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Naufrage du Wakashio: Nos hélicoptères ont du plomb dans l’aile

18 juillet 2021, 21:50

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Naufrage du Wakashio: Nos hélicoptères ont du plomb dans l’aile

Pourquoi les hélicoptères de la police ne sont-ils pas intervenus dès le jour où le «MV Wakashio» s’est échoué ? Comment fonctionne le «Police Helicopter Squadron» ? C’est ce que les membres de la cour d’investigation ont essayé de comprendre, jeudi.

La cour d’investigation sur le MV Wakashio s’est intéressée de près, jeudi, aux hélicoptères de la police basés à l’aéroport. Des explications étaient attendues sur leur utilisation le 25 juillet 2020, lors de l’échouement du vraquier japonais ainsi qu’après le naufrage.

Au cours de l’audition, Takeshwar Singh Bobeechurn, surintendant et pilote d’hélicoptère depuis plus de 25 ans avec plus de 4 000 heures de vol, a fourni de longues explications.L’on apprend ainsi que le Police Helicopter Squadron (PHS) a une flotte composée de quatre Chetak, un Fennec et un Dhruv. Seul le Dhruv, hélicoptère phare de la police, et le Fennec sont capables de voler la nuit. Si le Dhruv, avec ses tons rouges et bleus est différent du Fennec gris uniquement par sa taille, le premier pouvant accueillir 14 passagers et le second quatre, en sus du pilote et du copilote. Le Chetak, qui d’habitude survole nos têtes avec ses tons vert militaire, contient cinq places.

L’équipe du PHS est composée de huit pilotes mauriciens expérimentés et de deux officiers de l’armée de l’air indienne, affirme le surintendant Bobeechurn. Tous ces pilotes peuvent voler le Chetak alors que seuls trois Mauriciens sont aptes à piloter le Fennec. Ceux de l’Indian Air Force (IAF) sont formés pour piloter le Chetak et le Dhruv. En 2020, un seul pilote était formé pour manœuvrer le Dhruv, hélicoptère construit par Hindustan Aeronautics Ltd (HAL), qui a rejoint la flotte du PHS en 2009. «Aujourd’hui, deux pilotes sont formés pour faire voler le Dhruv.»

Cependant, l’audition a permis de com- prendre que le Chetak, par exemple, a des limites. Selon l’International Civil Aviation Authority (ICAO), c’est un monomoteur, qui peut survoler un rayon de 10 milles nautiques depuis le littoral. Si le Fennec peut couvrir la mer sur un rayon de 50 milles nautiques, le Dhruv va jusqu’à 90 milles nautiques. Chaque appareil a un poids total. Pour le Chetak, il est de 2,2 tonnes incluant l’appareil, le carburant et le pilote. Quant au Fennec et au Dhruv, leur poids est de 3,6 tonnes et 5,5 tonnes, respectivement.

Restrictions de vol

Qui a dit qu’un hélicoptère peut se poser n’importe où ? Takeshwar Singh Bobeechurn explique que l’hélicoptère doit se po- ser sur un terrain plat comme un terrain de foot. «Peut-il se poser sur une pente ?» demande le panel, composé du président, l’ex-juge Abdurafeek Hamuth et de ses assesseurs, Jean Mario Geneviève, Marine Engineer, et de Johnny Lam Kai Leung, Marine Surveyor. «Cela dépend de la pente. La pente maximale doit être de 10 degrés et la pente latérale de 8 degrés.»Les restrictions concernent également le vent au décollage, qui doit varier entre 40 et 60 nœuds. La vitesse maximale en vol est de 120 nœuds. Le Chetak peut voler à une vitesse de 110 nœuds. Si le Fennec et le Chetak peuvent se poser sur une surface de 25m x 25 m, elle est de 35m x 35 m pour le Dhruv.

Si le MV Wakashio s’est encastré sur les récifs de Pointe-d’Esny le 25 juillet 2020, ce n’est que trois jours après, soit le 28 juillet, que le Chetak s’est posé sur l’helipad du vraquier, avec deux personnels médicaux. Où étaient donc le Fennec et le Dhruv ? L’on apprend que le Fennec n’était pas en état de marche à ce moment-là à cause d’un composant du pilotage automatique, qui aide à diminuer la tension sur les pales du rotor et qui avait été envoyé en France et ensuite aux États-Unis pour être réparé. Ce n’est qu’en mai que le Fennec est retourné dans la flotte du PHS. Le Dhruv était, lui, cloué au sol du 2 juin au 8 août 2020 à cause de pièces de rechange indisponibles. Son actionneur était expiré. Sur instructions du fabricant, l’hélicoptère ne peut pas voler sans cela. À cause de la pandémie de Covid-19 et les restrictions sanitaires, la pièce de rechange est restée bloquée en France et a donc pris du retard.

Face au pire désastre écologique où environ 800 tonnes d’hydrocarbures se sont déversées dans le lagon de Pointe-d’Esny et face à l’immobilisation du Dhruv pour réparations, Corail Hélicoptères Maurice est venue, le 7 août, prêter main-forte aux autorités locales,. L’hélicoptère de la compagnie réunionnaise a enchaîné les allers-retours pour transporter des tonnes de fioul qui se trouvaient encore à bord. Son équipe de pilotes, techniciens et agents au sol locaux a été épaulée par des confrères de La Réunion venus les rejoindre, indique un communiqué émis le 25 août 2020. Grâce à l’héliportage, ses appareils de dernière génération ont pu facilement transporter jusqu’à 1,1 tonne de fioul.

Le lendemain, le Dhruv a pu reprendre du service et participer aux opérations de transport des IBCs (cubitainers) de 1m30 remplis d’hydrocarbures jusqu’au 22 octobre. Si le Chetak peut transporter jusqu’à 300 kg, pour le Dhruv, le poids varie de 500 kg à 800 kg, selon sa capacité de fioul à bord. «Mais normalement nous transportions des cubitainers d’environ 450 kg, c’est-à-dire, moitié remplis.» Il effectuait six à sept allers-retours par heure et les hélicoptères transportaient 15 cubitainers en moyenne par jour. L’opération ne durait pas 24 heures car l’exercice dépendait des cubitainers remplis disponibles sur le vraquier. Entre les voyages, il fallait refaire le plein, vérifier l’appareil et ensuite recommencer l’opération. «Un technicien vérifie l’hélicoptère dans son ensemble après chaque trajet. Après avoir posé l’appareil, le pilote doit s’assurer qu’il n’y ait pas de fuite. À chaque décollage, il fallait faire cette inspection», explique le surintendant Bobeechurn.

Il explique également qu’avant les opérations, les pilotes devaient effectuer des trial runs avant de se poser sur le pont. «Ils doivent évaluer une quelconque obstruction pour ne pas mettre en danger l’appareil. Pour un atterrissage en toute sécurité.» Dans une situation d’urgence, le temps de réactivité est de 15 minutes, ajoute-t-il, alors que la nuit, il est de deux heures. La raison ? Les pilotes ne sont pas physiquement présents à la base de l’aéroport mais restent en attente, selon leur disponibilité. Les conclusions du rapport sur le MV Wakashio mentionneront-elles le PHS et sa flotte d’hélicoptères ? Pour le moment, la cour entend toujours des témoins qui continuent à défiler.