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Activités économiques: l’exode des expatriés s’accentue

24 août 2021, 14:00

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Activités économiques: l’exode des expatriés s’accentue

Ils ont quitté leur pays natal pour travailler ou investir à Maurice depuis des années. Mais bon nombre de ces expatriés rebroussent chemin actuellement. Dans l’Ouest de l’île notamment, plusieurs d’entre eux ont déjà vendu tous leurs biens et plié bagage pour se réinstaller chez eux ou ailleurs. «Définitivement, il y a eu un exode des expatriés récemment. Pourtant deux ans plus tôt, on assistait à une affluence de Sud-Africains qui étaient arrivés sur place. Mais par la suite, beaucoup sont repartis», constate Hema Marie, Real Estate Consultant de Seeff Properties, agence immobilière. «Beaucoup ont quitté Maurice vers la fin de 2020 tandis que d’autres sont actuellement en partance.»

D’après Hema Marie, après les Sud-Africains suivent des Français. De plus, soutient-elle, plusieurs postes d’expatriés n’ont pas été renouvelés, ce qui conduit inéluctablement aux départs. Une opératrice en contact avec les expatriés ainsi qu’une représentante d’une autre agence immobilière soulignent que les Italiens et les Britanniques, installés à Maurice avec permis d’occupation ou d’investissement, désertent également l’île.

Pourquoi les expatriés quittentils Maurice ? «Avec le Covid-19, les petits ‘‘businessmen’’ sud-africains ne pouvaient plus tenir le coup et sont donc repartis. Par contre, les plus fortunés qui utilisaient Maurice comme leur ‘‘tax-base’’, sont, eux, rentrés suivant le positionnement de Maurice sur la liste financière», déclare Hema Marie. Selon l’autre agence immobilière, plusieurs expatriés ont perdu leur emploi, provoquant «pas mal de départs» de Sud-africains et de Français après le confinement de 2021, notamment à Rivière-Noire, Tamarin et autres localités de l’ouest particulièrement. La South African Chamber of Commerce évoque des raisons liées aux motivations pour s’installer ou quitter Maurice. «Certains Sud-Africains arrivent selon les termes d’un contrat tandis que d’autres viennent pour l’éducation de leurs enfants. Tout dépend de cette évolution», constate-t-il.

De son côté, Julien Falieu, fondateur et directeur du site Expat.com, confirme qu’il n’y a plus d’arrivées d’expatriés dans l’île. «Par exemple, certains étrangers n’ont pu rentrer à Maurice depuis deux ans avec le virus qui induit encore plus d’incertitude. Parallèlement, il y avait des jeunes qui venaient travailler ici, des stagiaires, des bénévoles entre autres, qui ont été les premiers à partir», indique-til. D’après lui, le manque de visibilité dont Maurice est tributaire face au Covid-19 joue contre l’île. «Comment se passera la réouverture des frontières ? Va-t-on être de nouveau confiné ? Les enfants pourront-ils repartir à l’école ? On ne sait vraiment pas comment cela se passera dans les mois à venir», ajoute-t-il.

Sur le plan éducatif justement, il précise que beaucoup d’enfants d’expatriés n’ont pu se rendre dans les établissements scolaires privés depuis mars dernier. Ce qui devient très difficile à gérer pour les parents. Par conséquent, l’opératrice confirme que parents comme étudiants ont alors choisi d’interrompre la scolarité et de rentrer définitivement.

L’investissement étranger est également en berne, poursuit-il. Aussi, les étrangers sont repartis soit dans leur pays d’origine soit ailleurs. Hema Marie va plus loin, précisant que les expatriés les plus aisés et éduqués bifurquent sur l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou le Portugal pour poursuivre leurs affaires. Hélas, cet exode est lourd de conséquences pour Maurice.

Selon Bhavish Jugurnath, économiste et expert-comptable, plusieurs d’entre eux sont toujours enregistrés à Maurice mais ont transféré leurs activités bancaires dans une autre juridiction, comme au Rwanda, un de nos compétiteurs directs. «S’ils ont Rs 1 million, ils ont transféré Rs 700 000 ailleurs. Bien que les Rs 300 000 restent à Maurice, ces investisseurs restent inactifs. Ils sont actuellement dans un ‘‘wait and see mode’’», déclare-t-il.

Bien que l’on ne puisse quantifier avec exactitude ces départs, ce dernier estime que 70 % d’expatriés exerçant dans le secteur tertiaire ont quitté Maurice. À titre d’exemple, dans le secteur financier, environ 30 % à 35 % des contributions économiques proviennent des firmes internationales ayant des antennes à Maurice. Selon lui, un bon nombre d’expatriés travaillent au sein de ces branches locales. Sur une «working population» d’environ 450 000, 3 % à 4 % est constitué d’expatriés dans le secteur tertiaire, avance l’économiste. Le plus fort ratio qui y est employé est composé de Sud-Africains, Français, Indiens et Européens de l’Est respectivement.

Malheureusement, le confinement, la fermeture des frontières ici et ailleurs, la migration vers le télétravail, jouent à notre détriment. «Ces derniers ont préféré rentrer dans leur pays face aux incertitudes du Covid-19 et le temps que la situation s’assainisse. De plus, certaines entreprises ont souffert au niveau de leurs activités économiques et clients. Rester à Maurice implique des paiements d’allocations pour le loyer entre autres aux expatriés, ce qui ajoute aux coûts», affirme-t-il.

La reconfiguration du mode de travail et les facteurs susmentionnés affectent aussi bien l’investissement direct qu’indirect (comme le loyer, la consommation et autres dépenses) déclare-t-il. Ces deux investissements contribuent de 8 % à 10 % à notre produit intérieur brut (PIB). Combien perdra-t-on avec l’exode des expatriés? L’économiste évalue les pertes à une fourchette de 2 % à 3 % de notre PIB.

Peut-on renverser la situation ? Les agences immobilières fondent leurs espoirs sur la reprise d’ici les prochains mois avec les demandes de nouveaux expatriés et la réouverture des frontières. «Bien sûr, le doute plane toujours à cause des cas positifs de Covid-19. On ne sait pas combien de temps cela durera ni si les futurs expatriés viendront pour rester», confie Bhavish Jugurnath. Nous avons essayé d’avoir une déclaration de l’Economic Development Board. Une réponse est attendue