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Muriel Yvon: militer pour l’acceptation de la «non-différence» en amour

28 août 2021, 17:30

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Muriel Yvon: militer pour l’acceptation de la «non-différence» en amour

Muriel Yvon n’a que 36 ans mais il est clair, lorsque l’on examine son parcours, que c’est une jeune femme qui vit intensément, tant sa vie professionnelle que personnelle. Elle est l’aînée de deux enfants. Patrick, son père, est un ancien journaliste à la retraite et Eileen, sa mère, est enseignante au collège du St Esprit. Elle s’entend très bien avec sa soeur Karen, de cinq ans sa cadette. 

Cette Quatre-Bornaise a fréquenté la Baichoo Madhoo Government School avant d’intégrer le collège de Lorette de Quatre-Bornes. Et quand le moment était arrivé de faire un choix de filière d’études supérieures, elle a opté pour la communication et l’évènementiel en France. «La France était un choix évident. C’est un pays dont je me sens proche culturellement et artistiquement. J’ai aussi de la famille qui y vit.» C’est à l’université de Montpellier qu’elle a été admise et où elle a obtenu un diplôme d’études universitaires généralisées en médiation culturelle et communication et une licence en arts du spectacle avec spécialisation dans la gestion d’évènements. Pendant les cinq ans passés à Montpellier, Muriel Yvon a arrondi ses fins de mois en effectuant de petits boulots. 

Si elle a choisi de regagner Maurice à la fin de ses études en 2007, c’est parce que l’évènementiel y avait pris de l’essor et qu’elle voulait travailler dans son île natale. Et puis, sa famille et ses amis lui manquaient, sans compter les plages et la nature qu’elle aime tant.

Si au départ, elle trouve de l’emploi dans son domaine – après un stage à la Barclays Bank en tant qu’Events & Project Assistant, elle est recrutée comme Events Executive pour Events Mauritius Ltd et ensuite comme Events Coordinator au sein d’une entreprise française -, elle bascule vers le marketing, devenant Marketing Executive pour le magazine People avant d’aller tâter à l’enseignement au sein de l’établissement où sa mère travaille, animant des classes aussi bien dans le mainstream que dans le département Pré-vocationnel. Enseigner, ditelle, est un métier difficile mais «formidable et très enrichissant». 

Au bout de six ans, Muriel Yvon change encore son fusil d’épaule, étant employée cette fois comme Office and Community Manager pour The Ground Collaborative Space du groupe IBL. «Cette expérience m’a ensuite amenée à devenir la Centre Manager du Cascavelle Shopping Mall et ce, pendant trois ans.» Aujourd’hui, elle est Project Manager au sein de l’organisation non gouvernementale We-Recycle. «C’est un nouveau défi !» Être jeune, c’est être adaptable. «C’est vrai, je suis quelqu’une de très polyvalente et j’adore apprendre de nouvelles choses.»

Malgré toutes ses responsabilités professionnelles, il y a des causes très fortes qui lui tiennent à coeur et pour lesquelles elle s’engage et se donne à fond. «Être Project Manager à We-Recycle est certes mon emploi mais c’est aussi un engagement au niveau de la préservation de l’environnement». 

L’autre cause très importante pour elle, c’est la sensibilisation pour mener à l’acceptation de la différence, d’où son engagement auprès du CAEC où elle a occupé les fonctions de secrétaire, de vice-présidente et aujourd’hui de présidente. «Il est important de sensibiliser pour faire comprendre et accepter la non-différence en amour.» Muriel Yvon précise que ce n’est pas un poste «mais un engagement volontaire de chaque membre du conseil d’administration.»

Elle reconnaît que depuis sa création le 17 mai 2005, le CAEC s’est démené pour favoriser l’inclusion et l’acceptation sociale vis-à-vis du mouvement LGBTQIA+ et que depuis, le collectif a fait du chemin. Mais elle sait aussi que son mandat d’un an ne sera pas de tout repos car il y a encore énormément de défis qui se posent pour les personnes LGBTQIA+. «Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les personnes LGBTQIA+ à Maurice sont encore victimes de discrimination, de préjugés, de violence. Leurs besoins de protection restent souvent insatisfaits. Il subsiste un grave manque de connaissances concernant les besoins et les vulnérabilités spécifiques des personnes LGBTQIA+ dans notre pays. C’est une panoplie de défis à relever, n’est-ce pas ? Mais qu’importe, nous continuerons à cheminer pour faire état de la ‘non-différence’ en amour.» 

Grâce au soutien de l’Union européenne, le CAEC a pu mener à bien différentes activités destinées à renforcer l’inclusion et l’acceptation sociale des personnes LGBTQIA+ à Maurice et à Rodrigues, notamment des formations très pointues pour les personnes susceptibles d’être confrontées, un jour ou l’autre, aux personnes LGBTQIA+ comme les policiers, le personnel hospitalier, les créateurs de contenus, pour ne citer que ceuxlà. Et comme parmi les LGBTQIA+, les personnes transgenres sont les plus visibles et donc plus facilement sujettes à la discrimination, le CAEC a récemment animé une formation avec les représentants du personnel hospitalier mauricien, qui sont appelés à travailler avec les personnes transgenres, surtout par rapport à la thérapie hormonale. «Ce genre d’activités de sensibilisation et d’information avec des professionnels continuera tout au long de l’accompagnement dont nous bénéficions avec l’Union européenne.»

Si le CAEC n’a pas organisé sa Marche des Fiertés cette année, explique-t-elle, c’est en raison de la situation sanitaire. «Dès que nous aurons l’autorisation des autorités et si la situation sanitaire nous le permet, nous organiserons, comme chaque année, notre marche.» 

Le Covid-19 et ses confinements successifs ont empêché le monde de tourner en rond. Mais ils ont compliqué davantage la situation pour une partie de la communauté LGBTQIA+. «Lors des confinements, le bureau du CAEC était fermé et nous avons reçu des appels de détresse de membres de la communauté, qui avaient besoin d’aide, parce qu’être confiné 24 heures sur 24 avec des parents, qui ne sont pas forcément tolérants envers votre orientation sexuelle, n’arrange pas forcément les choses. L’état de stress dans ces familles, est déjà palpable hors confinement. Pendant le confinement, le stress était à son comble et le seuil de tolérance entre chaque membre de la famille était fortement compromis, engendrant discussions houleuses, bagarres, insultes et parfois même, une mise à la porte de ces jeunes de leurs propres maisons. Le CAEC a essayé au mieux de répondre présent et d’accompagner ces personnes en situation délicate pendant cette période plus difficile que les autres.» 

La nouvelle présidente du CAEC a du mal à dire si la population mauricienne est devenue plus tolérante ou au contraire, moins dans l’acceptation. «Il est difficile de mesurer exactement la tolérance de chaque Mauricien, sauf si nous allons arpenter toutes les rues, les ruelles et chaque maison à Maurice. Mais si l’on se fie à la réaction des gens sur les réseaux sociaux après l’incident à Port-Louis en 2018, nous avons eu un soutien énorme des internautes. Cela donne une indication que les Mauriciens soutiennent la cause et se sentent concernés. Après tout, la communauté LGBTQIA+ n’est-elle pas une communauté d’humains, qui veulent juste avoir le droit d’aimer avant tout ?»