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La-Tour-Koenig et Pointe-aux-Sables: les habitants s’essoufflent sur les usines

23 mai 2021, 17:03

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La-Tour-Koenig et Pointe-aux-Sables: les habitants s’essoufflent sur les usines

À Pointe-aux-Sables et La-Tour-Koenig, les habitants se plaignent à nouveau de la mauvaise qualité de l’air. Mardi 18 mai, à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Environnement a déclaré que des actions ont été prises contre les usines potentiellement responsables de cette situation.

Non, Gila Peeroo ne veut pas changer d’air. Tant d’années qu’elle donne de la voix contre les particules et gaz nocifs des usines de La-Tour-Koenig et Pointe-aux-Sables. Sans que cette citoyenne qui s’exprime au nom du Collectif Bien-être de Pointe-aux-Sables, ne s’enroue.

Quand on lui demande qui était là avant, les habitants ou les usines, elle a ce petit rire qui ne masque pas tout à fait une pointe d’exaspération. «Cela revient à chaque fois et c’est repris par les politiciens».

Longue série de plaintes

N’allez pas croire que la citoyenne se donne de grands airs. C’est qu’elle en a connu des péripéties dans la longue série de plaintes opposant des habitants contre leurs voisines, les usines de la zone industrielle.

Les mesures prises la semaine dernière par un habitant de La Tour-Koenig, Arvin Mootoocurpen, à l’aide d’un capteur de qualité de l’air, ont montré un taux de concentration de dioxyde d’azote supérieur à la moyenne.

Pour Gila Peeroo, «c’est le dernier épisode en date». «À chaque fois qu’on donne de la voix, il y a un «move» des autorités. Mais la pollution, elle, est constante.» Avec ironie, la citoyenne raconte : «À chaque fois qu’on crie, le ministère de l’Environnement envoie la caravane mobile faire des tests de la qualité de l’air. C’est un gros camion bien visible. Quand la caravane est là, on respire. Le reste du temps, on est en apnée.»

Gila Peeroo affirme avoir évoqué la question aux Assises de l’Environnement en décembre 2019. Et avant cela, «lors de la campagne électorale de 2019, on en a reparlé avec les candidats de tous bords».

Les années 1980

 Extrait de «l’express» du 23 mars 1984 faisant état de nouvelles résidences à La-Tour-Koenig.

Flash-back. Les parents de Gila Peeroo construisent une maison à La-Tour-Koenig en 1980. «J’avais 14 ans.» De son adolescence, elle garde des images de routes pas encore asphaltées. Le terrain où se trouve aujourd’hui la zone industrielle est alors sous culture de canne. En guise de «ti kari», les familles cueillent des brèdes aux alentours. Et «on attrapait des lièvres dans la cour sans avoir besoin d’aller les chasser». Gila Peeroo précise : «Les anciens appelaient le morcellement Rey, la colline des oiseaux, aujourd’hui on en voit moins. Pareil pour les papillons.»

Après avoir vécu ailleurs pendant sept ans, elle revient dans la région en l’an 2000. «C’est seulement l’ancienne usine de CMT qui était là avant les résidences, à La-Tour-Koenig.»

Sortent de terre par la suite, les appartements de la NHDC. «Si on savait qu’il y avait une usine potentiellement polluante, il ne fallait pas développer l’endroit.»

Gila Peeroo du Collectif Bienêtre de Pointe-aux-Sables maintient que la région est résidentielle «depuis les années 1960». Avec une expansion à partir des années 80, quand «beaucoup de familles quittent Beau-Bassin et Port-Louis pour Pointe-aux-Sables».

Zone résidentielle

En 2007, la State Land Development Company (ancêtre de Landscope Mauritius) développe une zone résidentielle dans la localité appelée Petit-Verger. L’Etat investit en parallèle dans une zone résidentielle dans la même région.

«Petit-Verger est l’un des derniers lotissements résidentiels de la région. À chaque fois on demande pourquoi les gens ont acheté des terrains à cet endroit en sachant qu’il y a une zone industrielle à côté. Mais les autorités ont donné les permis pour qu’une zone résidentielle se développe à côté d’une zone industrielle.»

L’habitante du morcellement Rey va plus loin. Elle affirme avoir consulté les EIA de diverses usines de la zone industrielle. «C’est comme un copier-coller. Ils disent tous qu’à 30 mètres à la ronde, il n’y a pas d’habitation. Mais c’est totalement faux».

À force de réclamer, au sein du Collectif, une meilleure qualité de l’air, elle s’est intéressée plus largement aux conditions de vie des habitants. «À chaque grosse pluie, il y a des inondations dans la partie basse de Pointe-aux-Sables, à Cité Débarcadère. C’est l’eau de pluie provenant de la zone industrielle, qui descend vers la cité». Encore une preuve selon elle, que cette zone aurait été conçue, «sans les aménagements adéquats».

Huit usines à combustion

<p>Il y a dans cette zone, <em>&laquo;huit usines à combustion. Elles ont soit un permis Environment Impact Assessment ou un Preliminary Environment Report valide. Quatre de ces usines doivent assurer le contrôle de leur cheminée et soumettre les résultats au ministère de l&rsquo;Environnement&raquo;</em>. Déclaration de Kavy Ramano, ministre de l&rsquo;Environnement, à l&rsquo;Assemblée nationale, mardi.</p>

<p>Il a ajouté que suivant des plaintes, des contrôles ont eu lieu le jeudi 13 mai dernier, puis lundi, 17 mai. Mais aucun polluant n&rsquo;a été détecté dans l&rsquo;air. C&rsquo;est le National Environment Laboratory qui effectue les tests. Mesurant la taille des particules dans l&rsquo;air, les taux de dioxyde de soufre, de dioxyde d&rsquo;azote et de monoxyde de carbone. Ainsi que ceux de benzène et de toluène entre autres.</p>

<p><strong>Introduction de l&rsquo;&laquo;<em>air quality index&raquo;</em></strong></p>

<p>Le députe travailliste Fabrice David a parlé de la qualité de l&rsquo;air à La-Tour-Koenig, à l&rsquo;Assemblée nationale, le 11 mai dernier. Il ne compte pas en rester là. Mardi 25 mai, il compte poser une nouvelle question au ministre de l&rsquo;Environnement sur l&rsquo;introduction de l&rsquo;&laquo;air quality index&raquo; à Maurice.</p>

<p>S&rsquo;il &laquo;prend bonne note&raquo; du suivi effectué par le ministre de l&rsquo;Environnement, il souhaite aussi obtenir plusieurs éclaircissements. Quelle est la nature des activités des huit usines mentionnées par le ministre de l&rsquo;Environnement ? Quelle est la fréquence de contrôle des cheminées d&rsquo;usines et est-ce que ces contrôles se font en conditions réelles de production ? À quelle heure et sur quelle durée ont eu lieu les contrôles du 13 et du 17 mai ?</p>

<p>Le ministère peut-il rendre publics les derniers résultats des contrôles de cheminées des usines concernées ? Combien de sites de la zone industrielle de La-Tour-Koenig sont équipés de systèmes de réduction d&rsquo;émissions dans l&rsquo;air ?</p>

<p>Signalons que Fabrice David a une formation d&rsquo;ingénieur en Environnement, ayant suivi le cursus de deux écoles d&rsquo;ingénieurs françaises. Il a aussi travaillé pendant 13 ans en France dans le domaine de la dépollution d&rsquo;air industriel. Le 13 mai, il a lancé le hashtag #LetUsBreatheMoris.</p>

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