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Manifestation du 13 février: Pour un retour à l’État de droit

12 février 2021, 09:40

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Manifestation du 13 février: Pour un retour à l’État de droit

Dénoncer un système où la politique décide de la justice !

La manifestation du 29 août 2020 avait pour fondement un problème lié à l’environnement, notamment le naufrage du «Wakashio». Celle prévue pour demain intervient à la suite des affaires relevant de la justice criminelle : un crime commis, des morts suspects, des actes de corruption et d’autres délits l’entourant. Les deux événements ont en commun la mise en cause de la responsabilité de ceux qui aujourd’hui détiennent le pouvoir politique. Mais il y a surtout ce système foncièrement défaillant qui existe à Maurice, permettant de faire fi ouvertement des principes de justice, de l’État de droit, un système qui piétine les exigences d’une société libre et démocratique.

Notre système de justice est entaché par la domination qu’il subit de la part du pouvoir politique, notamment celui de l’exécutif, des politiciens d’un jour qui, après avoir remporté une élection, se substituent aux institutions dotées d’une certaine indépendance d’action, contrôlent leurs mécanismes de fonctionnement, et dictent aux agents publics leur propre définition de la justice.

L’indépendance de la police

On clame trop facilement l’indépendance de l’institution qu’est la police, et on cite la Constitution de Maurice en appui, alors que celle-ci se donne dans une confusion qui profite à des politiciens une fois au pouvoir. Des critiques implicites sont faites à l’égard du commissaire de police quant à sa subordination vis-à-vis de «là-haut». C’est injuste, car la Constitution du pays elle-même donne au Premier ministre le pouvoir de déterminer l’étendue de son ascendant sur le commissaire de police.

La Constitution précise que le Premier ministre peut donner des «general directions of policy with respect to the maintenance of public safety and public order» comme bon lui semble, c’est-à-dire que c’est au Premier ministre de décider de la nécessité de telles directives. Et, ajoute la Constitution, le commissaire est obligé de les suivre.

Mais que veulent dire les termes «general directions of policy» ?

Dans cette expression on peut tout y mettre. Tout peut être formulé comme policy. N’importe quelle action, n’importe quelle mesure, quelle directive, que le Premier ministre veut voir exécuter peut être rédigée comme une policy. Nous sommes donc en présence d’une disposition constitutionnelle qui consacre la subordination de l’institution de la police au politicien.

On notera, par ailleurs, et comme pour enfoncer le clou, que la section 71 de la Constitution ajoute que le Premier ministre ou ministre de l’Intérieur peut s’occuper de «the organisation, maintenance and administration of the Police Force».

La disposition sur l’indépendance du commissaire se trouve dans les lignes suivantes : «The Commissioner shall not, in the exercise of his responsibilities and powers with respect to the use and operational control of the force, be subject to the direction or control of any person or authority.»

Mais si le commissaire doit diriger des opérations (use and operational control) selon les directives du Premier ministre, on se demanderait bien si cette indépendance d’action prescrite dans la Constitution ne relèverait pas plutôt d’une importance plus académique que réelle.

Ingérence systémique

L’ingérence de la politique dans le système de justice ne peut que le rendre défaillant et inique. Et ce qui se passe aujourd’hui n’est qu’une illustration des dysfonctionnements récurrents d’un système qui génère, sous pression politique, de révoltantes immunités et impunités ou qui, dépendant de celui ou celle qui est concerné, des arrestations arbitraires, des charges provisoires.

Un système de justice dépend avant tout des institutions pour assurer l’adhésion du citoyen à des lois du pays. Les institutions décèlent les crimes et délits, mènent des enquêtes et instruisent les procès dans une Cour de Justice devant le juge ou le magistrat. Les institutions qui portent des accusations sont déterminantes dans le rendu de la justice. Si elles ne voient pas de crime ou de délit commis, si elles ne font pas d’enquêtes où qu’elles les bâclent, ou encore si elles n’instruisent pas les procès correctement, le juge ou le magistrat n’y peut rien.

L’indépendance de ces institutions est cruciale si l’on veut que justice soit rendue. Une institution qui dépendrait du pouvoir politique et qui marcherait au pas des politiciens, ne laisse pas aux agents publics la possibilité de faire leur travail de manière libre et indépendante.

Culture

Nous sommes pris dans un système qui dépend, pour que justice soit rendue, du bon vouloir des personnes au pouvoir, de leur culture, de leur acceptation du principe de l’indépendance des institutions. Et avec l’indépendance de la police vis-à-vis des politiciens au pouvoir qui n’est pas consacrée par la Constitution, la tentation d’abus de pouvoir se renforce.

Tout le mal que vit notre société provient de cette conjugaison de culture des êtres ayant pris goût au pouvoir et vide constitutionnel.

Manifestons !

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