Publicité

Dr Reuben Veerapen: «Évaluer et maîtriser le risque cardio-vasculaire constitue les bases pour avoir une population en bonne santé»

11 novembre 2021, 09:38

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Dr Reuben Veerapen: «Évaluer et maîtriser le risque cardio-vasculaire constitue les bases pour avoir une population en bonne santé»

L’Association de chirurgie thoracique et vasculaire de l’océan Indien, que vous avez fondée, organise son 12e congrès cette semaine, soit du 11 au 14 novembre, à l’hôtel Sugar Beach. En 12 ans, quelles ont été les réalisations de l’association ?

Nous avons surtout œuvré dans le cadre de la formation médicale et chirurgicale pour les médecins de la région de l'océan Indien. Nous avons organisé ce congrès, qui est l'évènement d'échanges le plus important de la région, avec des sommités mondiales. La particularité de ces formations, c'est de permettre nous seulement une amélioration des connaissances scientifiques et médicales mais aussi de l'échange entre différentes spécialités, toutes ayant pour point commun les vaisseaux, c'est-à-dire les artères et les veines de l'organisme (diabétologie, néphrologie, cardiologie, radiologie, médecine vasculaire et chirurgie vasculaire). Nous avons également organisé des formations concernant spécifiquement le pied diabétique, sa prévention et sa prise en charge, ainsi que pour les fistules artério-veineuses des dialysés, qui sont leur talon d’Achille. En 12 ans, nous avons vulgarisé la pathologie vasculaire, la rendant accessible à la population et en amenant les nouvelles compétences/informations aux médecins.

Un des thèmes forts de votre congrès, cette année, est cœur et diabète. Quel est le lien entre les deux ?

C'est le thème de la première session, prévue en ouverture aujourd’hui. Il s'agit d'un signal fort car cette session a été préparée conjointement par les sociétés de diabétologie de La Réunion et de Maurice et y interviendront des orateurs de La Réunion, de Maurice, de Singapour, de l'Inde, de l'Allemagne et de la France métropolitaine. On voulait avoir une vision des médecins soignant des populations différentes avec des spécificités culturelles et sociétales. Pour répondre à votre question, le cœur, les artères en général et le diabète sont intimement liés de par les rétrécissements des artères qu'on retrouve dans le diabète. Depuis deux ans environ, nous avons à notre disposition des médicaments nouveaux, qui traitent le diabète mais également protègent le cœur et  le rein. Ils prolongent de manière très significative l'espérance de vie. Cette session inter-spécialité entre cardiologues et diabétologues est aussi destinée aux médecins généralistes, qui sont la pierre angulaire de la prise en charge des patients, afin qu’ils puissent s'accaparer de ces nouveaux traitements.

Vous êtes chef de service de chirurgie thoracique et vasculaire à La Réunion. Comment la prise en charge de la pathologie vasculaire a-t-elle évoluée en 2020-2021, surtout dans le contexte du Covid-19 ?

Nous avons été confrontés pendant ces derniers 18 mois à des vagues successives épidémiques dont la plus marquante a été celle de mars à juin 2021. La réanimation a été saturée et pendant toute cette période, nous avons eu un retard de prise en charge des patients lourds, pour certains par peur de consulter ou encore par report des interventions. Nous n'avons pas trop souffert par rapport à d'autres services et j'en prends, pour preuve, les services de maladies respiratoires, qui ont dû se consacrer, pour beaucoup, au traitement des patients du Covid-19, délaissant la pathologie respiratoire chronique habituelle. 

Un autre thème fort de ce 12e congrès concerne les doutes et les certitudes par rapport à la prévention cardiovasculaire. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le sujet ?

La prévention devrait être au cœur même de notre pratique et de nos politiques de santé publique. On s'aperçoit trop souvent que les patients arrivent avec des pathologies évoluées parce que l'éducation n'a pas suivi ou encore parce que nous, les médecins, ne maîtrisons pas assez ces éléments ou encore par manque de temps médical. Plus de 12 présentations avec des orateurs indiens, sud-africains de Singapore, de la France ou de La Réunion sont prévues dans ce cadre pour tenter d'éclairer sur tous ces sujets. On parlera de l'alimentation avec les nouvelles recommandations, des facteurs socioprofessionnels, de la dépression, des nouvelles méthodes d'évaluation du risque et aussi des variations de ce risque cardiovasculaire dans différentes parties du monde. Évaluer et maîtriser ce risque cardio-vasculaire constitue les bases pour avoir une population en bonne santé et pour prendre les bonnes décisions thérapeutiques en fonction de la gravité de l'atteinte du patient.

Quel est le lien entre les objets connectés et les pathologies cardiovasculaires ?

Les objets connectés en médecine c'est majeur, le patient en dispose, les médecins aussi. Le patient, c'est pour son suivi, par exemple, en cas d'insuffisance cardiaque, d’hypertension artérielle, pour le périmètre de marche dans le cas du patient souffrant d’artérite – maladie touchant les artères des jambes –, pour son état général, chez le diabétique, etc., avec une montre, on peut avoir un électrocardiogramme de nos jours. Pour le médecin, c'est immense car cela va du calcul d'un score aux guidelines, etc. Le problème, ce sont les limites de ces objets, leur fiabilité, leur coût, leur développement à venir, c'est l'intelligence artificielle et la médecine, etc. Mais c'est aussi la protection des données personnelles. Un vaste sujet, oh combien passionnant, d'où la conférence, qui sera animée par une juriste.

Vous avez été un des porte-parole du Covid-19 à l’île Sœur. Que devons-nous savoir sur le nouveau coronavirus et ses variants en 2021 ?

Nous avons connu une quatrième vague en Europe et à La Réunion notamment avec le variant Delta, plus contagieux et plus actif chez les jeunes, et contre lequel le vaccin Pfizer que nous avions à disposition à La Réunion, offre une très belle efficacité. Ce qui change maintenant c'est que nous avons environ 65 % de la population réunionnaise ayant reçu une dose et près  de 80 % de la population française dans le même cas. Il y aura d'autres variants avec des vaguelettes épidémiques. Il y a un risque de rebond mais il faudra maintenir les mesures barrières pendant encore quelques mois.

La prise en charge médicamenteuse et hospitalière du Covid-19 a-t-elle grandement évoluée en 2021 par rapport au début de la maladie ?

Il n’y a pas eu de grande évolution à ce niveau, même si nous avons une nouvelle molécule, le Molnupiravir, du laboratoire Merck, qui réduirait les cas graves par au moins 50 % et qui serait actif contre les variants. Mais ce n'est qu'un des éléments de la lutte contre le Covid-19 parmi lesquels on retrouve, en premier lieu, les mesures barrières (le port du masque, la distanciation, l’utilisation du gel hydro-alcoolique) et la vaccination.

Au gré des derniers développements, la vaccination contre le Covid-19 et ses variants deviendra-t-elle annuelle, selon vous ?

Je pense que oui. Nous aurons des rappels annuels à faire en fonction de notre immunité. Peut-être qu'un dosage des anticorps, soit un test sanguin permettant de voir si on a encore une immunité active contre le Covid-19, serait utile avant ce rappel et nous l'éviterait de manière systématique. 

Devons-nous nous attendre à d’autres épidémies de ce type au cours des décennies à venir ?

Le professeur Xavier de Paris, épidémiologiste et directeur de la veille sanitaire à l'Agence Régionale de Santé de La Réunion, dont la conférence est prévue ce jeudi 11 novembre, à partir de 19 heures, apportera la réponse à cette question. Mais à mon sens, je crois que la réponse est oui, d’où le titre que j’ai choisi pour sa conférence.

Quelles sont vos attentes par rapport à ce 12e congrès ?

Tout d'abord, l'organisation de ce congrès a été très complexe. La décision de le relancer a été prise au mois de juillet pour sa tenue en novembre. D'ordinaire, un congrès comme celui-ci se prépare un an à l'avance. Le Covid-19 a joué les trouble-fête. J'espère avant tout qu'il n'y ait pas de contamination liée au congrès. Toutes les mesures sanitaires possibles ont été prises et le seront pendant toute sa durée. Le plus risqué est que des étrangers soient contaminés à Maurice car le virus, sous sa forme Delta, circule largement dans l’île. Nous testerons les participants avant leur arrivée à Maurice, à leur arrivée au congrès, au lendemain de leur arrivée et au retour dans leur pays.  Nous espérons en outre promouvoir la coopération médicale active entre les îles de l'océan Indien et d'ailleurs, c'est Vellayoudom Marimoutou, le secrétaire général de la Commission de l’Océan Indien, qui en assurera l'ouverture. Nous espérons aussi que beaucoup de médecins mauriciens pourront y assister car le congrès apporte jusqu'à 14 points en termes de Continuing Professional Development (CPD), témoignant ainsi de sa qualité scientifique.

Ce congrès verra aussi le lancement de la société de chirurgie vasculaire et endovasculaire de l’océan Indien (SCVE OI). N’y a-t-il pas risque de doublon avec l’association que vous avez fondée ?

Non, car les deux n'ont pas du tout les mêmes rôles. La société de chirurgie vasculaire et endovasculaire de l'OI a pour but de  faciliter la formation de nos chirurgiens sur la zone, avec des échanges sur les cas compliqués, tout en développant la recherche clinique régionale et finalement proposer et communiquer au grand public ou avec les autorités sanitaires de notre région. L'association qui porte le congrès est beaucoup plus dans l'interdisciplinarité alors que la SCVE OI se veut hyper spécialisée.