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David Constantin filme la poésie épongeant l’huile du «Wakashio»
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David Constantin filme la poésie épongeant l’huile du «Wakashio»

Six mois après le «Wakashio», c’est à coup de slam et de poésie qu’un pêcheur, une femmeplaisancier, une femme et mère de pêcheur, une étudiante se relèvent du naufrage de leurs vies. Le réalisateur David Constantin a filmé ces moments précieux où la douleur devient art. Le documentaire d’une heure, Grat lamer pintir lesiel, sera mis en ligne aujourd’hui.
Douze hommes – et femmes – en colère. Ils sont d’horizons différents. Ce qui les réunit : l’huile lourde déversée par le vraquier Wakashio qui a noyé leur quotidien, leurs espoirs, leurs projets. Si le décor de la côte sud-est a été dépollué, une gangue d’hydrocarbures pèse sur leur avenir. Pèse sur leur âme.
David Constantin a filmé ces moments précieux où au détour d’un atelier de slam et de poésie, ces gens que l’on dit ordinaires, ont vécu quelque chose d’extraordinaire. Entre larmes et colère, le documentaire Grat lamer pintir lesiel fait venir de l’eau salée aux yeux. Le film sera mis en ligne aujourd’hui, faute de pouvoir organiser des séances, pandémie oblige.
Parmi les personnages du film, on retrouve Dominique Veerasamy. Souvenez-vous. Le 22 août 2020, les ministres Sudheer Maudhoo et Kavi Ramano comparaissent en cour de Mahébourg. Devant le tribunal, des partisans du Mouvement socialiste militant (MSM) brandissent des banderoles. Tout à coup, une voix de femme hurle sa douleur. Là, en pleine rue. Elle est femme de pêcheur et mère de pêcheur. Le confinement ajouté à la marée noire ont tarit la source de revenus de la famille. Pour ce cri du coeur, Dominique Veerasamy sera convoquée par le Central Investigation Division avant que la police ne change d’avis
La revoici à l’écran. Présentée – innocemment – dans sa cuisine, aux côtés de sa fille Jenyma, comme étant sans emploi. Mais la braise couve toujours. Elle explosera dans le slam que Dominique Veerasamy écrira au bout d’un mois d’atelier. Elle nous noue le ventre quand Jenyma dit qu’après le Wakashio, quand ses rêves de jeune fille se sont brisés, que ses parents se sont retrouvés en détresse financière, elle a eu le sentiment qu’elle ne valait plus rien. Le principe du film : les 12 se retrouvent le week-end pour des ateliers résidentiels. Pendant un mois. Le temps que la confiance s’installe. Que s’ouvrent les vannes du désespoir. «Ces ateliers, c’était pour qu’ils fassent quelque chose de positif du drame», explique David Constantin. Pour ces personnes qui ne s’étaient à priori jamais frottées au slam, l’exercice s’est transformé en exutoire. «On a beaucoup parlé de la marée noire, on leur a proposé des alternatives de reconversion, mais personne ne les avaient écoutés», constate le réalisateur.
«Au détour d’un atelier de slam, ces gens que l'ont dit ordinaires ont vécu quelque chose d’extraordinaire.»
Ces ateliers se sont déroulés six mois après le naufrage. La caméra de David Constantin ne suit pas seulement des temps forts des ateliers. Il va plus loin. Rentre dans l’intime, va dans la cuisine, le jardin, regarde la lessive à la rivière de ses personnages. Le réalisateur ne se veut pas que spectateur, mais aussi témoin. De son film, David Constantin précise : «C’est plus sur le drame humain plutôt que sur le Wakashio dont a parlé en long et en large.»
Comment a démarré ce projet ? David Constantin rappelle qu’au moment du naufrage, nos frontières étaient fermées. «J’ai filmé pour l’Agence France-Presse, comme elle ne pouvait pas envoyer de caméraman à Maurice.» Progressivement, l’œil du réalisateur s’éloigne du «simple» reportage, pour zoomer sur lestourments d’une humanité doublement chamboulée.
On fait la connaissance du papa de Virjinie Orange, ce «dirigeant de la famille», touché jusqu’aux larmes par le message de sa fille : «kas enn poz». Une fille, dont le métier est d’être plaisancier, qui ne mâche pas ses mots. «On a vécu le Covid sans rien demander. Arrive le moment où ça y est, on n’a plus d’économies, c’est là que l’humiliation a commencé. It was begging. We were begging to get Rs 10 000». Il est aussi des douleurs qui sont d’autant plus vives qu’elles se cachent avec pudeur. Dans le film, arrive le moment où Virjinie quitte conversation avec un, «Je peux plus.» Pari réussi. La caméra a capté l’effet cathartique de ces ateliers.
«Grat lamer pintir lesiel» budget
<p>À Grat lamer pintir lesiel Rs 1,2 MILLION de la Mauritius Commercial Bank. Le bénéficie du soutien budget du documentaire tourne autour de «Rs 1,2 million», indique David Constantin. «Cela a été une belle relation de mécénat. À l’échelle locale, c’est toute de même une belle somme qui comprenait aussi l’hébergement, le transport des personnes qui ont participé aux ateliers de slam.»</p>
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