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Deliveroo et les défis multiples des plateformes de livraison

30 mars 2021, 11:11

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Deliveroo et les défis multiples des plateformes de livraison

Concurrence intense, pression pour améliorer les conditions de travail, perspectives réduites post-confinements... Malgré une croissance étourdissante, le modèle des plateformes de livraison comme Deliveroo fait face à des défis multiples et doit encore prouver sa rentabilité.

Deliveroo entre en Bourse mercredi à Londres à l'heure où le secteur des livraisons de repas est de plus en plus encombré, avec des poids lourds comme le néerlandais Just Eat Takeaway, les américains Doordash ou Uber Eats (filiale du groupe de covoiturage), l'indien Zomato, ...

A cela s'ajoute une constellation d'entreprises plus petites comme Swiggy, Freshly, le français Frichti, mais aussi les supermarchés ou livreurs d'épicerie comme Ocado ou Amazon Fresh, les repas en kit comme Gousto, etc.

Les perspectives de croissance sont toutefois appétissantes: d'après plusieurs études, le marché des services en ligne de livraison de repas devrait bondir de quelque 115 milliards de dollars en 2020 à 126,9 milliards en 2021 puis près de 200 milliards en 2025.

Pour autant, il y a «des limites à ce que les gens peuvent dépenser dans la nourriture et ce qu'ils peuvent manger», remarque Russ Mould, analyste d'AJ Bell, interrogé par l'AFP.

D'autant que l'environnement d'une pandémie où les multiples confinements ont forcé les consommateurs à prendre tous leurs repas chez eux va cesser avec la réouverture prochaine des restaurants, notamment au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, deux marchés clé.

Chute de demande inevitable

Pour Susannah Streeter, analyste de Hargreaves Lansdown, une chute de la demande est «inevitable». «Beaucoup de gens vont sauter sur l'opportunité de (...) déguster un repas qui a traversé 20 mètres sur le plateau d'un serveur plutôt que 2 km sur le dos d'un coursier».

D'autant que les titans de la livraison de repas, malgré leur croissance ébouriffante, continuent d'accumuler les pertes massives.

M. Mould souligne que le fait que les plateformes de livraison de repas «n'aient pas réussi à faire des bénéfices en 2020 quand tous les curseurs étaient dans le vert va probablement inquiéter les investisseurs». 

Parmi les éventuels relais de croissance, il évoque la livraison par drone, une possibilité qui pourrait les aider à gagner de l'argent, mais «cela dépendra de la réaction des régulateurs et consommateurs».

John Colley, professeur à la Warwick Business School, remarque qu'il est peu probable que les restaurants acceptent de payer de plus grosses commissions, alors que leurs marges sont déjà faibles.

Mme Streeter évoque la possibilité de vendre des repas haut de gamme et plus chers.

Mais l'un des principaux obstacles du secteur, c'est la pression pour améliorer les conditions de travail et rémunération des livreurs, particulièrement après la décision d'Uber, suite à une décision de justice, de requalifier au Royaume-Uni ses chauffeurs en travailleurs salariés et non indépendants.

Le statut de travailleur indépendant «au contrat» (les fameux «gig») est aussi contesté en Italie, en Espagne, en France... 

«Un autre défi pourrait survenir avec la Commission européenne qui examine le modèle de la gig economy», l'économie des petits boulots contrat par contrat, note Susannah Streeter. 

Elle relève que Just Eat Takeaway s'est engagé sans attendre à offrir aux travailleurs au Royaume-Uni des salaires horaires, des congés maladie payés et des contributions à un plan retraite alors que Deliveroo continue à défendre pied à pied son modèle de travailleurs indépendants, qui commence pourtant à faire fuir de gros investisseurs institutionnels.

Outre le coût d'une rémunération plus décente pour les livreurs, l'enjeu est l'abondance de cette main d'oeuvre, liée au fait que les plateformes ne sont pas tenues de les payer plus et surtout de rémunérer leurs temps d'attente entre deux livraisons.

«La plupart des services de livraison de repas recrutent plus qu'ils n'en ont besoin» pour offrir un temps d'attente minimal avec des livreurs toujours disponibles, relève John Colley.

Et «la plupart des modèles de gig economy ne survivront peut-être pas» si les temps morts entre livraisons doivent être rémunérés.