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Éradiquer la pauvreté: le combat de Leena et Tara

17 octobre 2021, 21:00

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Éradiquer la pauvreté: le combat de Leena et Tara

Mariée pendant sept ans, Leena en a vu de toutes les couleurs après sa séparation. Enlisée dans la misère, elle se retrouvait parfois sans nourriture, ni vêtements pour ses quatre enfants. Mais elle a tout fait pour s’en sortir. Tout comme Tara, 30 ans, qui se bat pour sa survie et celle de ses trois enfants. Quel est l’état de la pauvreté à Maurice en 2021 ? Comment s’en sort-on ? Explications à l’occasion de la Journée mondiale de l’éradication de ce fléau en ce 17 octobre.

«Dans ma vie, j’ai fait face à de grandes difficultés. Pour le moment, je ne travaille pas mais j’ai appris à me remettre sur pied. Pour moi, mais surtout pour mes enfants. Je ne veux pas qu’ils vivent cette misère», confie Leena, 38 ans. Cette habitante de Ste-Croix, mariée à 18 ans à Rodrigues, est la maman de quatre enfants, deux filles et deux garçons, âgés de 22 ans, 20 ans, 18 ans et 16 ans respectivement. L’aînée s’est mariée tandis que l’un des fils cadets travaille. La benjamine recherche actuellement un cours de formation.

Faire grandir ses petits et surtout arriver à joindre les deux bouts a toujours été un parcours du combattant pour Leena. Ayant fait la connaissance de son mari à 16 ans alors qu’elle travaillait dans une fabrique de montres, elle l’épouse deux ans plus tard. Leur union durera sept ans. Hélas, à la suite de problèmes familiaux, le couple se sépare. Leena rentre à Maurice avec ses quatre petits. «Cela me faisait mal pour mes enfants comme j’avais moi-même vécu la séparation de mes parents. Quand je regardais mes petits, j’étais tellement triste et je ne voulais pas qu’ils vivent une telle épreuve. Je devenais à la fois leur papa et leur maman.» Elle est alors abritée par son père mais elle doit se débrouiller pour tout le reste. Aucun proche pour la soutenir. «C’était le chaos. J’étais vraiment seule. J’ai commencé à travailler mais on ne m’a pas payée. Il y a des moments où vraiment je n’avais rien pour nourrir mes enfants et encore moins pour les vêtir. Il fallait aller en chercher chez Caritas. Si on n’avait rien sous la main le matin, je faisais du mieux possible pour trouver quelque chose pour eux jusqu’au soir», explique-t-elle.

Le cœur lourd, Leena fait tout pour que ces enfants ne ressentent pas la douleur de la précarité. «C’était une grande souffrance que je vivais surtout sans le moindre soutien familial mais il était hors de question que mes petits y soient confrontés», déclare-t-elle. Pendant deux ans, elle brave cette pauvreté avec courage et décuple les efforts pour s’en sortir avec des associations comme Nou Nouvo Baz. Leena a refait sa vie avec son conjoint de 42 ans, qui est maçon. Et, avec l’aide de son fils qui travaille, elle arrive à voir la lumière au bout du tunnel. «Si j’ai réussi à me remettre debout, c’est grâce à l’encadrement des associations. Elles m’ont appris comment faire un budget, ma ration, gérer mon argent, etc.», déclare-t-elle.

Comme elle, Tara, 30 ans, a aussi retrouvé l’espoir. Cette habitante de Pailles, maman de trois enfants âgés de 10, 7 et 2 ans, vient de décrocher un emploi dans la restauration. «Cela fait un mois que j’ai pu trouver un emploi. J’arrive à me remettre sur pied. Mon conjoint aussi essaie de décrocher un travail mais il n’a pas d’argent pour le transport pour s’y rendre. Mo bizin trase pou nou fami kapav viv», confie-t-elle. Vivant dans une maison qui a brûlé et qui est inondée en temps de pluie, elle a été largement affectée depuis les deux confinements. Privée de nourriture pour ses enfants, elle a trouvé un soutien auprès de l’association M-Kids.

Nawsheen Chummun, Executive Assistant de cette organisation, constate que bon nombre de Mauriciens s’enlisent davantage dans la pauvreté aujourd’hui. «Beaucoup de chefs de famille travaillent le matin pour se nourrir le soir. Avant la pandémie, ils vivaient déjà dans la précarité, mais après les confinements et la contamination du virus, leur situation a empiré.» Elle affirme que plusieurs d’entre eux ont perdu leur emploi. À l’exemple des marchands ambulants qui n’arrivent pas à acheter leurs marchandises dont les prix ont flambé ou ceux employés d’entreprises qui ont fermé. Elle craint qu’environ la moitié des familles touchées par ce fléau ne parviennent pas à s’en sortir. Pourquoi ? «Cela est lié à l’emploi. Par exemple, si quelqu’un est maçon aujourd’hui, il ne sait pas s’il aura toujours du travail demain. Le background familial vient aussi entraver cette capacité à en finir avec la pauvreté.»

Un avis partagé par Solange Potou, responsable du programme de réinsertion de l’Abri de nuit de Port-Louis. Elle observe un appauvrissement des démunis, amplifié par la pandémie et les catastrophes naturelles, comme les intempéries. Cela dit, certaines familles sont résilientes et rebondissent. Des petites associations de proximité leur prêtent notamment main-forte, indique-t-elle. «La population mauricienne est toujours débrouillarde mais il faut lui donner des possibilités. Par exemple, si on donne une canne à pêche à l’individu, on lui montre comment l’utiliser pour qu’il continue à avancer. Il en va de même pour les enfants qui doivent être accompagnés selon leurs capacités. C’est le soutien qui fait la différence», déclare-t-elle.