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Kailesh Jagutpal: le virus de l’impopularité

19 décembre 2021, 22:00

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Kailesh Jagutpal: le virus de l’impopularité

Affaire Pack & Blister, gestion du Covid-19 décriée sans oublier la surfacturation du Molnupiravir : autant de pilules amères pour Kailesh Jagutpal. La société civile et l’opposition réclament même sa démission comme ministre de la Santé. Qu’en pensent ses mandants et ses confrères médecins ? Alors que sa réputation semble avoir du plomb dans l’aile, d’autres «diehards» ne lâchent pas leur idole. «Shé quan chage»…

Décidément, il ne cesse de s’attirer les foudres de toutes parts. Après l’acquisition en urgence des respirateurs défectueux de Pack & Blister en 2020, la résurgence du Covid-19 avec une explosion des cas, les variants Delta et Omicron, les nombreux décès en 2021, voilà qu’un nouveau scandale frappe à sa porte : le Molnupiravir, dont le prix a flambé en 24 heures. Il y a de quoi être de mauvais poil. En effet, le Dr Kailesh Kumar Singh Jagutpal, psychiatre de son état, et surtout ministre de la Santé depuis le 12 novembre 2019, est au centre de plusieurs controverses.

Citoyens, activistes et opposition réclament sa tête. Mais qu’en pensent ceux qui l’ont côtoyé avant et après son élection dans la circonscription no 13 (Rivière-desAnguilles/Souillac ? Dans la localité, les avis sont partagés sur le député qui a fêté son 52e anniversaire le 1er novembre 2021, si l’on se fie au site de son ministère. Pour plusieurs habitants du Sud, ce sacré personnage incarne désormais «celui dont on ne doit pas prononcer le nom». Le «vuris» – pour reprendre la prononciation souvent raillée du principal intéressé – semble même se répandre dans la région.

À l’inverse, d’autres s’avèrent (trop) loquaces. À l’exemple de Sanjaye Radha, 55 ans et agent du Mouvement socialiste militant (MSM). Pour ce marchand de légumes de Tyack, Kailesh Jagutpal est toujours apprécié des habitants malgré toutes les critiques. «Que ceux impliqués dans ces polémiques et les auteurs des documents en question assument leurs responsabilités. S’il faut prendre des sanctions, qu’on le fasse. Pour moi, Kailesh Jagutpal est un ministre genuine et il le sera encore à l’avenir.» La magie de «l’orange mécanique» opère donc toujours, par endroits. Concernant la disparité entre les chiffres du ministère de la Santé et ceux de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le Covid-19 et la gestion de la pandémie, Sanjaye affirme que «cette situation est commune au monde entier et il ne faut pas tout mettre sur le dos du Dr Jagutpal».

Rajah Putanah, conseiller du village de Tyack, estime que, de par sa façon de communiquer, sa proximité avec ses mandants, le Dr Jagutpal «demeure populaire» malgré les récents événements, dont celui du Molnupiravir, qui entachent sa réputation. «Je le connais depuis huit ans. Nous nous sommes rencontrés à travers le social, notamment lors de déjeuners pour des personnes âgées et des activités sportives. Kailesh Jagutpal a toujours répondu présent comme first aider mais aussi en nous apportant des packs d’eau et des rafraîchissements.» Il cite également le fait qu’il consultait gratuitement des personnes à son domicile, alors à Grand-Bois, et confie que Jagutpal donnait aussi de l’argent à ceux qui n’en avaient pas pour acheter leurs médicaments. L’image du psychiatre généreux est encore vivace dans sa mémoire.

Quid des controverses ? Doit-il se contenter des ordres venus «d’en haut» comme le sous-entendent certains ou agir en son âme et conscience ? «Je crois qu’il fait de son mieux pour sortir Maurice de cette impasse pandémique sans précédent. Pour en revenir à l’approvisionnement de Molnupiravir, il y a une structure au procurement. Je ne vois pas le ministre venir dire de les acheter à X ou Y. La confiance envers le ministre de la Santé est toujours présente mais sa réputation est ternie puisqu’on ne connaît pas encore la vérité sur l’affaire Molnupiravir.» Certains le condamnent, concède Rajah Putanah. Mais pas lui. «Je sais que le Dr Jagutpal ne nous décevra pas. Il sera toujours serein. Il n’est pas un homme avide d’argent. S’il en sort de sa poche pour aider les démunis, je ne le vois pas frauder. Me pa kapav met lame dan difé…»

Kailesh Jagutpal, qui habite désormais à Côte-d’Or, est aussi mal perçu. Farook Dowlut, activiste du Parti travailliste (PTr) de Rivière-des-Anguilles, âgé de 64 ans et bijoutier depuis 40 ans, est loin d’être tendre à l’égard du ministre. «Durant son premier mandat de ministre, sa performance laisse à désirer. Certes, il n’est pas facile de gérer le Covid-19 mais à mon avis, il ne sait pas s’y prendre. Pour moi, il protège ceux qui n’agissent pas bien et surtout les chatwas. Il fait preuve de manque de transparence dans les chiffres, en ce qui concerne les morts et les cas», fulmine-t-il.

Pour sa part, Vela Gounden, un enseignant à la retraite et travailleur social de Souillac, évoque un homme très apprécié dans sa circonscription avant son arrivée dans l’arène politique. «Les gens percevaient Kailesh Jagutpal comme quelqu’un de très humain. Désormais, il occupe certaines responsabilités mais il doit être très mal à l’aise dans ce nouveau costume. Il est entré dans une cabale et il ne peut plus faire marche arrière.»

Le ministre de la Santé, n’hésitant pas à se mouiller dans des intempéries qui avaient frappé le pays en avril dernier. Les photos avaient été partagées par son colistier au no 13, le député Ismael Rawoo.

Le ministre serait, selon lui, victime d’une manipulation dans laquelle il se retrouve piégé à ses dépens. Et il ne fait rien pour s’en sortir, ajoute-t-il. «Il est possible qu’à la longue, il puisse changer. En politique, il faut que les gens résistent à la tentation de money, money, money. Dans la circonscription no 13, nous ne le connaissions pas comme quelqu’un avec des visées mercantiles. Maintenant, il a perdu beaucoup de sa popularité. Il n’est plus comme le fresh Jagutpal venant avec toutes ses promesses et l’ambition de faire des choses pour le peuple», estime Vela Gounden. Quid de sa démission réclamée par l’opposition ? Selon lui, toute personne dotée de bon sens devrait le faire pour «sauver ce qui peut encore être sauvé» au lieu de s’engouffrer dans une «corruption continue».

Dans la profession médicale, l’on retient de Kailesh Jagutpal l’image d’un bon praticien. Le Dr Sattianundsingh Deonarain, secrétaire de la Government Medical and Dental Officers Association (GMDOA), se rappelle du psychiatre comme «le seul à offrir des consultations gratuites dans ce domaine». D’après le Dr Dawood Oaris, président de l’Association des cliniques privées, le ministre a fait ses études de médecine et sa spécialisation en psychiatrie en Inde avant qu’il n’intègre le service public vers 1997. «Il est issu d’une famille respectée et il est un bon médecin.»

Le Dr Jagutpal était en poste à l’hôpital Brown Sequard avant de devenir consultant en psychiatrie l’hôpital Jawaharlal Nehru de 2007 à 2019. «Il a toujours été un collègue aimable et bien perçu par la profession», se rappelle le secrétaire de la GMDOA. Parallèlement, de février 2016 à mai 2019, il a présidé le Medical Council, fonction qui lui a permis d’apporter des changements à la législation et d’établir une bonne collaboration avec les médecins privés, «ce qui manquait auparavant», ajoute le Dr Dawood Oaris.

Avec son ascension en politique, la cote de popularité du ministre est ébranlée, indique Sattianundsingh Deonarain. «C’est un bon médecin mais comme ministre, ses conseillers ne sont pas assez avisés», précise notre interlocuteur. D’ailleurs, il évoque les anomalies dans l’acquisition des médicaments, le pharmacy board et le procurement. Au niveau du Covid-19, la GMDOA avait récemment écrit une lettre, plaidant pour une meilleure gestion de l’hôpital Ear Nose Throat (ENT). Leur réclamation n’est pas tombée dans les oreilles d’un sourd. Car le ministre Jagutpal a pris diverses mesures correctives, ajoute-t-il.

Concernant sa capacité à gérer l’administration médicale, Dawood Oaris soutient que «le ministère est géré surtout par les fonctionnaires». Le ministre, lui, travaille sur le policy making. Hélas, il est tombé dans l’ère du Covid-19 et il a «géré ces deux années assez bien» sur le plan de la pandémie. Les professionnels de la santé n’en démordent pas. Même si le ministre a la poisse qui lui colle à la peau, il a toujours le cœur sur la main. Après enquête, si bien sûr, celle-ci ne tombe pas dans l’oubli comme pour l’affaire Pack & Blister, le ministre se refera une santé, selon eux. Comme le martèlent ses inconditionnels diehards du n°13, il reprendra du (Jagut) poil de la bête.

Encore faut-il qu’il puisse faire passer la pilule du Molnupiravir, sa nouvelle piqûre de rappel.

Santé: Pourquoi n’y a-t-il pas eu de conférence de presse du NCC vendredi ?

<p>Le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, n&rsquo;a pas animé la conférence de presse hebdomadaire du <em>National Communication Committee </em>(NCC), qui a lieu en général à son bureau, au cinquième étage du bâtiment d&rsquo;Emmanuel Anquetil à Port-Louis. Depuis plusieurs semaines désormais, chaque vendredi, il a l&rsquo;habitude de donner des détails sur la situation du Covid, avant de répondre aux questions des journalistes. Mais cette fois, on a dû se contenter des chiffres fournis par le <em>Government Information Service</em> (GIS). Pourquoi cette conférence de presse a-t-elle été annulée ? Est-ce en raison de la manifestation de l&rsquo;opposition, qui réclame sa démission ? Aucun détail n&rsquo;a filtré sur les raisons de l&rsquo;annulation. Une source au Bureau du Premier ministre évoque cependant le fait que le ministre était pris au Parlement. Oui, mais il y quelques semaines, Jagutpal tenait tout de même son point de presse, alors qu&rsquo;il y avait les travaux de l&rsquo;Assemblée nationale. Il avait alors indiqué que le Covid serait abordé à la conférence de presse du gouvernement, animée par Joe Lesjongard et Bobby Hurreeram, le lendemain matin. Qu&rsquo;est-ce qui a changé cette fois ? Nos renseignements indiquent en fait qu&rsquo; il a été demandé à Jagutpal de moins &laquo;s&rsquo;exposer&raquo;, vu le scandale Molnupiravir qui fait rage&hellip;</p>