix à la pompe sur le marché local, elle n’en est pas la seule cause.

Pour commencer, voyons de plus près le constat de la STC. Dans un communiqué, l’organisme indique avoir pris note de l’évolution des prix sur le marché mondial et du niveau du Price Stabilisation Account (SPA) avant d’arriver à la conclusion qu’une augmentation du prix des carburants était nécessaire. Pour rappel, la dernière révision des prix remonte au 30 juin, où une contribution au financement de l’acquisition des vaccins contre le Covid-19 avait été considérée dans le calcul menant à l’augmentation des prix de l’essence et du diesel.

Par la suite, réaction inattendue, ces prix sont restés inchangés après la rencontre du PPC le 14 septembre 2021, alors que l’inquiétude grondait au niveau international face à une tendance à la hausse du prix des carburants et à la baisse de la production mondiale.

Ensuite, on se rappellera qu’au début d’octobre, le prix du pétrole est passé à USD 76,44 le baril contre USD 65,19 en mars. Dès lors, la STC commençait déjà à parler de possibilité d’augmentation des prix à l’avenir, les commandes pour début 2022 étant faites en octobre, soit au moment de l’augmentation drastique sur le marché mondial.

Toutefois une question se pose : dans le passé, nous avons subi de plus grosses augmentations de prix sur le marché mondial, sans qu’il y ait des conséquences sévères sur le prix de revente à la pompe. Quel est donc ce facteur déterminant ? Prenons un exemple. Selon les chiffres de la STC, le 6 juin 2014, le prix de l’essence était de Rs 52,25 le litre, son taux le plus haut, en vigueur depuis 2013. Or, le 9 juin 2014, selon les chiffres de Trading Economics, le pétrole se vendait à USD 113,41 le baril sur le marché mondial.

Recettes en chute libre
Aujourd’hui, l’essence se vend à Rs 55,75 le litre alors que le coût du baril de pétrole est d’environ USD 79. Si le coût à l’international est moindre maintenant, pourquoi paie-t-on plus cher à la pompe ? La réponse n’est pas si dure à trouver, l’économie mauricienne est simplement bien plus faible aujourd’hui, et le Covid-19 n’aide pas.

En 2014, le dollar était d’environ Rs 30, et aujourd’hui, il se vend à Rs 43,55, faisant face à une dépréciation continuelle et cette tendance, ne vous y méprenez pas, ne s’arrêtera pas, tout simplement parce que le pays dépense bien plus qu’il ne reçoit ou ne produit. À titre d’exemple, le déficit de la balance commerciale se creuse encore plus au fil du temps, avec en septembre une note d’importation s’élevant à Rs 19,4 milliards contre des recettes de Rs 7,8 milliards seulement pour les exportations. La baisse d’investissements directs étrangers est aussi à ajouter au calcul avec seulement Rs 4,4 milliards dirigés vers le pays au premier semestre 2021. De plus, la lente reprise du tourisme, Covid-19 oblige, avec des recettes en chute libre, le pays ayant reçu Rs 2,8 milliards à octobre, contre Rs 5,4 milliards en 2019.

Il y a aussi la dette publique qui affiche un taux de 94,3 %, des emprunts à l’international qu’il faudra rembourser avec une roupie dépréciée et des taux d’intérêt en hausse, sans oublier les dépenses publiques avec les augmentations de salaire à travers le dernier rapport du Pay Research Bureau (PRB) par exemple, et vous avez là les ingrédients menant à une chute de valeur soutenue de la roupie mauricienne. Bien entendu, le tout est à placer dans le contexte d’une poussée inflationniste dans le monde et à Maurice, malgré le discours qui se veut rassurant des autorités, le taux local d’inflation ayant atteint 6,4 % en glissement annuel en novembre, selon les chiffres de la Banque centrale.

Manque de souplesse

À quoi s’attendre ? Le variant Omicron a jeté un voile d’incertitude sur la reprise de l’économie mondiale, plusieurs pays appliquant un couvrefeu, sans oublier la fermeture de leurs frontières, ce qui réduit la demande. Résultat, le prix des carburants au niveau mondial connaît en ce moment une légère baisse, sans compter que les 23s pays producteurs de pétrole dans le monde, regroupés au sein de l’Opep, ont décidé d’augmenter leur niveau de production à 400 000 barils par jour en décembre.

Toutefois attention, cette tendance ne devrait pas durer selon JP Morgan, leader mondial des services financiers, prévoyant que le pétrole devrait atteindre USD 125 le baril en 2022 et USD 150 le baril en 2023. «Au niveau mondial on voit que les prix vont augmenter car la demande reprend et la croissance des économies à travers le monde reprend aussi. Dans notre cas, c’est surtout le contexte local qui importe car la dépréciation de la roupie est le plus gros facteur à considérer. Le problème est aussi le manque de souplesse du PPC. À Maurice on attend d’être au bord du gouffre, qu’il n’y ait plus aucune solution et on augmente les prix brutalement. C’est faire preuve de rigidité, en fonction de la tendance mondiale et locale, j’aurais préféré voir l’essence augmenter d’une roupie chaque mois pendant cinq mois, que de passer à Rs 5 d’un seul coup. L’année prochaine, le prix brut des carburants et l’évolution du dollar risquent à nouveau d’affecter le calcul pour l’augmentation du prix de l’essence, d’autant plus que déjà maintenant l’augmentation aurait dû être plus sévère, mais le règlement de la STC fait que l’augmentation ne peut pas être de plus de 10 %», explique l’économiste Eric Ng.

Quid de l’impact sur les consommateurs ? Jayen Chellum, secrétaire général de l’As- sociation des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), parle, lui, d’une situation inacceptable d’autant qu’en juin le prix des carburants avait augmenté pour l’achat de vaccins. «La dépréciation de la roupie est une chose, un impact des forces du marché, mais n’oublions pas la récente dévaluation de la roupie après l’intervention de la banque centrale pour la vente des devises. Quand il le veut, l’État ajoute des taxes, comme pour le vaccin, et ensuite le résultat est que le consommateur paie plus cher.»

Or, à voir les retombées positives des supermarchés et des commerces, le consommateur semble être à l’aise de dépenser plutôt que d’épargner ou d’investir, peut-on vraiment parler de coup de massue au panier de la ménagère ? «Il y a différents types de consommateurs, la classe riche et la classe moyenne continueront de dépenser comme avant la crise économique. Mais n’oublions pas que la majeure partie de la population, qui n’est pas fonctionnaire ou dans le top and middle management du secteur privé, survit toujours avec moins de Rs 20 000 par mois.»

Tout cela nous mène encore une fois à une conclusion : il est plus que temps de définir nos priorités et d’accélérer nos projets de production d’énergie verte au plus vite, sans oublier la mise sur pied d’une réforme en faveur de la production locale.