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Inflation en hausse: danger

14 décembre 2021, 17:03

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Inflation en hausse: danger

Chiffre inquiétant. Le taux d’inflation en glissement annuel passe à 6,4 % en novembre contre 3,1 % à la même période en 2020. Si les autorités prêchent toujours une inflation transitoire, la tendance semble pourtant démontrer qu’elle risque de durer, face à une roupie qui se déprécie face au dollar à Rs 43,55, une dette publique de l’ordre de 94,3 % et une conjoncture internationale défavorable. L’impact, bien entendu, se ressent dans tous les secteurs de l’économie et les consommateurs étant les premiers à passer à la caisse

6,4 %. C’est le taux d’inflation en glissement annuel enregistré en novembre contre 3,1 % à la même période en 2020, selon les derniers chiffres de Statistics Mauritius et pour ne rien arranger, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 0,7 % en novembre. Pourtant, les autorités ne semblent guère inquiètes alors que la réalité est frappante : l’inflation est là pour durer et risque même d’empirer.

Cette tendance, on la voit venir depuis quelque temps déjà, la poussée inflationniste mondiale s’inscrivant dans une conjoncture encore et toujours dictée par les aléas de la pandémie et la nouvelle menace du variant Omicron. La question est : nous y sommes-nous préparés ?

Prenons l’exemple des États-Unis. Depuis des semaines, les prédictions poussent vers une augmentation durable de l’inflation, mettant la pression sur la banque centrale américaine, la Federal Reserve, pour renforcer sa stratégie. Plusieurs banques centrales dans le monde, soit au Canada, en Australie ou encore au Brazil, gardent l’inflation au centre des décisions prises.

À Maurice, si les autorités prêchent toujours une inflation transitoire, nous n’échapperons pas aux conséquences de cette tendance à la hausse, face à une roupie qui se déprécie de plus en plus, une dette publique qui gonfle et une conjoncture internationale qui ne s’améliore pas. En effet, à l’international, les perturbations dans la production et la chaîne d’approvisionnement et de distribution restent tenaces. Cela, sans oublier la hausse des prix des carburants, la hausse des coûts de production en Chine, fournisseur principal de quasiment tous les pays du monde, la hausse vertigineuse des coûts du fret et les économies et frontières dans le monde qui s’ouvrent et se referment de manière aléatoire, n’offrant ni visibilité, ni marge de planification économique.

Ces perturbations influent aussi de facto sur le comportement des consommateurs, qui continuent de craindre l’augmentation des prix et consomment plus, affectant l’évolution du taux d’inflation.

Dans ce contexte, le glissement de la valeur de la roupie s’avère pertinent, la tendance n’allant pas vers une stabilisation. En effet, lors de sa dernière intervention, la Banque de Maurice (BoM) a vendu des dollars à un taux d’intervention de Rs 43,05. Résultat, le taux de change se voit impacté avec le dollar se vendant à Rs 43,55 selon le taux de change indicatif de la State Bank of Mauritius (SBM). Ajoutez à cela la dette publique qui se chiffrait à un taux de 94,3 % à septembre dernier et le chômage qui était à 10,5 % au deuxième trimestre de l’année et vous avez les ingrédients parfaits menant à une stagflation.

Recul du pouvoir d’achat

À quoi s’attendre pour la suite ? «Cette hausse de l’inflation est le résultat direct de l’augmentation des prix des aliments, des produits de base et d’autres biens et services avec l’augmentation des coûts d’importation, résultat de l’augmentation du coût du fret. À titre d’exemple, un conteneur de 20 pieds en provenance d’Inde coûtait USD 1 800 en décembre dernier et coûte USD 8 500 aujourd’hui. Nous n’avons pas encore atteint le sommet et les prix vont continuer à augmenter, tout comme l’inflation. L’inflation augmente les prix, ce qui diminue votre pouvoir d’achat. L’inflation réduit également la valeur des pensions et de l’épargne, et cela aura un impact direct sur le coût de la vie, le coût pour faire des affaires, des emprunts et des hypothèques», explique l’économiste Bhavish Jugurnauth.

Selon lui, le niveau élevé de l’inflation dans la plupart des économies avancées, incluant les États-Unis et le RoyaumeUni, commencent à rendre nerveux certains décideurs politiques, entreprises et ménages. La vraie question est de savoir s’il s’agit d’une situation temporaire ou d’une situation qui va durer plus longtemps ? «Une partie de l’augmentation du taux d’inflation au premier semestre de l’année 2021 est due à l’arrêt et la réouverture de segments de l’économie mondiale qui ont conduit à des changements de prix erratiques. Ceux-ci ont conduit à des bizarreries statistiques qui s’estomperont progressivement. Cependant, du côté de la demande, même si le rebond a été fort dans les pays du G7, la plupart d’entre eux fonctionnent encore avec un degré important de ralentissement ou un écart de production. Le Fonds monétaire international (FMI) estime que cette situation va persister pendant quelques années. Il est donc clair que je m’attends à une forte volatilité des prix et que nous pouvons nous attendre à ce que l’inflation continue d’augmenter.»

Pour l’économiste, il est clair qu’au niveau macroéconomique, nous n’avons pas beaucoup d’options et Maurice devra aussi passer par des changements dans sa politique monétaire. «L’objectif est de réduire la masse monétaire en diminuant le prix des obligations et en augmentant les taux d’intérêt. Les plus grands perdants lorsque l’inflation augmente sont les pauvres, car ils consacrent une grande partie de leurs revenus aux produits de première nécessité. Ils n’ont pas beaucoup de moyens de réduire leurs dépenses. C’est particulièrement douloureux lorsque tous les aliments augmentent en même temps. Je crois qu’il faudra faire davantage et budgétiser la fixation des prix des produits de première nécessité pour aider les pauvres.»

Quelle est la position de la banque centrale à ce sujet ? En tout cas, la vigilance est de mise et la BoM dit surveiller de près les événements nationaux et externes qui ont un impact sur l’inflation. «Nos dernières évaluations ont démontré que la pression inflationniste était en effet transitoire. Ces résultats sont en accord avec ceux de plusieurs banques centrales et organisations internationales, même le FMI pense que la poussée inflationniste en 2021 n’a pas eu d’impact sur les anticipations de l’inflation à long terme et que l’inflation reculera effectivement en 2022, tant dans les pays avancés que les économies émergentes», dit-on à la BoM. Toutefois, précise-t-on : «Il faut mettre les choses en perspective. Il s’agit d’éviter de faire des comparaisons avec des pays spécifiques qui ont des conditions macro-économiques très différentes des nôtres. Certains de ces pays se rétablissent à un rythme beaucoup plus rapide et atteindront bientôt leur niveau ‘d’avant’ la pandémie. Dans notre cas, le processus de rattrapage dépendra beaucoup des développements concernant les variants Delta et Omicron, qui peuvent affecter nos arrivées touristiques et la demande externe.»

Ainsi, pour le moment, les chocs inflationnistes que nous subissons sont, dans la plupart des cas, de nature transitoire et émanent surtout de la montée des prix au niveau mondial et le coût du fret. «À notre niveau, nous surveillons de façon continuelle les anticipations inflationnistes à travers nos enquêtes et nos sondages. Nous veillons à ce que les risques de tension sur l’inflation ne deviennent pas persistants.»

Finalement, tout porte à croire que nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Affichant un rebond cette année, la croissance économique mondiale s’affaiblira l’année prochaine selon les instances internationales, dont le FMI, et l’inflation, si elle n’est pas maîtrisée, persistera alors que le virus n’a pas fini de faire des ravages.