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Non-respect du serment ministériel: le Premier ministre a les pleins pouvoirs pour sanctionner un ministre

14 février 2021, 17:30

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Non-respect du serment ministériel: le Premier ministre a les pleins pouvoirs pour sanctionner un ministre

Quand un ministre prête serment, il s’engage auprès du peuple de le servir en veillant aux intérêts du pays. En cas d’acte illégal ou immoral, le chef du gouvernement peut lui demander de démissionner ou peut carrément le révoquer.

Plusieurs allégations ont été faites à l’encontre de ministres pour manquements ou malversations. Toutefois, il n’y a pas toujours de sanctions. Dans le cas de Yogida Sawmynaden, des éléments sont sortis en cour de témoignages donnés sous serment. Quand les ministres prêtent serment selon les dispositions de la Constitution, ils prononcent les mots suivants : «I will to the best of my judgment, at all times when so required, freely give my counsel and advice to the President for the good management of the public affairs of Mauritius.» Mais il n’est pas écrit dans la Constitution qu’un ministre peut être sanctionné s’il ne respecte pas son serment.

En revanche, Milan Meetarbhan, avocat et constitutionnaliste, affirme que des sanctions peuvent être prises contre des ministres. «D’abord, si un ministre a commis un acte illégal, il peut être condamné par la cour. Il y a aussi la sanction politique. Si le ministre n’est pas performant ou s’il a fait une action immorale, il peut être révoqué par le Premier ministre qui a les pleins pouvoirs», souligne-t-il.

Aveu de taille

Dans le cas de Yogida Sawmynaden, il affirme que la déclaration de Soodesh Callichurn est un aveu de taille. «Quand un ministre vient dire qu’il va mettre de l’ordre à la State Trading Corporation dès ce lundi avec le consentement du Premier ministre, cela veut dire que l’ancien ministre a fauté. D’habitude, c’est un nouveau gouvernement qui fait ce genre de déclaration. Pourquoi donc n’a-t-il pas été sanctionné bien avant ?» se demande-t-il.

Pour sa part, l’ancien président de la République Kailash Purryag confirme qu’il incombe au Premier ministre de sanctionner un ministre qui n’est pas à la hauteur ou qui ne respecte pas le serment fait. «Un président de la République ne fait qu’appliquer la demande du chef du gouvernement pour révoquer un ministre. Le chef de l’État ne peut prendre sur lui-même pour le révoquer», précise-t-il.

D’ailleurs, Kailash Purryag fait ressortir que c’est pour cela qu’il y a des remaniements ministériels dans beaucoup de gouvernements dans le monde. «Il faut cette culture de remaniement à Mauricecar quand un ministre croit qu’il restera en poste pendant cinq ans, il y a beaucoup de laissez-aller», insiste-t-il.

Évaluation constant

Milan Meetarbhan va plus loin. Il cite l’exemple de Singapour où la performance des ministres est constamment évaluée. L’ancien ministre de l’Éducation Armoogum Parsuramen maintient qu’il faudrait un code de conduite que les ministres devront respecter. «Un serment, c’est un engagement envers la nation. Pour tout manquement, un Premier ministre doit agir immédiatement. Prenons le cas d’Ivan Collendavelloo. Il a été révoqué à cause du résumé d’un rapport que personne n’a vu. Raj Dayal a été révoqué le même jour. Pour Yogida Sawmynaden, le PM n’a pas voulu prendre de sanctions, mais à la fin, il a été obligé. Vous savez qu’en Angleterre et au Japon, des ministres ont dû démissionner pour être arrivés en retard ? Ce serment que font les ministres est une promesse faite à la nation en évoquant Dieu. Donc, s’il pense pouvoir travailler dans leur propre intérêt avant celui de la population, c’est déjà un manquement», rappelle-t-il.

Affaire Kistnen: Yogida Sawmynaden en «congé politique» avec des privilèges de député

Terme choisi judicieusement ou lapsus. Que veut vraiment dire le terme «prendre un congé politique» ? En fait, le ministre Sawmynaden, muré dans son silence depuis des semaines et acculé par les médias, le panel légal de la veuve Kistnen et l’opinion publique, a fini par craquer. Devenu un poids lourd pour le gouvernement, il a dû soumettre sa démission comme ministre après sa convocation under warning par le Central Criminal Investigation Department. Il devra maintenant faire face à la justice qu’il a essayé d’esquiver pendant des semaines.

Cependant, il reste député de l’Assemblée nationale car rien n’est prévu comme «congé politique» pour un parlementaire, comme l’explique Leevy Frivet, consultant en relations industrielles. «Qu’il ne fasse pas de politique ou qu’il fasse une politique du silence, le parlementaire reste membre de l’Assemblée nationale. Bien que son salaire ait diminué, l’ex-ministre garde ses privilèges de député. Il perçoit son salaire en tant que membre du Parlement», précise l’ancien conseiller au ministère du Travail.

De Rs 375 000 à Rs 159 000

Ajay Gunness, du Mouvement militant mauricien (MMM), ex-parlementaire et ancien ministre, souligne que le terme «congé politique» n’existe ni dans la pratique ni dans les lois concernant un parlementaire. «Je pense que le ministre a honte de dire qu’il a démissionné de son poste. Même s’il n’est plus ministre, il reste tout de même un député et jouit de ses privilèges et salaires. S’il prenait un congé politique, il serait judicieux qu’il ne jouisse pas de son salaire et de ses privilèges. Ce serait intéressant de voir», fait-il ressortir.

Yogida Sawmynaden, en tant que membre élu de l’Assemblée nationale, bénéficie donc d’un salaire et d’allocations. Il ne bénéficie pas de sick leave ou de local leave comme un employé normal mais il peut s’absenter du Parlement pour une durée indéterminée, sauf si une motion est présentée pour déclarer son siège vacant. Par conséquent, si l’ex-ministre ne se rend pas au Parlement à la rentrée, il sera en congé payé. En fait, son salaire, qui inclut des allocations d’essence, de téléphone, entre autres, va seulement diminuer, passant de Rs 375 000 à Rs 159 000.

Le congé politique est évoqué lorsqu’un membre d’un parti politique se met en retrait ou prend un temps de réflexion sur son avenir dans ce parti. Pradeep Jeeha avait pris un congé politique du bureau politique du MMM en 2018.

Par ailleurs, en France, le congé politique existe. Il a pour but de permettre à des salariés d’exercer leur mandat ou fonction d’élu. Et la durée de ce congé est d’un maximum de 20 heures par semaine. L’employeur continuera à leur verser l’intégralité de leur rémunération, mais il se fera rembourser le montant correspondant aux heures de congé politique.