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Covid-19: les failles du suivi des patients en auto-isolement

30 octobre 2021, 22:00

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Covid-19: les failles du suivi des patients en auto-isolement

Au minimum quatre personnes sont décédées en auto-isolement, dont au moins trois des suites directes du Covid-19. La «Domiciliary Monitoring Unit» est décriée, des voix d’élèvent et des enquêtes sont ouvertes. Pendant ce temps, le protocole reste inchangé…

Le 26 octobre, le décès de Devendra Ramanah, âgé de 66 ans, est annoncé. Il ne faut pas longtemps pour que les hommages pleuvent. Devendra Ramanah est un recteur qui a fait ses preuves dans plusieurs collèges, du Queen Elizabeth College en passant par Dr Maurice Curé State College et Gaëtan Raynal State College. Mais peu à peu, les hommages se transforment en critiques à l’encontre du ministère de la Santé, après que ses proches révèlent les conditions dans lesquelles il est décédé.

La «Quarantine Act» bafouée par les autorités

Devendra Ramanah souffrait d’asthme. Lorsqu’il a commencé à tousser,il s’est rendu à l’hôpital Dr A.G. Jeetoo et a été testé positif. C’est là que les incohérences débutent. Le ministre de la Santé, lors des conférences de presse hebdomadaires, annonce le nombre de patients admis à l’ENT. Parmi ceux-ci figurent toujours des patients qui sont simplement sous observation car leur âge et leurs comorbidités peuvent entraîner des complications. Sauf que selon le frère du sexagénaire, la victime souffrait d’asthme depuis son enfance. «Il a été renvoyé à la maison pour s’auto-isoler», s’insurge-t-il. Il est catégorique: son frère a été envoyé à la maison pour mourir à petit feu et appeler à l’aide lorsque la mort était proche. «S’ils s’étaient occupés de lui à l’hôpital, il serait toujours en vie.» D’autant plus que l’asthme est considéré comme un des facteurs aggravants de l’infection.

Où est le problème ? Tout d’abord, les critères établis par le gouvernement pour l’auto-isolement et détaillés dans la Consolidated Version des Regulations sous la Quarantine Act n’ont pas été respectés. Selon la loi en vigueur, une personne peut s’auto-isoler si elle est âgée de moins de 65 ans et ne souffre pas de maladies chroniques. Devendra Ramanah ne tombait donc pas sous cette catégorie. De plus, il doit recevoir la visite des médecins de la Domiciliary Monitoring Unit (DMU). Mais cette unité fait de plus en plus face aux critiques, surtout pour son absence sur le terrain.

Le protocole dépassé par le Delta

La DMU compte actuellement 32 médecins. Le plan du ministère était d’avoir 60 médecins dans cette unité, mais finalement, le recrutement s’est avéré plus compliqué que prévu. Ces médecins, rattachés aux cinq hôpitaux régionaux, ont pour mission de veiller à l’état des patients en auto-isolement. Sauf qu’au 21 octobre, le nombre de personnes en auto-isolement était de 14 591. Comment est-ce que 32 médecins gèrent un si grand nombre de patients ? Aucune réponse du ministère de la Santé, à part qu’une enquête a été ouverte en interne pour faire la lumière sur les cas de deux personnes décédées en auto-isolement. De plus, des réunions régulières ont lieu avec ces médecins, qui ont aussi un support staff, pour peaufiner leur mode de fonctionnement.

L’autre problème qui se pose est l’apparition du variant Delta à Maurice. De plus, alors que la semaine dernière, le pays avait enregistré 408 cas détectés grâce aux tests PCR, cette semaine, le nombre est passé à 613. Quant aux admissions à l’ENT, elles sont passées de 31 à 36.

Le protocole en place a été bâti sur le fort taux de vaccination. Avec plus de 70 % de la population totale complètement vaccinée, le protocole en place tenait lorsque le «variant mauricien» B 1.1.318 circulait. Mais, depuis septembre, le variant Delta l’a remplacé. Etant plus contagieux, il touche une plus grande partie de la population, même une partie des vaccinés et les jeunes. Ce qui explique le grand nombre de contaminations.

Selon les chiffres donnés au Parlement, le pays a recensé en moyenne 500 cas à travers les tests rapides pour les 24 premiers jours d’octobre. La plupart sont asymptomatiques car la vaccination fait son effet. Cependant, le ministre a précisé que les tests rapides ne donnent aucun détail sur la transmissibilité du patient, ni sur sa charge virale. Cela pose problème non seulement pour les non-vaccinés, mais aussi pour les vaccinés avec un système immunitaire plus faible ou avec des comorbidités chroniques, d’autant qu’une grande partie de la population mauricienne souffre de troubles cardiaques ou d’hypertension artérielle.

Cependant, le protocole ne change pas. «Le protocole, c’est la vaccination et les gestes barrières. C’est cela qui nous protègera», a martelé le ministre hier. Cela ne convainc pas tout le monde. «Tous les pays ont revu leur protocole avec le Delta. Cela ne veut pas dire confinement ou fermeture des frontières, il suffit simplement de faire face à la réalité», explique un employé du domaine de la santé. Selon lui, malgré les assurances données, la situation va dégénérer à un moment. «On affirme qu’il y a des places à l’ENT et dans les hôpitaux, mais si on envoie des patients nécessitant une admission à la maison, forcément les hôpitaux resteront vides», soupire-t-il. Il est impératif, dit-il, d’avoir les chiffres réels du nombre de cas, symptomatiques et d’asymptomatiques qui développent des symptômes.

Selon un autre expert médical, le protocole idéal serait une DMU plus étoffée et le monitoring du niveau d’oxygène permanent des personnes symptomatiques en auto-isolement. «Et, encore une fois, créer une liste prioritaire de personnes nécessitant une troisième dose de vaccin, comme cela se fait ailleurs. Avec le Delta, il faut prendre toutes les précautions.»

Un autre manquement au protocole souvent pointé du doigt est le manque de traitement pour les infections. Dans la plupart des cas, ce sont les symptômes qui sont traités, et ce n’est que récemment que les autorités ont lancé les appels d’offres pour les médicaments pour soigner les patients infectés.

Lors de la conférence de presse du National Communication Committe hier, le Dr Kailesh Jagutpal a confirmé que le Tocilizumab est utilisé et prescrit par les médecins à Maurice, sans toutefois préciser si c’est pour le traitement des patients atteints de la forme grave du Covid-19 ou pour l’arthrite… Pour l’instant, si les commandes concernent les cas critiques, rien n’a encore été annoncé pour empêcher l’état des patients de se détériorer.