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Affaire Peng Shuai: la WTA se met en péril en Chine

19 novembre 2021, 17:50

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Affaire Peng Shuai: la WTA se met en péril en Chine

La WTA, qui régit le tennis féminin mondial, met en péril un de ses plus gros marchés en menaçant de se retirer de Chine après la disparition de la championne Peng Shuai, même si les conséquences financières pourraient être limitées.

Avant le Covid, la Women's Tennis Association organisait 10 tournois chaque année en Chine (sur plus de 60), notamment son Masters de fin de saison, le plus lucratif, à Shenzhen (sud). Des tournois dotés au total de 30 millions de dollars (26,4 millions d'euros).

L'organisation s'est fait entendre après la disparition de Peng Shuai, ex-N.1 mondiale en double, qui a accusé début novembre un ancien haut responsable du Parti communiste chinois, Zhang Gaoli, de l'avoir notamment contrainte à un rapport sexuel.

La WTA a demandé une enquête «transparente et juste» sur ces accusations. Son PDG, Steve Simon, a également menacé jeudi, sur CNN, de retirer ses compétitions du pays.

«Nous sommes tout à fait prêts à retirer (de Chine) nos activités et à faire face à toutes les complications qui en découlent», a affirmé le patron du tennis féminin.

«Parce que c'est (ces accusations) plus important que les affaires», a déclaré M. Simon à la chaîne de télévision américaine.

M. Simon a de plus mis en doute l'authenticité d'un courriel attribué par un média chinois à la joueuse, dans lequel elle entendait rassurer sur son sort et retirait ses accusations contre M. Zhang.

«Je ne crois pas du tout que ce soit la vérité», a indiqué M. Simon, qualifiant de «mise en scène» le message en question.

Représailles

Cette prise de position forte risque de provoquer la colère de la Chine, expliquent plusieurs experts à l'AFP, au vu des représailles menées par le pays envers d'autres sportifs qui se sont montrés critiques du régime.

La plateforme sport de Tencent, géant technologique chinois, ne diffuse plus les matches de NBA des Boston Celtics, depuis qu'un de ses basketteurs, Enes Kanter, a qualifié le président Xi Jinping de «dictateur brutal» et condamné la politique chinoise au Tibet.

La NBA avait perdu 200 millions de dollars (170,25 millions d'euros), lorsque Daryl Morey, alors manager général des Houston Rockets, avait tweeté en 2019 son soutien aux manifestants à Hong Kong.

La Premier League a aussi été touchée lorsque l'ancien milieu d'Arsenal, Mesut Özil, a condamné le traitement réservé aux Ouïghours, une ethnie musulmane du nord-ouest de la Chine.

Au regard de ces événements, la position de la WTA est «très inhabituelle», déclare Simon Chadwick, spécialiste du financement du sport à l'EMlyon Business School. «Les autorités chinoises n'aiment pas qu'on leur dise quoi faire.»

Selon la revue américaine Sports Illustrated, la Chine représentait avant la pandémie un tiers des revenus de la WTA, un chiffre contesté par Steve Simon. «Nous tirons beaucoup de revenus de la Chine», a-t-il simplement indiqué au magazine Time.

Un risque calculé? 

Mais, dans un contexte marqué par la possibilité d'un boycott diplomatique par les Etats-Unis des Jeux olympiques d'hiver prévus en février à Pékin, la WTA prend peut-être un risque calculé. Le tennis féminin est moins dépendant du marché chinois que la NBA, très populaire en Chine, selon M. Chadwick.

D'autant que Pékin a peu de moyens de pression envers l'organisation: les compétitions sont déjà suspendues depuis deux ans pour cause d'épidémie. Et les tournois féminins ne semblent pas près de revenir en Chine compte tenu des règles sanitaires extrêmement strictes observées dans le pays.

La WTA «a appris à vivre sans la Chine», selon Mark Dreyer, du site China sports insider, «les conséquences de sa prise de position sont moins importantes aujourd'hui que ce qu'elles auraient pu être par le passé».

Les autorités pourraient adopter une approche moins intrusive, comme empêcher les internautes chinois de commenter les matches à l'étranger, explique le blogueur chinois Ouyang Wensheng, spécialiste du tennis.

Depuis quelques jours, des figures du tennis mondial ont exprimé leur inquiétude envers Peng Shuai sur Twitter, sous le hashtag #WhereIsPengShuai.

La censure chinoise a supprimé la moindre trace des accusations de la joueuse sur les réseaux sociaux. La publication originellement postée sur Weibo a été supprimée rapidement et l'AFP n'a pas pu vérifier son authenticité.

Depuis, la joueuse n'a pas directement communiqué ou fait d'apparition publique et Zhang Gaoli n'a jamais réagi publiquement aux accusations.

Les autorités chinoises, la Fédération nationale de tennis ainsi que la WTA n'ont pas répondu aux sollicitations de l'AFP.