Publicité

Mort de Desmond Tutu: hommages planétaires, l'Afrique du Sud orpheline

27 décembre 2021, 18:49

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Mort de Desmond Tutu: hommages planétaires, l'Afrique du Sud orpheline

L'Afrique du Sud a entamé lundi une semaine de deuil pour l'archevêque Desmond Tutu, immense figure morale de la lutte contre l'apartheid mais aussi une malice, une chaleur, un rire en cascade communicatif, dont le pays se sent déjà orphelin.

Le prix Nobel de la paix, mort paisiblement dimanche à 90 ans, s'était retiré de la vie publique ces derniers mois, visiblement affaibli. Mais chacun se souvient de sa petite silhouette violette, sa ténacité et son franc-parler légendaires pour dénoncer les injustices et écorner tous les pouvoirs.

«Quand nous étions de jeunes militants, si l'archevêque Tutu était présent, jamais la police ou l'armée ne nous tiraient dessus. Pourquoi? On ne sait pas vraiment. Mais il nous servait de bouclier», a twitté Panyaza Lesufi, aujourd'hui un cadre de l'ANC, parti fossoyeur de l'apartheid qui est toujours au pouvoir.

Ses obsèques sont prévues samedi dans la cathédrale anglicane Saint-Georges du Cap, son ancienne paroisse. Le corps, placé en chapelle ardente vendredi, sera incinéré et ses cendres reposeront dans la cathédrale.

L'assistance sera limitée à une centaine de personnes en raison du Covid, même si plus de 400 ont déjà exprimé leur intention d'assister à la célébration, a précisé lors d'une conférence de presse l'Eglise anglicane, qui a encouragé les fidèles à suivre la messe depuis chez eux.

Résolu et sans peur

Arch, comme il est surnommé affectueusement en Afrique du Sud, «est le dernier d'une génération extraordinairement remarquable de dirigeants africains», écrit lundi la veuve de Nelson Mandela, Graça Machel, évoquant «la perte d'un frère».

«Du haut de sa chaire, usant habilement de son autorité morale, Arch a condamné avec passion l'apartheid et demandé avec éloquence des sanctions contre le régime raciste», rappelle la militante mozambicaine.

Malgré «le courage indescriptible» qu'il fallait alors pour se battre, «il se tenait résolu et sans peur, menant les manifestations, robe cléricale flottante, avec sa croix comme bouclier», décrit-elle, rappelant que sur un plan personnel c'est Mgr Tutu qui avait incité «Madiba et moi-même» à officialiser leur union par un mariage.

De lundi à vendredi, les cloches de la cathédrale Saint-Georges sonneront pendant dix minutes, à partir de midi. L'archevêque du Cap a demandé à ceux qui les entendent «de faire une pause dans leur emploi du temps chargé» pour penser à Tutu.

Fous rires

Les hommages ont continué à fuser partout dans le monde de la part de nombreux chefs d'Etat, mais aussi d'autorités religieuses dont le Pape François.

«Dans les yeux de Desmond Tutu, nous avons vu l'amour de Jésus (...) Dans son rire, nous avons entendu la joie de Jésus», a déclaré le chef spirituel des anglicans Justin Welby.

Son ami le dalaï lama a salué un «grand homme, qui a vécu une vie pleine de sens». Leurs fous rires communs, quand ils se chambraient joyeusement sur leurs différences religieuses, font les délices des chaines de télévision sud-africaines qui passent ces images en boucle.

Des Sud-Africains par dizaines ont continué lundi à se recueillir, en dépit de la pluie, devant la cathédrale au Cap, où un registre a été ouvert pour y déposer messages ou bouquets de fleurs.

Le chef d'Etat Cyril Ramaphosa était attendu au Cap lundi dans l'après-midi, a-t-on appris auprès de la présidence.

Après l'avènement de la démocratie en 1994 et l'élection de son ami Nelson Mandela, Desmond Tutu avait inventé le terme de «Nation arc-en-ciel». Il avait présidé la Commission vérité et réconciliation (TRC) dont il espérait, grâce à la confrontation des bourreaux et des victimes, qu'elle permettrait de tourner la page de la haine raciale.