Publicité

Brown vs ADSU: la police outsider du match qui commence ce matin

3 novembre 2021, 10:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Brown vs ADSU: la police outsider du match qui commence ce matin

L’ADSU avait beaucoup de raisons de soupçonner que John Vivien Brant, alias John Brown, s’adonnait au trafic de stupéfiants. Mais elle se retrouve, aujourd’hui, soupçonnée d’avoir planté de la drogue chez le suspect, et au seuil du box des accusés. La version de la brigade anti-drogue ne colle pas avec les images CCTV et John Brown veut que l’accusation contre lui soit rayée. «Trop tôt», argue le Directeur des poursuites publiques (DPP). Brown vs ADSU, c’est un match où l’accusé part favori, mais… 

C’est une affaire de drogue vraiment pas comme les autres. Les choses sérieuses vont commencer aujourd’hui, en cour de district de Rivière-du-Rempart. John Brant Vivien, alias John Brown, avait été arrêté le 29 avril 2020 avec – officiellement – près de 35 grammes d’héroïne et de la drogue synthétique, le tout dans un sac en plastique qu’il tenait à la main, et évalué à plus de Rs 1,3 million. Sauf que, peu après, l’accusé a produit un enregistrement CCTV qui a complètement bouleversé l’enquête. Les images montrant son arrestation attestent que l’accusé n’avait aucun sac à la main quand les policiers l’ont arrêté. 

Face à cette tournure inattendue des événements, le DPP n’avait même pas objecté à la conditionnelle remise en liberté de l’accusé. Ce que les avocats de ce dernier avaient considéré comme une petite victoire. Voulant poursuivre sur la même dynamique, les avocats ont multiplié les démarches, soit des dépositions à l’Independent Police Complaints Commission (IPCC) ou encore des dépositions au Central Criminal Investigation Department (CCID) qui est d’ailleurs en train d’enquêter sur cette opération litigieuse de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU). Mais ils ont aussi, et surtout, demandé à la cour la radiation de l’accusation provisoire de trafic de drogue, soit l’arrêt de toutes les procédures contre un homme qui a été officiellement pris la main dans le sac, au sens propre et au sens figuré. 

Répercussions 

Au-delà de l’humiliation pour l’ADSU, cette éventualité pourrait aussi avoir des répercussions juridiques extrêmes pour l’équipe qui a monté cette opération, avec ces questions qui surviendraient : si ce n’est pas la drogue de Brown, cela voudrait-il dire que l’ADSU avait monté l’opération avec une certaine quantité de drogue ? À qui appartient-elle ? L’ADSU possède-t-elle, en toute impunité, des stupéfiants ? 

Mais, heureusement pour l’ADSU, on n’en est pas encore là. Il faut encore débattre de l’admissibilité de l’enregistrement CCTV comme argument de défense de John Brown. C’est ce qui est précisément à l’agenda aujourd’hui en cour de district. Lors de la dernière audience, en juillet, Me Rouben Mooroongapillay, avocat de John Brown, avait signifié son intention d’appeler deux témoins, soit un représentant de l’IPCC et le frère de John Brown, le propriétaire du DVR (le support physique sur lequel les enregistrements sont sauvegardés) ayant enregistré les images de l’arrestation. Me Anusha Rawoah, la représentante du DPP, avait objecté en avançant plusieurs arguments notamment celui-là : «Ce n’est qu’une motion et la défense tente d’y introduire le fond de l’affaire.» Ensuite Me Anusha Rowoah a argué que cette motion ne peut pas faire le procès de l’ADSU. «Cette cour ne peut pas, à ce stade, prendre position sur la provenance des pièces à conviction.» 

Mais dans sa réponse, Me Mooroongapillay avait fait ressortir que la cour doit s’assurer qu’un citoyen ne subisse pas de préjudices. «Ceci n’est pas une affaire comme les autres. Les soupçons contre l’ADSU sont réels. Et ces soupçons sont liés à l’innocence de mon client qui fait injustement face à une accusation de trafic de drogue. La question centrale de cette motion pour rayer l’accusation provisoire c’est : est-ce que la drogue a été plantée chez mon client ? J’irai plus loin en arguant qu’on peut même se demander si les officiers de l’ADSU ne devraient pas être inculpés !» Aujourd’hui donc les débats tourneront autour de l’admissibilité de ces deux témoins et, par extension, la vidéo elle-même, à ce stade du procès. 

Parallèlement , Me Rouben Mooroongapillay avait écrit au DPP au sujet de cette affaire «exceptionnelle» pour tenter le convaincre de se plier à la motion de la radiation des charges. Le DPP a répondu qu’il ne prendrait une décision qu’après que l’enquête ait été complétée. Or, Me Moonroogapillay risque bien d’arguer que son client ne peut plus participer à une enquête de l’ADSU quand celle-ci est elle-même soupçonnée d’avoir planté de la drogue chez lui. D’ailleurs, il a écrit au commissaire de police pour lui formuler deux requêtes. La première que l’enquête (actuellement à l’ADSU) change de main car l’ADSU finira par enquêter sur elle-même, et la seconde pour que le DVR quitte les locaux de l’ADSU. Ce DVR a d’ailleurs déjà été examiné par le Police Constable Gungadar, qui a déjà soumis un rapport – ainsi que le DVR lui-même – à l’ADSU. 

Le rapport du policier peut-il inverser la tendance désastreuse pour l’ADSU ? Rien n’est moins sûr. Et pour remuer le couteau dans la plaie, le commissaire de police a récemment ordonné la mutation de l’inspecteur Sevanandee et du sergent Greedharry, les deux hommes qui ont monté l’opération du 29 avril 2020 ayant conduit à l’arrestation de Brown. Aux Casernes centrales, beaucoup pensent qu’il s’agit d’un transfert punitif après la débâcle Brown. 

La débâcle ne sera confirmée qu’au moment où John Brown obtiendra la radiation de l’accusation provisoire de trafic de drogue qui pèse sur lui. Si, pour une fois, c’est la défense qui part favorite dans cette joute légale, l’ADSU n’a sans doute pas dit son dernier mot. Elle peut bien avoir plus d’un tour dans son sac.