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Prostitution: merci aux clients indiens et bangladais…

23 mai 2021, 18:00

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Prostitution: merci aux clients indiens et bangladais…

Jeudi 20 mai, 14 heures. Alma (prénom d’emprunt), vient de laisser ses filles chez sa mère. Il est maintenant l’heure pour elle de ranger les jouets laissés par ses enfants, de se préparer quelque chose à manger et de se reposer car au coucher du soleil il sera temps d’aller «trasé». Tout en vaquant à ses occupations, cette mère célibataire d’une vingtaine d’années se confie. «Pa fasil ditou. Sa segon konfinnman-la inn boulvers mwa ankor plis. Pa pe fasil ditou pou resi gagn kas.»

Elle est travailleuse du sexe depuis cinq ans, à la suite de circonstances auxquelles elle ne s’attendait guère. C’est la première fois, dit-elle, qu’elle se retrouve dans une telle situation. Du haut de ses 1m60, elle doit tous les jours «trase ankor enn tigit plis» pour pouvoir payer ses dettes, à manger, son loyer et la liste est longue. «Apré premié konfinnman li ti difisil me ti kapav omouin gagn enn 15 000 roupi la fin di mwa, me sa segon konfinnmanla, lamwatié sa som-la pe gagné defwa.»

Comme les maisons d’hôte ont dû mettre la clé sous le paillasson jusqu’à nouvel ordre, la clientèle mauricienne a chuté. Drastiquement même, affirme-t-elle. À part «enn toule trwa zour», qui prend le risque de garer sa voiture dans un coin pour profiter de ses charmes, ils sont nombreux à ne plus vouloir s’aventurer à cause du Covid-19. «Mo pa pe dir tou, me la plipar bann klian morisien mo ti ena ti pe al dan guest house ou lotel ek mwa parski zot mary é ou akoz tabou.La, avek Covid-19, ena per. »

Construction du métro

Mais qui sont ses clients du moment ? En repassant une robe jaune moulante et après un peu d’hésitation, Alma explique que tous les soirs, c’est grâce à des Indiens ou Bangladais qu’elle arrive à rentrer avec quelques billets. «Les hommes qui viennent de la Grande péninsule ont toujours été des clients fidèles et on les voit davantage en ce moment.»

Avec la construction du métro dans les Plaines-Wilhems où elle habite et grâce à quelques business du coin, Alma a su remplir son carnet d’adresses et elle travaille même sur rendez-vous avec eux maintenant. Quelques yeux doux le matin en allant chercher son pain, des regards persistants à midi près du snack du coin et c’est bon pour une soirée de gain.

«Ces hommes seuls», qui ont laissé leur famille pour venir gagner un salaire à Maurice, ont souvent besoin «d’affection». Que ce soit sous un pont ou dans un buisson, ils ne voient aucun mal à braver les broussailles pour se faire plaisir.

Cependant, avant même de commencer, ces travailleurs étrangers préviennent ces dames de «don’t say» à quiconque qu’ils grimpent aux rideaux avec elles car ils ont une famille et un contrat «sévère». C’est d’ailleurs pour cela que nous n’avons pas pu nous entretenir avec l’un d’entre eux.

Peur d’être expulsés

«E mo pou dir e redir, mem si enan de-trwa ki ena bann lanvi inpe bizar, vu ki zot per zot deporte zot pa fer ninport ar ou. Kan pe pran pe peye », ajoute fermement Alma.

Ce que confirmera sa consœur Cindy (nom fictif), venue la rejoindre chez elle. Selon ces femmes, beaucoup de leurs clients indiens et bangladais portent un énorme traumatisme du Covid-19. Donc, les restrictions sanitaires sont prises très aux sérieux par ces clients. «Ena exiz ou met mask tou e pa koste fas a fas. Tan mieu, sa aranz nou, paski nou ousi nou per malad-la me bisin travay», ajoute Cindy.

Selon nos interlocutrices, le jour le plus favorable pour elles est d’ailleurs le dimanche. Comme la plupart des ouvriers sont en congé, elles peuvent travailler en journée et amasser un peu plus de monnaie, car elles arrivent à en approcher plusieurs.

Ce soir (jeudi) elles ont d’ailleurs toutes les deux rendez-vous avec des travailleurs étrangers pour commencer la soirée. Elles ont des clients différents mais elles se déplacent à deux. «Pli safe.» L’endroit ? Un secret, mais des roupies assurées.

Neha Thakurdas Luximon, porte-parole de Parapli Rouz : «Les précautions sanitaires font maintenant partie de nos conseils de prévention»

Tout comme plusieurs métiers, être travailleuse du sexe en pleine pandémie est dur. Comment l’association vient-elle en aide à ses membres ?

Nous aidons nos membres psychologiquement mais aussi à travers des food packs, kits de préservatifs, gels et serviettes hygiéniques que nous leur offrons.

La peur d’attraper le Covid-19 est-elle présente chez ces femmes ?

Oui, elles ont peur mais comme elles le disent elles doivent travailler. De notre côté, comme nous faisons la prévention contre les virus sexuellement transmissibles, nous le faisons aussi pour le Covid-19. Les précautions sanitaires font maintenant partie de nos conseils de prévention aux filles. Comme la distanciation physique est plutôt impossible dans leur métier, nous leur conseillons de garder leur masque et d’utiliser du gel hydroalcoolique.

Selon deux travailleuses du sexe à qui nous avons parlé mais qui ne sont pas membres de votre association, la clientèle indienne est la plus prisée en ce moment. Est-ce aussi le cas pour vos membres ?

Nous ne pouvons pas donner ces informations car elles sont confidentielles. Cependant, nous pouvons affirmer que les femmes avec qui nous sommes en contact ont leurs clients spécifiques en ce moment. Qui sont-ils ? Nous ne pouvons le dire mais nous leur conseillons de travailler sur rendez-vous pour éviter des risques.