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Portrait: Rye Joorawon, un champion plongé dans la controverse

10 mai 2021, 13:15

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Portrait: Rye Joorawon, un champion plongé dans la controverse

Personnage difficile à cerner en raison de ses écarts de conduite qui ont ruiné sa carrière, Rye Joorawon reste un visage incontournable du monde hippique. N’importe quel entraîneur qui exerce au Champ-de-Mars vous dira que Joorawon est le meilleur produit local en termes de jockeyship, si l’on exclut Karis Teetan qui explose à Hong Kong après être passé par l’école sud-africaine. Il revient sous les feux des projecteurs depuis vendredi, avec son interrogatoire par la commission anti-corruption dans le cadre de l’enquête sur les Gurroby

Depuis ses débuts comme apprenti au début des années 90’ sous la férule d’Ivan Montocchio, alors entraîneur, Rye Joorawon a connu une ascension fulgurante qui lui permet aujourd’hui d’être le recordman de victoires à Maurice en plus de 200 ans de courses au Champ-de-Mars. Ce n’est guère un hasard, c’est plutôt le talent, l’«héroïsme», le moral et le surpassement de soi. En compétition, il a tout gagné. Des titres de champion, tant comme apprenti que professionnel, parfois même parmi les plus fines cravaches internationales, et des victoires classiques (comme son association avec Parachute Man avec lequel il a remporté le Maiden et la Coupe-d’Or en 2016), Joorawon les a raflés dans un style digne d’un crack-jockey. 

Mais Joorawon, malgré son immense talent, ne fait pas toujours la une de l’actualité pour les bonnes raisons. Très tôt dans sa carrière, il se fait souvent sermonner par les commissaires et ses entraîneurs. Les premières amendes tombent, puis les suspensions. Ses fréquentations deviennent de plus en plus douteuses jusqu’au jour où le Mauritius Turf Club (MTC), malgré son titre d’apprenti champion, décide de le priver d’une participation à une Journée internationale chez les Young Stars, catégorie où monte alors un jeune Cédric Segeon. Mais à la suite de plaintes faites par quelques entraîneurs, le MTC revient sur sa décision initiale. Joorawon participe à la compétition et s’offre une victoire sensationnelle sur Brooke’s Express dans un Champ-de-Mars acquis à sa cause. 

Il devient encore et encore plus fort et commence alors à menacer sérieusement, saison après saison, le record de Jeffrey Lloyd, alors recordman de tous les temps au Champ-de-Mars. Mais à chaque dix pas en avant, il se fait toujours rattraper par ses folies et ses égarements. Résultat des courses : des suspensions inévitables. Certaines sous une des plus graves charges sous les Rules Of Racing : ne pas accorder toutes les chances à un cheval. 

Rye Joorawon a aussi la particularité d’être un jockey avec un moral d’acier exceptionnel. Il s’est toujours relevé après des coups durs et souvent, il n’aura pris qu’une poignée de journées pour reconquérir «son» public, qui finit toujours par lui pardonner. 

La seule fois où ce jockey mauricien a donné des signes de détresse, la seule fois où il a failli sombrer, c’est en 2017 et les mois qui ont suivi sa suspension relative à un test positif à la méthadone. Il a eu beau plaider non-coupable, les commissaires le sanctionnent pour neuf journées en voulant faire du cas un exemple afin d’endiguer toute ambiguïté sur l’intégrité des courses. C’est la première fois où on le sent déstabilisé. «Je n’ai aucun autre moyen de subvenir aux besoins de ma famille en dehors des courses. Je dois aussi m’occuper de mes parents car je suis leur seul fils. De plus, j’ai des emprunts à rembourser», dit-il aux commissaires. Pour prouver son innocence, il ajoute, au sujet des tests urinaires conduits sur sa personne : «Ou krwar mo ti pou vinn devan si mo ti kone mo ena sa prodwi-la dan mwa?» Peine perdue, puisque les commissaires, vu la gravité de l’affaire, le mettent horscourse pour plus de deux mois. 

À partir de là, les choses se corsent pour le cavalier mauricien. En 2018, le MTC le prive de sa licence pendant de longs mois et, dans un entretien, Joorawon dit commencer à craindre pour sa carrière. «En 20 ans, c’est la première fois que je me sens mal. Très mal. Je crains pour mon avenir, celui de mes deux enfants et de ma famille.» 

Mais, comme disait souvent un entraîneur, «Joorawon ena enn bon Die pou li.» La suite de sa carrière ? Il devient le premier jockey mauricien en 2020 à intégrer le Hall of Fame en remportant cinq courses lors d’une même journée. Mais l’homme reste le même. Avec ses qualités… mais aussi ses défauts. Une année plus tard, il est convoqué au quartier général de l’Independent Commission against Corruption…