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Produits locaux et flambée des prix: Ça sent le poisson (salé)

19 septembre 2021, 19:00

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Produits locaux et flambée des prix: Ça sent le poisson (salé)

Thon, saumon, petits pois, conserves, poisson, poulet, grains secs, pour ne citer qu’eux. Les prix de certains produits fabriqués localement ont flambé, eux aussi. Alors que pour les denrées importées, on avance le montant du fret ou du taux de change de la roupie face au dollar pour expliquer les hausses, qu’en est-il des aliments qui n’ont pas à «voyager» ?

«Les fins de mois sont vraiment plus durs. Même les prix des articles de base comme les grains secs empaquetés à Maurice ont doublé. Notre budget est frappé de plein fouet», confie Cindy, 43 ans, maman de deux enfants. Hélas, constate-t-elle, divers produits fabriqués localement sont plus chers désormais. «Dans la majorité des cas, un article local, coûtant Rs 50 le mois dernier, passe à Rs 55 ou Rs 60 quatre semaines plus tard. Comment faire sa ‘ration’ dans ces circonstances ?», se demande-t-elle.

Une situation qui la met davantage sous pression puisqu’elle vient de se retrouver au chômage après que son patron, malade, a dû se rendre à l’étranger. Ancienne employée de maison, elle a du mal à subsister. Car si les prix doublent, tel n’est pas le cas pour ses revenus.

 

«Je n’ai aucun doute que cette majoration va continuer si les produits importés continuent à prendre l’ascenseur, ce qui nous fait lancer un avis aux autorités concernées.»

 

Cindy n’est pas la seule à en faire les frais. D’autres ménagères, à l’instar de Vimala, 50 ans, effectuent le même constat. «Les commerces affichent des promotions mais en réalité, je ne vois aucune baisse de prix pratiquée. Pour une boîte de thon local, on paie au minimum Rs 35. Mais souvent, les tarifs sont plus élevés», poursuit cette habitante de Bambous. Mère d’un fils de 23 ans, elle est dépitée par les augmentations en cascade. Hema, une autre consommatrice de 45 ans, affirme avoir l’impression que «tout ce qu’on achète a subi une augmentation». «Ce n’est pas évident même si les produits locaux y passent», avoue-t-elle.

Kiran, un père de famille, reste perplexe face à la hausse des prix des grains secs cuisinés et les biscuits ache- tés pour sa fille handicapée. «Comme les prix des produits importés ont grimpé en flèche ces derniers temps, on s’était replié sur les versions locales. Mais ça ne sert à rien. On paie tout aussi cher. Sap dan karay tom dan difé», déplore-t-il.

Un avis partagé par le président de la Plateforme Ti Travailleur Malheureux, Stéphane Maurymoothoo, dont l’entourage évoque la majoration des prix des pâtes locales. «Regardez même les aliments locaux comme le dholl puri. La paire est à Rs 15 presque partout. Même si la farine dispose de marques locales, nous n’avons pas de cultures de blé pour en fabriquer ici.

D’ailleurs, pour la plupart des articles produits localement, les prix varient sans restriction», déclare-t-il. D’ailleurs, le secrétaire général de la Consumers’ Eye Association (CEA), Claude Canabady, confirme la hausse des prix des produits locaux en général. «J’ai fait ma propre enquête et j’ai consulté quelques membres de la CEA pour leurs observations. Ces derniers confirment l’augmentation de divers produits. Je ne vois pas de raisons plausibles pour justifier ces majorations. Comme je dis toujours, ce sont toujours les consommateurs qui paient les pots cassés. Puisqu’on parle de pots, les condiments préparés localement subissent une hausse», affirme-t-il. Qu’est-ce qui justifie ces prix majorés pour des articles manufacturés à 100 % dans l’île ? Probablement, les raisons invoquées par les producteurs seront que les prix de certains ingrédients ou légumes sont en hausse ou que le coût de la production a augmenté, répond-il. Claude Canabady affirme que ces explications ne tiennent pas la route. «Je vois la situation un peu comme profitable et sans justification. On pense peut-être que les consommateurs ne vont pas remarquer ce changement de prix vu la hausse générale actuelle», ajoute-t-il. Or, plusieurs ont bel et bien noté ces majorations de produits locaux.

Selon le secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), Jayen Chellum, les œufs, l’huile et le poulet local ont tous connu des hausses de prix. Idem pour les pâtisseries et sirops. «Dans ce dernier cas, la taxe sur le sucre a causé la flambée des prix de ces articles produits localement», indique-t-il. L’appréciation des devises étrangères sème aussi le trouble dans la production locale.

Qu’en est-il justement du côté des fabricants mauriciens ? D’après l’un d’eux, le concept du 100 % fabriqué localement ne s’applique pas à une diversité de produits. Car la majorité des intrants ou ingrédients, qui les composent, proviennent de l’étranger. «Par exemple, l’huile comestible est importée mais elle est raffinée à Maurice. Le poisson salé est importé de la Nouvelle-Zélande en version congelée. Les aliments pour nourrir les poulets proviennent d’Argentine. Les produits d’entretien et de nettoyage aussi affichent des prix plus élevés comme les fabricants subissent les majorations du fret et la dépréciation de la roupie», explique-t-il. Évoquant ces facteurs, le managing director de Food Canners Ltd, Jacques Li Wan Po, souligne que «la majorité des matières premières pour les produits fabriqués localement sont importées de la Thaïlande, de l’Afrique du Sud, de la Chine, entre autres». «L’ensemble des producteurs mauriciens doivent s’approvisionner à l’étranger. En revanche, le coût de la main-d’œuvre est local.»

Cette tendance à la hausse risque-t-elle de perdurer ? «Je n’ai aucun doute que cette majoration va continuer si les produits importés continuent à prendre l’ascenseur, ce qui nous fait lancer un avis aux autorités concernées», précise Claude Canabady. Quant à Jayen Chellum, il appelle à surveiller plusieurs éléments liés à la consommation. «Est-ce que l’État pourra soutenir les augmentations du fret ou poursuivra-t-il avec la libéralisation totale des prix ? Nous devons suivre ces prochaines situations de près et voir si les autorités vont finalement s’aligner sur le contrôle de certains prix», ajoute-t-il.