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Dr Farhad Aumeer: «Je recommande un pont aérien d’urgence médicale»

23 novembre 2021, 20:23

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Dr Farhad Aumeer: «Je recommande un pont aérien d’urgence médicale»

Le député responsable du dossier médical au Parti travailliste et consultant médical, nous a livré ses impressions et commentaires sur la flambée des cas à son bureau, à Moka, vendredi.

Que pensez-vous de la gestion locale de la pandémie ?

Cette hécatombe est le résultat d’une mauvaise gestion. 18 979 cas positifs /248 décès sont attribués au Covid 19 à ce jour (vendredi). Les chiffres du gouvernement ne corroborent pas ceux des pompes funèbres. Cette fatalité n’épargne personne. Presque 25 % de la population sont réticents à se faire vacciner. Avec cinq types de vaccins, un programme de booster dose qui peine à décoller, un manque aigu de médicaments spécifiques et la perte de confiance envers notre système médical en sont les preuves. Je connais plusieurs personnes qui se tournent vers le privé et qui cherchent comme l’or noir,  Remdesevir ou Tocizilumab et certains même des antivirauxWe are at war, comme l’a dit le Dr Navin Ramgoolam. Nous sommes tous ensemble pour gagner cette guerre.

Face à l’explosion des cas, quelles sont vos prévisions pour les prochaines semaines ?

J’anticipe que le nombre de cas continuera à augmenter et la panique s’installera plus. Il y aura un chaos dans nos centres hospitaliers. Je crains même des dérapages pour avoir un lit d’hôpital dans les jours à venir. Le nombre inquiétant de décès n’épargnera personne au passage – bébés, jeunes, moins jeunes et ceux au-dessus de 60 ans. Les services de pompes funèbres seront mis à rude épreuve. La frustration et la colère du peuple pourraient être dangereuses pour le climat social.

Qu’est-ce que vous proposez ?

Un lockdown est le seul moyen de briser cette chaîne. On doit trouver une solution pour l’économie, mais la sécurité sanitaire doit primer. Trop de gens meurent chaque jour et notre nombre de décès par million d’habitants est actuellement le plus élevé, selon les chiffres de Johns Hopkin University.

Quelles mesures urgentes le gouvernement peut-il prendre pour freiner la flambée des cas ?

Je recommande un pont aérien d’urgence médicale avec des pays amis pour pallier tout manque de médicaments, tels que Remdesvir, Tocizilumab, Ronaprene, Molnupiravir, appareils de réanimation, régénérateurs d'oxygène et du personnel ; il faut aussi leur demander de l’aide pour renforcer notre équipe d’infirmiers, d’urgentistes, d’anesthésistes pour une période initiale de 4-6 mois car le ratio patients et nombre de soignants est trop faible ; un retour vers l’ordre alphabétique de l’accès aux grandes surfaces; un couvre-feu de 20 h à 6 h pendant un mois; une campagne de vaccination agressive de Pfizer pour ceux qui n’ont pas encore fait de première dose ; limite dans les transports en commun à pas plus de 10 personnes ; la conversion de centres de conférences, tels que Swami Vivekananda et Grand-Baie, ainsi que le complexe de Côte-d’Or en centres de soins semi-intensifs réservés à ceux atteints du Covid-19 ; facilités d’oxygène à la maison jusqu’à la prise en charge dans les hôpitaux; les plus vulnérables et ceux de plus de 65 ans ne devraient sortir qu’en cas d’urgence ; la transparence totale dans le protocole de traitement; une collaboration permanente avec d’autres centres des pays développés pour mettre en place un protocole de traitement médical et ne pas suivre aveuglément des approches médicales de l’OMS qui tarde à approuver des traitements existants et qui font leurs preuves dans d’autres pays; un support logistique d’appareils médicaux de base pour les infirmiers, aides-soignants et des incentives pour les encourager tout en leur assurant le repos nécessaire, d’où la nécessité de faire appel aux éléments de la Red Cross, la St John’s Ambulance, à certains services de la police ; et que toutes les cliniques privées ouvrent leurs portes à nos frères et sœurs atteints du Covid et se préparent à avoir des salles spécifiques pour des cas positifs.

Les hôpitaux et centres de santé sont pris d’assaut et désormais au cœur du virus, comment protéger les «frontliners» et le public en général ?

Plus de PPE, masques, gants, désinfectants doivent être en stock abondant et le ministère de la Santé doit s’assurer qu’il n’y a pas de manque. Restreindre l’accès aux hôpitaux aux patients et un ou deux proches. Le respect de la distanciation physique et le nombre de personnes en groupe doit être scrupuleusement suivi. La police doit être intransigeante sur cet aspect et les récalcitrants doivent être traités avec toute la rigueur de la loi.

La campagne de vaccination se déroule-t-elle comme elle doit être, selon vous ? Et la «booster dose», ça en vaut la peine ?

J’ai dit à plusieurs reprises que le concept d’immunité collective est un échec. Cinq types de vaccins avec chacun sa propre efficacité, sa stimulation de réaction immunitaire et la dégradation immunitaire avec le temps font qu’en temps réel on n’est presque jamais à 50 % de gens adéquatement immunisés. Le variant n’a rien à voir avec l’échec de ce concept. Je réaffirme une nouvelle fois qu’avec une population de 1,3, on a besoin de 2,6 millions de doses de Pfizer pour que tout le monde se sente rassuré, même les indécis. Recommençons une nouvelle campagne de vaccination agressive, car la booster dose n’a pas l’air de provoquer une ruée. Quid d'un appel d’une quatrième dose pour tous.

Vous avez suivi de près l’évolution de la santé du Dr Navin Ramgoolam, quelle est votre opinion sur ce que le ministre de la Santé a dit au Parlement ?

Les réponses du Dr Jagutpal au Parlement sont parfois très provocatrices surtout quand il y a cette perception de manque d’humanisme, son arrogance de tout savoir et son manque de respect pour ceux atteints du Covid-19 et ceux malheureusement décédés. Comment peut-on accuser la population d’irresponsabilité alors que le ministre de la Santé lui-même ne porte pas de masque dans certaines fonctions ainsi que les ministres qui se présentent à des fêtes. Il est en mode de self-denial et son manque d’apprécier l’étendue de cette sérieuse propagation et que one death is one too many est déconcertante. Le ministre de la Santé doit revoir sa copie ou laisser la place à quelqu’un d’autre. Il faudrait instituer un Select Committee avec le concours de l’opposition pour travailler ensemble et sortir de cette crise sanitaire. Je suis prêt à apporter mon soutien et celui de mes collègues experts en la matière du privé pour donner un coup de main au comité scientifique, qui gère le dossier au gouvernement. 

Vous avez inscrit une motion de blâme contre cette gestion en mars et depuis que s’est-il passé ?

Oui et malheureusement, cette motion n’a jamais été inscrite à l’agenda et à la fin de la dernière session avant les vacances parlementaires, je l’ai enlevée. La gestion du ministre de la Santé était teintée de plusieurs manquements que j’allais aborder – le décès des patients dialysés et son refus d’instaurer un Fact-Finding Committee. N’oublions pas sa prestation à la MBC en mars 2020, disant qu’il n’y avait aucun cas à Maurice.

Pourquoi cette motion de blâme ?

Les dialysés auraient dû être les premiers vaccinés mais tel ne fut pas le cas et nous avons vu les retombées. Manque de préparation à plusieurs niveaux – protection des frontliners, manque de PPE, de gants, etc. et le recours au fameux Emergency Procurement. Il fallait précommander des vaccins mais jusqu’à maintenant, il se montre très arrogant et justifie la non-nécessité de le faire. Heureusement que des pays amis nous ont aidés sinon on serait encore plus dans la m****. Il y aussi la saga de Pack and Blister pour les respirateurs et les commandes passées au nez et à la barbe de son ministère avec la STC et le ministère du Commerce pour environ Rs 1,5 milliard. 

Aucun sens de préparation pour cette deuxième vague. L’importation des médicaments, j’en cite deux – Remdesevir et Tocizulimab – c’est maintenant qu’on lance les appels d'offres quand nos pauvres gens sont en train de mourir. J’ai été le premier à recommander le Remdesevir et le Tocizulimab, qui sont deux médicaments autorisés pour emergency use depuis juillet 2020 par la Food and Drug Administration. Mais ils n’ont jamais été considérés pour soigner nos patients. Ce n’est que maintenant qu’on réalise leur importance.
 

Depuis le lundi 15 novembre, les Autrichiens non vaccinés sont en confinement, que pensez-vous de cette décision ?

Une décision qui définitivement aidera à diminuer les cas positifs parmi les non-vaccinés. Mais parmi, il y a ceux qui ont des allergies, des contre-indications à la vaccination et cela n’est quelque part pas juste. Donc il faut un système qui peut quand même soutenir ces gens, leur éviter la supercherie de se servir de la carte de vaccination des autres. Mais qui contrôlera ces gens et aura l'autorité de vérifier l'authenticité des cartes de vaccination. On va créer deux catégories de gens et cette approche doit donc être peaufinée dans son ensemble avant de la considérer à Maurice.