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ONG: la guerre des dons

18 avril 2021, 22:36

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ONG: la guerre des dons

Des millions de roupies. C’est le montant que reçoivent certaines ONG, pandémie ou pas. Mais certaines seraient ‘privilégiées’, selon d’autres. Comment se fait la répartition ? Sur quels critères ? Quid des discriminations alléguées ? Tour d’horizon.

Sur Facebook, la colère de l’association M-Kids gronde. En effet, les responsables s’insurgent contre les allocations élevées de la National Social Inclusion Foundation et du Covid-19 Solidarity Fund à d’autres organisations tandis qu’eux disent en recevoir net- tement moins. Ceci soulève des questions sur l’attribution de ces financements. Qu’en font les bénéficiaires ? Pourquoi certaines demandes sont-elles rejetées ? Explications.

«On a produit un rapport détaillant les montants reçus, les ONG bénéficiaires ainsi que les nôtres qui sont moins élevés. Celui-ci a été soumis aux autorités vers la fin de 2020. Les officiers se sont dits choqués mais rien n’a été fait», déclare d’emblée Belall Maudarbux, directeur de programme chez M-Kids. Le 14 avril, le responsable de l’ONG a publié un tableau reproduisant des montants distribués à certaines associations . Ces allocations, mentionnées au Parlement le 30 mars 2021 suivant une question du député Fabrice David, totalisent Rs 238,9 millions déboursés par la National Social Inclusion Foundation (NSIF) de janvier à mars 2021 à 146 associations. Cela dit, un montant de Rs 485 millions a été approuvé par l’organisme.

L’association M-Kids, qui soutient des familles démunies, s’interroge sur les différences d’allocations remises aux ONGs par les organismes de financement.

Depuis le 10 mars 2021, date du re- confinement, Rs 20,8 millions, puisées des Rs 238,9 millions, ont été allouées à 33 ONG par la NSIF selon le Hansard de l’Assemblée nationale. D’après la Consolidated Funding Database publié par la NSIF, pour 2020, une somme de Rs 500 000 a été approuvée pour un projet de soutien éducatif pour M-Kids. Parallèlement, pour Caritas Ile Maurice, le montant approuvé est de Rs 24,1 millions pour des projets éducatifs et de développement socioéconomique, toujours selon la publication de la NSIF. Quant à l’Association pour les personnes en larmes (APPEL), mention est faite de Rs 3,2 millions pour des initiatives en développement socioéconomique. En fait, la liste comprend un total de 237 ONG bénéficiaires avec une allocation variant de Rs 100 000 à Rs 28,3 millions.

Parallèlement, certaines ont bénéficié de fonds du Covid-19 Solidarity Fund par millions pour la distribution de paniers alimentaires durant le confinement. Ces différences chiffrées font sourciller M-Kids, qui s’attelle à cette même activité en faveur des démunis depuis le confinement de 2020. «Sur trois projets, on nous en alloue un seul. Et sur celui-ci, on attribue la moitié des fonds. Face à cela, on a l’impression que les ONG sont catégorisées et que ce décaissement suit cette logique de classification. Peut-on parler de good governance ? Pourquoi certaines associations sont toujours les moindres bénéficiaires ? On a déjà attiré l’attention dessus mais cela demeure un dialogue de sourds. Que les procédures s’appliquent à tous», poursuit notre interlocuteur.

Réagissant aux publications de M-Kids sur Facebook, Menon Munien, président de la NSIF, affirme avoir eu des explications avec son responsable récemment. Il les réitèrera la semaine prochaine. Cette discorde fait germer d’autres questions portant sur la façon dont les fonds sont attribués aux ONG et l’utilisation du financement par ces dernières. Quels sont les critères pour ces allocations financières? «On ne lésine pas sur la transparence», avance-t-il. Selon lui, les critères et les fonds alloués sont publiés sur le site web.

Ainsi, précise Darma Ellaya, président d’APPEL, opérationnelle depuis 2013, toute ONG adhérant à un appel à projets pour un financement, doit être enregistrée auprès du Registrar of Associations et disposer de plusieurs années d’opération. «Il faut soumettre un projet en ligne avec les objectifs de l’organisme de financement, les axes d’intervention prioritaires, les personnes ciblées et bénéficiaires. Ensuite, un comité évalue la demande. On vérifie la viabilité du projet sur le long terme. Cela peut être approuvé ou rejeté», explique ce dernier.

Pour sa part, Patricia Félicité, secrétaire général de Caritas Ile Maurice, explique que l’ONG doit démontrer une bonne gestion, avoir ses comptes à jour et un bon rapport de l’organisme de financement si elle a précédemment bénéficié de fonds. Lorsqu’une ONG dépose son dossier, son projet doit être solide et retenu pour que le financement soit accordé, confie-t-elle. «Je ne comprends pas pourquoi Caritas est pointé du doigt dans ce contentieux sur Facebook. Nos projets sont continus depuis plusieurs décennies», indique-t-elle. À quoi servent ces fonds? Ils sont destinés à des projets nationaux comme des abris de nuit et centres d’éveil, entre autres, soutient-elle. Avec 52 équipes réparties dans l’île, l’organisation opérationnelle depuis 55 ans, chapeaute des programmes d’accompagnement, de logement, d’éducation et de formation pour les familles vulnérables.

Déboursement par étapes
Du côté d’APPEL, les projets comportent la réhabilitation des sans-abri sur un programme de 8 à 12 mois, des centres de for- mation en pâtisserie, cuisine et coiffure et du soutien aux familles défavorisées. Sous le Covid-19 Solidarity Fund, un autre projet a été approuvé en 2020 pour le réaménagement d’un bâtiment qui pourra désormais accueillir une cinquantaine de SDF. Auparavant, la capacité était de 16 personnes. Entamé depuis janvier 2021, ce nouveau projet sera finalisé dans les prochaines semaines.

Comment se fait la remise des fonds ? D’après Menon Munien, l’attribution se fait par étapes. «Cela dépend des montants alloués. Généralement, nous avons deux phases au minimum. S’il s’agit d’un montant élevé, on attribue une petite proportion. Après l’émission de rapports de l’ONG, de notre équipe de monitoring et des reçus, on poursuit avec le reste du financement.»

Y a-t-il une évaluation du progrès des projets de ces organismes qui ont obtenu le financement de l’État ? Bénéficiaires et organisme de financement répondent par l’affirmative. À la NSIF, l’équipe de monitoring est en contact régulier avec les administrateurs des ONG bénéficiaires. Darmen Ellaya mentionne notamment des site visits des projets. «Si un changement intervient dans le projet, il faut immédiatement informer les financeurs», précise-t-il. D’après Patricia Félicité, chaque financeur dispose d’un mécanisme de contrôle. «Cela figure dans tous les contrats de projets. Il y a un monitoring et une évaluation établis par le financeur. Même les fondations privées qui soutiennent un projet envoient leur délégué pour déterminer la progression des projets sociaux », affirme-t-elle. De plus, comme les associations sont enregistrées localement, les comptes sont audités en externe.

Dans quels cas les demandes de financement des ONGs peuvent-elles être rejetées? D’abord, la crédibilité des associations est passée au crible. Car selon Menon Munien, certaines d’entre elles disent pouvoir concré- tiser des projets sociaux mais en vain. «Même avec la moitié du budget alloué, celles-ci n’arrivent pas à mener à bien ces projets ou ne le font pas de la manière définie initialement. Dans ce cas, on n’alloue pas l’autre moitié des finances et on demande un remboursement de l’argent déjà déboursé», indique-t-il. Darmen Ellaya évoque certains refus à l’issue des appels à projets. «Cela m’est arrivé que mes demandes soient reje- tées. Dans ces cas, les financeurs trouvaient que ces projets n’étaient pas prioritaires. Tout dépend du champ d’activité. Par exemple, pour l’allègement de la pauvreté, si vous retirez une personne de la rue et l’encadrez à tous les niveaux, cela peut avoir plus d’impact pour sa réinsertion en société», indique-t-il.

SOLIDARITÉ COVID-19 : Rs 765 256 699 À MARS 2021

<p>Sollicité sur ce dossier, Raj Makoond, président du Covid-19 Solidarity Fund, nous a dirigés vers le dernier communiqué en date. Ainsi, au 18 mars 2021, ce fonds totalisait Rs 765 256 699. De cette somme, Rs 739 419 199 provenaient des contributeurs locaux et Rs 25 837 500, de l&rsquo;étranger. Nos donateurs sont l&rsquo;Australie, l&rsquo;Union européenne, les Nations Unies et l&rsquo;ambassade de la Libye. 183 applications ont été reçues des ONG locales. A mars 2021, une douzaine avaient été approuvées et les fonds attribués. Six autres ont été acceptées et attendent l&rsquo;allocation financière tandis que le traitement est en cours pour quatre associations. 161 demandes ne sont pas éligibles.</p>