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Malbouffe: Ce mal qui nous ronge

18 juillet 2021, 22:33

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Malbouffe: Ce mal qui nous ronge

Le 21 juillet ce sera la Journée mondiale de la malbouffe. Un phénomène à l’origine de 11 millions de décès par an. Malgré l’absence de chiffres précis à Maurice, cette pratique entraîne des risques de maladies cardiaques, de cancer, entre autres. Mais toute malbouffe est-elle forcément nocive ? Existe-t-il des versions cachées dans notre assiette et d’autres plus saines ? Trop manger à sa faim conduitil inévitablement à la fin ? Explications.

Fast-foods, plats trop riches, gras, salés ou sucrés: la malbouffe gagne du terrain. Face au rythme effréné des ménages et des impératifs professionnels, celle-ci s’insère davantage dans nos habitudes. Mais le trop nuit. Bilan : un décès sur cinq dans le monde, soit 11 millions de décès annuels, indiquent les médias étrangers. Parallèlement, 10 millions de décès relèvent de maladies cardiaques développées au terme d’une mauvaise alimentation, 339 000 mortalités provoquées par le diabète de type 2 et 913 000 autres liées au cancer causées par l’obésité des patients.

La situation locale est-elle tout aussi alarmante ? Hélas, les maladies résultant de la sur- consommation de malbouffe sont légion. «Les burgers, avec les excès de mayonnaise et de frites, sont hypercaloriques. Alors que le taux de graisse à consommer par jour est fixé à 10 %, les Mauriciens le dépassent largement avec 35 % à 40 % », constate Claude Canabady, secrétaire général de la Consumers’ Eye Association (CEA). Nos concitoyens se livrent à tous ces excès. «Les enfants se gavent de ces aliments trop riches devant la télévision, l’ordinateur ou le téléphone intelligent et ne font plus d’exercice. Avant, ils jouaient à l’extérieur…» Claude Canabady cite ici une étude datant de juillet 2012 sur des enfants de 9 à 10 ans. Chez les garçons, la prévalence de l’obésité était de 15,8 % et de 18,9 % pour les filles. «Je crains une détérioration de cette situation vu le nombre grandissant de fast-foods et les habitudes des jeunes de manger n’importe où et n’importe quand.»

À long terme, ce type d’alimentation entraîne des répercussions graves, dont le surpoids et l’obésité, le diabète, l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, la maladie du foie gras et même quelques types de cancer comme celui du côlon, explique Lavanya Sunassy-Pather, diététicienne. D’ailleurs, la recrudescence des maladies graves et chroniques parlent d’ellesmêmes, renchérit Claude Canabady. «Maurice avait 22 % de la population âgée entre 20 et 79 ans souffrant de diabète en 2019, évidement, il doit y avoir eu une augmentation depuis. À considérer d’autres facteurs comme l’hypertension, un taux élevé du cholestérol et d’obésité, le pourcentage doit inévitablement grimper encore plus. Ce serait bon de savoir quels programmes sont ou seront préconisés et établis pour renverser cette tendance par les autorités de santé», affirme-t-il.

Un récent rapport de Global Nutrition évoque de faibles progressions quant aux objectifs d’équilibre alimentaire au niveau des maladies non-transmissibles. Hormis un guide prônant un régime équilibré pour réduire l’incidence des maladies nontransmissibles et un plan d’action national pour la nutrition publié en 2009-2010, l’absence de stratégies concrètes contre les conséquences de la malbouffe est décriée par le Dr. Ishaq Jowahir, vice-président de l’Association des médecins privés. Tout comme le manque d’études ciblées sur la malbouffe.

 Malbouffe vs bonne bouffe

Comment se distingue la malbouffe de la «bonne bouffe» ? Selon Lavanya Sunassy-Pather, la malbouffe «junk food» en anglais), est une alimentation pauvre en qualité nutritionnelle, ce qui est potentiellement dangereux pour la santé étant donné sa contenance élevée en sucres rapides, en sel, en calories vides ainsi qu’en graisses saturées. Elle est également pauvre en nutriments essentiels pour le bon fonctionnement du corps humain comme les protéines, les vitamines, minéraux, antioxydants et fibres alimentaires. Inversement, la bonne bouffe se réfère à une alimentation saine et équilibrée contenant divers groupes d’aliments en quantité et qualité nécessaires, notamment les protéines maigres, les légumes, les fruits, les produits laitiers et les fibres alimentaires.

Pourquoi une telle ampleur ? Pour la diététicienne, la malbouffe et la sédentarité sont prédominants à Maurice. «Notre pays n’est pas épargné par les effets néfastes qu’engendrent l’industrialisation à outrance et la mondialisation. D’une part, les gens travaillent beaucoup et recherchent la facilité. On ne prend plus le temps de cuisiner comme auparavant. La restauration rapide est donc devenue la solution idéale.» Aussi, nombreux sont les petits et les grands qui sont friands de fast-foods. Malheureusement, enchaîne-t-elle, les produits alimentaires disponibles sur le marché sont ultratransformés ou reconstitués. À titre d’exemple, les boissons gazeuses, chips en sachets, biscuits sucrés et autres aliments regorgeant de colorants, conservateurs, rehausseurs de goût, entre autres additifs, dont la consommation grimpe en flèche.Derrière les nuggets, saucisses, soupes en poudre, certaines céréales pour enfants, les gâteaux industriels, confiseries, sauces en bouteille, vinaigrettes, surimi (bâtonnets de crabe), frites en sachet et certains plats surgelés prêt-àmanger, se cachent aussi des formes de malbouffe

Mais nos plats fétiches et typiquement mauriciens comme les dholl puris, les gâteaux et mines frits, entre autres, sontils forcément nocifs ? Lavanya Sunassy-Pather appelle à la distinction entre le junk food et un dholl puri ou briani fait maison. «Tout roti, mine frit, briani, mine bouillie n’est pas forcément néfaste pour la santé, si consommé en modération. Par exemple, un dholl puri préparé à la maison avec des quantités d’huile et de sel contrôlé, accompagné de gros pois, de légumes et d’une rougaille de tomates, n’est pas mauvais pour l’organisme», soutient-il. Il en va de même pour un briani maison au poulet ou à la viande, agrémenté de salades et de chatini de pommes d’amour. D’ailleurs, le Dr. Ishaq Jowahir souligne qu’on peut consommer de la malbouffe une ou deux fois par semaine, à condition de brûler ces calories avec une séance sportive quotidienne de 30 minutes. En revanche, ajoute la diététicienne, la préparation commerciale de ces mêmes plats mauriciens, avec de grandes quantités de graisse, de sel, de glutamate de sodium (ajinomoto) et une réutilisation d’huile à plusieurs reprises, nuira aux Mauriciens. À l’exemple des fameux gâteaux frits qui nagent dans l’huile. Ce qui induit une concentration acides gras trans. Bonjour alors les dégâts sur le cœur. Mais la quantité consommée pèse également lourd sur notre santé. Selon nos interlocuteurs, en consommer tous les jours augmente les risques de répercussions graves au fil du temps.

Que faire ?

Claude Canabady déplore le manque de contrôle des autorités sanitaires ainsi qu’au niveau des conditions de préparations loin d’être toujours salubres. «Comme les Mauriciens passent un minimum de temps pour se restaurer, étant au travail, la restauration rapide s’est davantage popularisée. Dans les écoles, collèges et lieux de travail, il n’y a presque plus de cantines. Très peu est fait pour renverser la vapeur. Les sandwich-bars trouvent très peu de clients car le prix n’est pas toujours attrayant. Un pain et quelques gâteaux piments, ajoutés à un verre d’alouda et le tour est joué. Le prix est abordable, on mange vite et on trouve le temps de faire d’autres choses pendant sa pause déjeuner.» Comment éviter que la malbouffe ne fasse encore plus de résistance ? Pour le Dr. Ishaq Jowahir, une vraie stratégie nationale est requise. «Avec des plans d’action antérieurs, l’intention semblait bonne mais dans la pratique, rien ne se concrétise. Il faut vraiment commencer dès le plus jeune âge avec un curriculum plus sérieux et continuer au primaire comme au secondaire», insiste-t-il. Un avis partagé par Lavanya Sunassy-Pather, en faveur d’une éducation aux changements de l’industrie alimentaire et à manger correctement au plus tôt. Par exemple, en lisant les étiquettes et listes d’ingrédients lors des courses, identifier ceux néfastes pour la santé, retourner vers les aliments sains et naturels, fuir la consommation excessive de sucre, sel et matières grasses saturées. «Et si possible, on peut planter légumes, fruits et fines herbes chez soi», suggère-telle. Évidemment, on ne peut faire l’impasse sur la prise de conscience d’un mode de vie alliant alimentation équilibrée, pratique sportive et l’amélioration du sommeil.

S’inquiétant du fait que toutes générations confondues consomment davantage de malbouffe à la maison, Claude Canabady s’aligne sur la réintroduction du«Domestic science» comme matière pédagogique et l’instauration de sandwich-bars à des prix abordables. «Pour les cantines scolaires, il faut établir un menu décidé avec les élèves sous supervision d’une diététicienne. Celle-ci oeuvrera à finaliser des plats plus nourrissants et équilibrés», avance-t-il. Et comme mentionné par le Dr. Ishaq Jowahir, il est impératif que le ministère de la Santé produise un rapport sur l’état de santé actuel de la population et amorce un programme visant à restaurer l’équilibre. «Les autorités doivent mieux consulter et informer la population sur les actualités du jour. Cela aidera à une meilleure compréhension», conclut-il.