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Émeutes en Afrique du Sud: nos compatriotes en sursis

15 juillet 2021, 20:30

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Émeutes en Afrique du Sud: nos compatriotes en sursis

«Cela fait 40 ans que je suis en Afrique du Sud. J’ai vécu dans un pays d’apartheid, l’arrivée du nouveau gouvernement, et même les émeutes de 1999 à Maurice. Mais ce n’est rien, comparé à l’escalade de la violence ici. Je n’ai jamais vu de telles violences. Les mots manquent pour décrire ces atrocités», déclare Raj Ramrachia, homme d’affaires vivant à Westville. Depuis ces derniers jours, plusieurs régions d’Afrique du Sud, notamment à Durban et ailleurs dans le KwaZulu-Natal, dont est originaire l’ancien président Jacob Zuma, sont assiégées par des émeutiers. Les détails font froid dans le dos. Les dissidents brûlent et pillent tout sur leur passage : stations-service, centres commerciaux et de distribution, entre autres.

Rien n’est épargné. «Comparé à hier, West Street n’est plus qu’un cimetière désormais. On ne peut plus sortir de chez nous. Pour l’instant, on est à l’abri mais je m’inquiète pour mes amis dans d’autres régions», poursuit-il. En effet, dans divers quartiers, les gens n’ont plus de quoi manger comme le centre de distribution de production alimentaire a été incendié. Impossible de se procurer un pain… encore moins du lait pour un nourrisson. Sur une vidéo, Raj Ramrachia évoque le cas d’une maman contrainte de jeter son bébé d’un bâtiment en feu à des inconnus pour le sauver. Une énième illustration de ce drame humain qui sévit chaque jour. Avec son épouse et ses trois enfants, tous avocats, il prie pour que ces hostilités s’achèvent au plus vite.

© Raj Ramcharia

Kevin Teeroovengadum, installé en Afrique du Sud depuis une vingtaine d’années et exerçant dans le secteur financier, décrit une Johannesburg en pleine détresse, surtout dans les townships. «Depuis les trois derniers jours, les pillages s’amplifient et se perpétuent. À Durban, qui est le port principal, cela continue avec des centres de distribution, ce qui aura un impact sur d’autres provinces. Les policiers sont débordés et les militaires sont venus à la rescousse. La situation est vraiment compliquée», affirme-t-il.

En fait, elle est loin de s’assainir, car les décès s’accumulent. Lors des pillages et bousculades, les autorités avaient enregistré 72 morts au 13 juillet. «On n’a pas trop de détails mais il y a aussi des affrontements entre gangs. Dans certains quartiers, des gens de la société civile essaient de protéger leurs biens. Des community patrols ont lieu mais les choses dégénèrent, entraînant hélas des décès.» Il estime que les deux prochains jours seront déterminants. Soit les forces armées parviendront à sécuriser le périmètre autour de certaines régions de Johannesburg et Durban ou on aboutira à une situation catastrophique, avance-til. Il se peut aussi que le président décrète l’état d’urgence.

Georges Lenferna, un directeur du Domaine des Abeilles, spécialisé dans la production de miel, et qui vit avec sa famille à Randburg, dans la banlieue de Johannesburg, ne cache pas sa préoccupation. «Ce qui se passe autour de nous est très inquiétant. Cela va éventuellement tous nous affecter. Malheureusement, notre président est indécis et manque de courage car il aurait dû réagir immédiatement. Hélas, il semble être toujours immobilisé. On reste chez nous en espérant que ça va se calmer et que la raison retournera très bientôt», soutient-il. Toutefois, la destruction sauvage au Kwazulu-Natal, dans l’Est de l’Afrique du Sud, entraînera prochainement une famine sans précédent pour une grosse partie de la population et ailleurs. «L’île Maurice ne sera possiblement pas épargnée. Nous ne sommes malheureusement que des spectateurs regardant un volcan social en plein éruption causant des dégâts dépassant l’imagination», précise-t-il.

Une de ses amies mauriciennes, vivant à Pietermaritzburg, capitale de KwaZulu-Natal, abonde dans ce sens. «Nous sommes en plein milieu de ce chaos, aussi effroyable que l’enfer. Avant-hier, j’ai dormi au son des tirs et explosions toute la nuit. C’est tout simplement horrible. Je ne sais ce qui va suivre et je suis à court de produits essentiels. Je ne sais même pas comment nous pourrons obtenir quoi que ce soit.»

Les raisons de la colère

Qu’est-ce qui a déclenché les hostilités en Afrique du Sud ? À la base, violences et pillages s’abattent dans ce pays après l’incarcération de l’ancien président, Jacob Zuma. «Ce dernier a écopé de 15 mois de prison et avait prévenu qu’un bain de sang suivrait. Ces émeutes ont commencé par lui. Mais ce n’est pas l’unique raison», explique Raj Ramrachia. Selon lui, les émeutiers se sont aussi mobilisés car ils sont sans emploi et sans nourriture ou ils saisissent l’occasion pour faire main basse sur des objets pour leurs propres intérêts. Selon les autorités, 1 234 personnes ont été arrêtées jusqu’ici.