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Décès des patients dialysés: le moral au plus bas l’angoisse à son apogée

13 avril 2021, 18:00

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Décès des patients dialysés: le moral au plus bas l’angoisse à son apogée

Le départ «subit» pour l’au-delà de certains de leurs camarades – à lundi 12 avril au matin, on dénombrait neuf décès –, la crainte d’être contaminés par le nouveau coronavirus dans une ambulance venue les récupérer pour les emmener faire leur traitement ou bien au sein même de l’hôpital de Souillac où s’effectue leur dialyse, et maintenant, d’apprendre que leur séjour en quarantaine sera prolongé, sont sources d’angoisse pour les patients dialysés, qui sont en quarantaine à l’hôtel Tamassa à Bel-Ombre.

Ils se font vraiment un sang d’encre. «Nou ti pé gard nou moral for. Népli kapav parski nou pé kalkilé nou’nn kit nou lakaz bien, nu ankor négatif. Kan nou pou al dan van, ou lopital, nou riské vinn pozitif. Parmi les personnes décédées, certaines étaient en bonne santé. De quoi sont-elles mortes ? Le saura-t-on ?» C’est ce que se demande Vivek, un des patients dialysés.

Il réclame que ses camarades et lui soient autorisés à rentrer chez eux au terme de leur quarantaine, qui devrait prendre fin vendredi prochain. «Pa pou kapav resté isi. Ena pou tant swisidé. S’il nous arrive quelque chose, que chacun assume ses responsabilités. Malheureusement, ce sont nos proches qui seront les grands perdants, et personne d’autre», déplore-t-il.

Séjour prolongé

Rappelons que depuis le 26 mars, les patients dialysés ont été placés en quarantaine, soit depuis bientôt trois semaines. Et voilà qu’après la détection d’un nouveau cas positif parmi eux, dimanche, on les a informés que leur séjour sera à nouveau prolongé.

Quid du soutien psychologique mis à leur disposition ? Il nous revient qu’une psychologue a effectué une visite, la toute première, la semaine dernière. Et les patients déplorent la manière dont la «consultation» s’est déroulée. «On aurait pu ignorer qu’elle était parmi nous. Car, elle est restée dans la cour et c’est d’ailleurs de là qu’elle a effectué ses consultations alors que nous étions à l’intérieur», raconte-t-on.

Steven, un autre patient, confie qu’il était descendu faire une petite marche lorsqu’il est tombé sur la psychologue. «Elle m’a parlé à peine deux minutes. Elle m’a demandé des généralités. Notamment, comment cela se passait en quarantaine.»

Une autre de ses camarades abonde dans le même sens. «Ce n’est pas de cette façon que doit se dérouler une consultation. Dans mon cas, j’étais à l’étage et elle se trouvait au rez-de-chaussée. Je devais hurler pour parler. Il y a des choses que l’on veut dire en privé mais vu que la consultation se faisait de cette manière, j’ai préféré dire que tout allait bien. La psychologue porte le Personal Protective Equipment (PPE). Elle aurait très bien pu venir vers nous, tout en respectant la distanciation physique. À moins que la psychologie à distance soit le tout dernier craze dans la profession», ironise-t-elle.

Elle ajoute que fort heureusement, il y a le personnel soignant, qui fait une tournée de temps à autre, rien que pour prendre des nouvelles. «On se sent un peu réconforté par cette touche humanitaire à distance», dit-elle.

D’un extrême à l’autre

Par rapport à la nourriture servie aux patients dialysés, «on est passé d’un extrême à un autre». Si au début, les principaux concernés avaient droit à du briyani et des mines frits, depuis peu, on leur sert des «manzé bwi».

«L’hôtel n’y est pour rien. On comprend que les responsables de l’établissement ne soient pas au courant de nos restrictions alimentaires. Mais tel n’est pas le cas pour les autorités. Celles-ci auraient dû, dès le départ, donner les consignes alimentaires qui s’imposent. Il est vrai qu’on ne consomme pas de sauce de soja, d’assaisonnements et de sel. Mais on ne mange pas des repas fades et sans aucun goût non plus. La nourriture a certes changé du jour au lendemain mais pas nécessairement pour notre plus grand bien», soutient-on.

Lors de la conférence de presse du National Communication Committee (NCC), son porte-parole, le Dr Zouberr Joomaye, a déclaré que «bien que le ministère de la Santé ait mis une nutritionniste à la disposition des patients à l’hôpital Souillac et à l’hôtel Tamassa qui sert de centre de quarantaine, parfois, les gens ne sont pas satisfaits du goût de la nourriture. Mais les repas proposés sont alignés avec les nécessités médicales. Peut-être que chez eux, ils mangent différemment. Il se peut qu’il y ait aussi du stress, ce qui fait qu’ils n’ont pas d’appétit.»

Leur traitement est-il en cause?

De nombreux Mauriciens, surtout les proches des patients dialysés, expriment leur colère et leurs appréhensions après ces décès. La question qui revient le plus souvent chez eux: «Et si ce n’était pas le Covid-19 mais la mauvaise gestion de leurs cas ?»

En effet, le député Ivan Collendavelloo a déjà tiré la sonnette d’alarme en exprimant à l’express ses doutes et sa colère au sujet des décès de patients sous dialyse. «D’abord je suis affligé par le nombre de décès survenu au centre de Souillac. J’ai l’impression que c’est un problème de dialyse et de gestion de dialyse. Pas une question de Covid-19 comme on en donne l’impression. Je sympathise avec toutes les familles. J’espère qu’on prendra des actions immédiates pour empêcher que d’autres décès s’ensuivent», a déclaré le leader du Muvman Liberater.

D’ailleurs, deux décès de personnes testées négatives au virus alimentent les doutes. En effet, le 29 mars, un homme est décédé d’un arrêt cardiaque dans le centre de quarantaine de Bel-Ombre et le 7 avril, un autre dialysé est décédé en quarantaine. Jusqu’ici, le NCC n’a pas communiqué la cause de sa mort. Et sa famille non plus ne sait pas jusqu’ici de quoi il est décédé…

Gestion fatale

Mais comment la gestion de ses patients peut-elle être fatale pour eux ? Quels facteurs peuvent les conduire à la mort ?

En se basant sur les différents témoignages recueillis des familles des victimes ou encore de patients dialysés en quarantaine, la Dr Minakshi Boodhun-Oaris, spécialiste en médecine interne et qui a travaillé avec des patients dialysés en Malaisie, explique que plusieurs facteurs auraient pu causer leur mort. «Il ne faut pas se concentrer seulement sur le Covid-19. Ce virus les affaiblit certes, mais d’autres facteurs peuvent aussi leur être fatals.»

Premier point à considérer est la nourriture. En effet, depuis le premier jour où les patients dialysés sont allés en quarantaine, certains sont venus de l’avant pour dire que la nourriture n’était pas du tout adaptée à leur problème d’insuffisance rénale.

Par exemple, la première semaine, selon plusieurs patients, on leur avait donné briyani, nouilles avec des sauces et du «Ajinomoto», salades de concombre ou encore bananes au petit-déjeuner, entre autres. Des aliments qui leur sont interdits. D’ailleurs, à ce propos, Ivan Collendavelloo a manifesté son irritation à la réunion du comité parlementaire la semaine d’avant.

Poison

Mais comment ces aliments peuvent les affecter ? La doctoresse Minakshi Boodhun-Oaris explique que des aliments comme la banane ou le concombre sont comme du poison pour les dialysés.

En effet, elle explique que ces aliments remplis de potassium peuvent causer de l’arythmie cardiaque chez les patients sous dialyse. Car la plupart d’entre eux, ne peuvent pas uriner pour évacuer ce potassium. «Lorsqu’un patient dialysé consomme du potassium, cela lui cause un trouble du rythme cardiaque pouvant causer un arrêt cardiaque.»

Elle ajoute que la sauce soja, les épices et l’«Ajinomoto», qui sont riches en sodium, augmentent la tension artérielle et ces patients ne peuvent pas en consommer justement à cause de ça. Car la tension artérielle élevée peut aussi causer un arrêt cardiaque ou une crise cardiaque (NdlR, crise et arrêt ne sont pas la même chose) ainsi que des attaques cérébrales, comme une hémorragie cérébrale ou un AVC ischémique.

Dérèglement des horaires

L’autre point à prendre en considération et qui aurait pu jouer un rôle dans la mort de certains patients est le dérèglement de leur horaire de dialyse. En effet, celle-ci est un protocole médical précis que le patient ne pas rater pour sa survie. Elle doit se faire à des horaires et des jours précis.

Cependant, toujours selon plusieurs patients, il y a un important dérèglement dans les horaires de dialyse. Selon des sources concordantes, plusieurs des patients décédés ces derniers jours ont rencontré ce problème. «La dialyse, c’est important de le faire précisément à l’heure indiquée ou le taux de créatinine et d’urée augmentent dans le corps, pouvant avoir des effets drastiques sur le cœur et le système neurologique. Quand l’urée augmente, le patient peut commencer à saigner à l’estomac, par exemple. Par ailleurs, l’eau s’accumule dans le corps et surtout dans les poumons. Ce qui pourrait compromettre la saturation en oxygène du corps. Il est très important dans ces cas-là de les stabiliser au plus vite avant de faire la dialyse. Ils ont besoin d’oxygène tout de suite après les symptômes d’étouffements.»

Toutefois certains révèlent que leurs proches décédés n’ont pas reçu d’oxygène tout de suite lorsqu’ils ont commencé à aller mal…

Septicémie

Quid de ceux qui sont décédés d’une septicémie ? Selon la Dr Minakshi Boodhun-Oaris : «Avec le Covid-19, le système immunitaire est plus affecté. Cela peut être la cause de décès chez les patients Covid-positifs, en raison d’une co-infection avec des insectes en milieu hospitalier, comme les organismes Gram négatif, Gram positif également.» Elle ajoute que des patients souffrant d’insuffisance rénale, probablement due au diabète, de nombreuses maladies concomitantes peuvent être présentes. «Comme la maladie cardiaque (cardiopathie ischémique) est la plus courante, les patients peuvent donc succomber à cause de cela également. »

Du côté du NCC, au point de presse d’hier, les intervenants disent travailler sur d’autres plans et protocoles pour les patients dialysés. Ils ont mentionné à plusieurs reprises que le stress et le changement de routine sont des facteurs qui auraient pu affecter les patients.

Toutefois, un flou s’ajoute au tableau. Le Dr Zouberr Joumaye a indiqué, en réponse aux questions de la presse, qu’à aucun moment les patients positifs ont eu contact avec les négatifs. Cependant, selon des patients en quarantaine et des proches des patients décédés, dans des vans qui les emmènent faire leur dialyse, du centre de quarantaine à l’hôpital de Souillac, ils ont voyagé avec des patients testés positifs par la suite. Donc Which is which ?