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Vient de paraître: Florian Grosset dessine les «stratégies malsaines pour vider l’archipel Chagos»

15 juillet 2021, 22:00

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Vient de paraître: Florian Grosset dessine les «stratégies malsaines pour vider l’archipel Chagos»

The Chagos Betrayal. Ce roman graphique signé Florian Grosset vient de paraître chez Myriad Editions, une maison d’édition britannique. «Je suis contente que Myriad ait gardé le sous-titre qui dérange mais qui est trop vrai, “How Britain robbed an island and made its people disappear”», se réjouit l’auteur.

Voilà comment ce qui a commencé comme un travail d’étudiante en Mastère est devenu le premier ouvrage publié de Florian Grosset, notre compatriote graphic designer en Angleterre. Ce roman graphique – à ne pas confondre avec une bande dessinée – lui a ouvert les portes du English PEN Literary Salon, au London Book Fair, le 30 juin. Ce jour-là, elle a participé à une table ronde avec Philip Sands, avocat en droit humain international et membre du panel légal de l’Etat mauricien dans le dossier Chagos. Il a notamment représenté Maurice à la cour internationale de justice à La Haye.

Être invitée à prendre la parole au London Book Fair était une «surprise» pour Florian Grosset. Mais surtout une «grande opportunité pour parler de la cause des Chagossiens à un nouveau public. J’ai surtout parlé du drame humain, en soulignant ce que n’arrêtent pas de dire Olivier Bancoult et Sabrina Jean, que les Chagossiens doivent avoir le droit de rentrer chez eux».

Pourquoi Florian Gros- set a-t-elle choisi ce sujet ? «À chaque projet universitaire je me suis tournée vers des sujets qui me tiennent à cœur.» Pour le projet final du Bachelor in Visual Arts and Communication (Graphic Design), elle avait monté une campagne de sensibilisation à la cruauté envers les animaux. Avec une partie axée sur les problèmes des éléphants dans les cirques et une autre sur les produits de beauté qui sont «inutilement testés» sur les animaux.

Servir une cause

Même processus pour le Mastère en Children’s Book and Graphic Novels. «Je veux que mon art soit au service d’une cause.» Florian Grosset témoigne. Comme beaucoup de Mauriciens, elle a vu la misère des déracinés. «Enfant, je ne comprenais pas beaucoup leur situation, mais je me souviens qu’ils étaient traités différemment. On les appelait les zilwa. Quand j’avais posé la question, c’est quoi zilwa, on m’a dit, “zot sorti dan zil”. Cela m’avait rendue perplexe. Dans ma tête d’enfant je me disais que nous aussi “nou viv dan enn zil”.»

Un flot de souvenirs remontent à la surface. L’image de Chagossiens qui travaillaient à «l’usine que possédait la famille Wong You Cheong, le mari de ma tante». Florian Grosset a en mémoire une «communauté tellement pauvre. Elle n’avait pas l’eau courante dans les taudis où elle vivait à Débarcadère, Pointe-aux-Sables. Pendant que moi je jouais avec mes cousins, je voyais des enfants du même âge faire la queue à la petite fontaine et porter des seaux d’eau sur la tête. Ces images-là, je les ai dessinées dans le livre».

Pour autant, la trame narrative s’en tient aux faits. «J’ai préféré laisser le lecteur décider du regard qu’il veut porter sur ce pan de l’histoire. Ce n’était pas facile, émotionnellement, de garder le cap.» Surtout après des «recherches approfondies» sur les stratégies, «les unes plus malsaines que les autres», des Anglais pour vider l’archipel des Chagos de ses habitants et les empêcher d’y avoir accès par la suite. La force de l’ouvrage, selon l’auteure, ce sont les illustrations. «A picture is worth a thousand words.» Florian Grosset l’affirme : «C’est l’histoire bouleversante des Chagossiens qui porte mon livre et non l’inverse.»

La critique lui a donné raison. Le professeur Benjamin Zephaniah, auteur et poète britannique d’origine jamaïcaine, a écrit, à propos de l’ouvrage : “It is impossible to explore this book and not feel the injustice, and then feel that justice must be done.”

Kama La M,ackerel, la poésie de «ZOM-FAM» disponible à Maurice

Kama La Mackerel est artiste transgenre. Installé à Montréal, l’artiste pluridisciplinaire est originaire de Maurice. Son recueil de poésie ZOM-FAM publié par Metonymy Press en 2020 est désormais disponible chez nous. Dans la foulée, l’artiste a remporté le prix Joseph-S.-Stauffer en arts visuels du Conseil des arts du Canada. Ce prix, d’une valeur de 5 000 dollars, est remis à des artistes canadien-nes émergent-es et à mi-carrière en arts visuels, en littérature et en musique. Kama La Mackerel est aussi finaliste du prix Dayne Ogilvie du «Writers’ Trust of Canada» pour son recueil de poèmes ZOM-FAM. Ce prix annuel est décerné à un-e écrivain-e canadien-ne de la communauté LGBTQ2S+ qui «démontre un grand potentiel en début de carrière à travers un corpus littéraire exceptionnel».

ZOM-FAM raconte, par le biais de longs poèmes lyriques, la «traversée personnelle et mythique d’un-e enfant zom-fam qui grandit sur l’île des plantations de canne dans les années 1980 et 1990. À la recherche de vocabulaires pour aimer et honorer sa lignée, le-a narrateur-ice du recueil doit aussi faire face au silence colonial». En sus d’être un recueil de poésie, ZOM-FAM est aussi une performance interdisciplinaire de 90 minutes. Elle tient de la danse, du «spoken word» et des rituels. Le corps et la voix de l’artiste y sont omniprésents. Le spectacle, qui devait être présenté sur scène, n’a pu avoir lieu à cause de la pandémie. Kama La Mackerel a donc développé une série de «vidéo-poèmes» inspirés de la performance. Le projet est soutenu par la bourse Connexion création du Conseil des arts du Canada dont le but est d’aider des artistes à ré-imaginer leurs projets en créations numériques.

En outre, Kama La Mackerel a traduit de l’anglais le roman primé de Kai Cheng Thom, «Fierce Femmes and Notorious Liars» (Fèms magnifiques et dangereuses) qui paraîtra aux Éditions XYZ en octobre 2021.

Michèle Malivel à la pêche aux souvenirs

On connaît le ton enjoué, moqueur mais toujours rempli de belles choses à apprendre des conférences sur l’histoire de l’art données par Michèle Malivel. C’était dans le temps d’avant, ce temps où l’on pouvait se réunir à plus de 50, sans masque ni distanciation. Maintenant que le Covid-19 nous a imposé la distance, Michèle Malivel, qui est aussi auteure, revient nous prendre par la main. Pour nous faire plonger dans la chaleur rassurante de ses souvenirs.

«Mémoires de traverse… Échappées Littéraires» vient de paraître aux Éditions du Corsaire. On y retrouve le ton enjoué et moqueur de l’auteure. Cette façon de dire les choses sans détour, sans manquer aux élégances. Le tout saupoudré de cette bonne dose d’autodérision qui fait que l’on ne peut en vouloir à Michèle Malivel de livrer le fond de sa pensée. Ne dit-elle pas en avant-propos : «Je vois d’ici votre surprise : quelle prétention ! Seuls les gens importants écrivent leurs mémoires… Vous n’avez pas tort.» On aurait tort de se priver des images que Michèle Malivel (re)peint avec ses mots. Celle d’une vie de famille très encadrée («je n’imagine pas qu’une fois dans (leur) vie (ma grand-mère et mes tantes) soient sorties du ‘‘droit chemin’’»). Elle est enfant unique, d’un père que le reste de la famille considère comme un «tyran domestique» alors que la mère est «un des agents punisseurs». Dans la famille, il y a, «un oncle d’Église». Il y a l’«alliée indéfectible, (son) soutien constant», Lucie, «sa nénène (…). «Pour l’enfant que j’étais, Lucie était la seule qui me comprenait vraiment.»

Par petites touches, Michèle Malivel ne fait pas que se raconter, mais raconte aussi une époque, des classes sociales, un mode de vie, des mentalités. Elle prend assez de recul pour constater : «Notre génération a troqué le devoir contre le plaisir. Je ne parlerai pas de la génération suivante qui ne sait même pas que le mot “devoir” existe. Le mot ‘‘désoeuvrement’’ lui-même est tombé en désuétude.»