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Tour de vis sanitaire: un frein au dynamisme de la relance ?

17 novembre 2021, 21:00

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Tour de vis sanitaire: un frein au dynamisme de la relance ?

Doit-on s’attendre à des risques sanitaires sérieux à l’horizon, susceptibles de nuire au dynamisme de la relance économique et accessoirement à la croissance ? La question s’avère très pertinente face au nouveau tour de vis sanitaire annoncé le 12 novembre par le Premier ministre, Pravind Jugnauth. Cela pour contenir la prolifération du virus et briser la chaîne de transmission suivant l’explosion de nouveaux cas de Covid-19 liés au variant Delta, ces dernières semaines : 85 décès et plus de 7 000 cas ces deux dernières semaines.

Aujourd’hui, économistes et observateurs de la société réfléchissent sur le durcissement de ces nouvelles mesures sanitaires et s’interrogent sur les effets économiques à terme. Cela, d’autant plus que le pays souffre toujours des séquelles économiques de deux confinements nationaux, du 18 mars au 1er juin 2020 et du 3 mars au 1er mai 2021, totalisant presque 120 jours d’inactivité économique et entraînant dans la foulée l’arrêt total du secteur touristique pendant 18 mois. Conséquence directe : une contraction de 14,9 % du PIB en 2020, alors que le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a chiffré le bail-out de l’économie à 30 % du PIB pour éviter notamment l’écroulement de la structure économique et financière en soutenant les entreprises et les ménages mauriciens.

Face à cette onde de choc économique et à l’ampleur des mesures financières déployées, économistes et spécialistes estiment que le bon sens économique ne plaide pas pour le moment en faveur d’un troisième confinement. Ce qui viendrait anéantir les perspectives d’une reprise économique à moyen et long termes avec une nouvelle contraction du PIB. Une démarche qui a manifestement dicté l’option du Premier ministre de proposer à la place un durcissement des mesures sanitaires pendant un mois à partir du 13 novembre.

Pour autant, cette option n’est pas exempte de soubresauts économiques, plus particulièrement des activités porteuses de relance, voire de croissance. Imrith Ramtohul, consultant en investissements chez Aon Solutions Ltd et analyste financier, est de cet avis. Il pense à certaines activités qui seraient certainement affectées. Telles que la restauration et les services annexes; le commerce avec le shopping de fin d’année en demi-teinte dans les complexes commerciaux ; le transport en commun et l’hôtellerie avec en plus la suppression fort probable des fêtes de fin d’année dans les entreprises. Même s’il concède que d’autres activités commerciales profiteront en contrepartie de ces réaménagements du travail, avec notamment le concept du télétravail largement plébiscité par les secteurs public et privé.

Toujours est-il que d’autres spécialistes s’inscrivent dans la même logique. Anthony Leung Shing, Country Senior Partner chez PwC, soutient que les nouvelles restrictions sanitaires vont ralentir la reprise économique tout en estimant «qu’elles étaient cependant nécessaires, vu la propagation rapide du variant Delta ces dernières semaines». Il ajoute qu’il est important de garder le virus sous contrôle pour une relance économique durable. «Il appartiendra à la population de s’adapter à ces restrictions», avance-t-il.

L’image «Covid-Safe» ébranlée

Certes, le ministre des Finances mise sur la reprise touristique avec l’ouverture totale des frontières le 1er octobre pour booster la croissance. Alors même, plaît-il à dire, que l’effet de la fermeture prolongée des frontières a fait qu’avec un flux annuel pré Covid de 1,3 million de touristes en 2018-2019, le pays avait enregistré à peine 3 000 touristes en 2020-2021. Une baisse de 99,7 % des arrivées touristiques pour cette période, ce qui, selon Renganaden Padayachy, a occasionné l’absence sur le sol de 1,6 million de touristes, soit un manque à gagner estimé à Rs 100 milliards en devises étrangères.

Il va sans dire que les nouvelles mesures sanitaires, surtout celle de la restriction des plages pour piqueniquer, peuvent ébranler l’image Covid-Safe, que le gouvernement s’est vanté de vendre aux pays étrangers ces derniers mois, et impacter négativement les prévisions touristiques pour 2021 et 2022. Celles-ci sont estimées à 325 000 touristes pour les trois derniers mois de 2021 et de 650 000 touristes pour les 12 prochains mois jusqu’au 1er octobre 2022. Depuis l’ouverture complète des frontières, 80 000 vacanciers ont déjà foulé le sol mauricien.

Anthony Leung Shing de PwC reste néanmoins optimiste. «Depuis la réouverture des frontières, la reprise de l’activité se confirme et pourrait se retrouver à son niveau d’avant-crise d’ici la fin de l’année.» Toutefois, il voit les perspectives comme incertaines même s’il ne trouve pas que «les mesures sanitaires et autres restrictions ne vont pas à l’encontre de l’image Covid-Safe et sont en fait nécessaires pour assurer la continuité opérationnelle des activités et la bonne gestion du Covid-19».

Imrith Ramtohul est plus nuancé dans son analyse. Si, pour le moment, il ne voit aucun frémissement dans les comportements des touristes par rapport au durcissement des mesures sanitaires dans le pays, la situation pourrait vite changer si la crise du Covid prend une tout autre dimension. Résultat, l’annulation en masse par des touristes de leur réservation dans les hôtels du pays. «Tout dépendra aussi de ce que rapportera la presse internationale sur la situation du Covid à Maurice. De plus, la fermeture des établissements scolaires et universités pourrait donner l’impression que la situation a échappé au contrôle des autorités.»

D’ailleurs, le Chief Strategy Officer du groupe MCB, Gilbert Gnany, s’interroge sur l’impact économique d’une reprise épidémique. Dans la dernière édition de MCB Focus, dont il est l’auteur, il insiste que la nouvelle vague de variants résistants aux vaccins du Covid pourrait impacter négativement la population locale et les principaux marchés de Maurice. Conséquence : une baisse d’activité économique dans ces pays, qui nuirait à la capacité de Maurice à exporter vers ces marchés.

Pour le moment, les stakeholders recherchent le difficile équilibre entre l’urgence sanitaire de protéger la population de la prolifération du virus et la nécessaire reprise économique pour soutenir la relance. Business Mauritius, l’instance suprême du secteur privé, souligne à cet effet l’importance de trouver cet équilibre entre économie, vie sociale et santé.

En même temps, quoi qu’il en coûte, le gouvernement a le devoir d’investir dans la santé de la population pour contenir le rebond épidémique tout en évitant au pays de traverser la ligne rouge.