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Arrestation et démission de Nobin: l’express avait déjà enquêté en 2018

30 décembre 2020, 08:30

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Arrestation et démission de Nobin: l’express avait déjà enquêté en 2018

L’ancien commissaire de police (CP) et commissaire des prisons (NdlR : il a démissionné dans la soirée d’hier), Karl Mario Nobin, a été traduit au tribunal de Port-Louis, hier, sous une accusation provisoire de «using office for gratification» sous l’article 7 (i) de la Prevention of Corruption Act. Il a été placé en état d’arrestation peu après son arrivée dans les locaux du Central Criminal Investigation Department (CCID), aux Casernes centrales, à 11 h 29, dans le sillage de l’enquête sur l’octroi en urgence d’un passeport au présumé trafiquant de drogue Mike Brasse en 2016, alors qu’il était commissaire de police. Mario Nobin a pu retrouver la liberté après avoir payé une caution de Rs 75 000 et signé une reconnaissance de dette de Rs 2 millions. 

C’est la quatrième fois hier que Mario Nobin était convoqué au CCID dans le cadre de cette enquête pour être interrogé, comme les trois fois précédentes, under warning. Le Passport and Immigration Officer, l’assistant surintendant de police (ASP), Narendrakumar Boodhram, avait donné une déposition à cet effet le jeudi 4 avril 2019 pour expliquer qu’il avait reçu des instructions de l’ancien CP pour traiter ce dossier. 

Une dizaine de minutes avant que Mario Nobin n’arrive dans les locaux du CCID, son avocate, Me Narghis Bundhun, était déjà présente. Il a été confronté à une série de dix questions principalement sur une liste d’appels téléphoniques émis en août et septembre 2016, quand il était CP. 

Vers 14 h 05, Mario Nobin a été embarqué dans un véhicule du CCID pour être conduit au tribunal de Port-Louis. Plusieurs policiers et même des hauts gradés s’étaient massés devant les locaux du CCID pour regarder l’ancien chef de la police partir au tribunal comme un détenu. Certains ne se sont pas gênés pour passer des commentaires. 

Dans la journée de lundi, des enquêteurs du CCID déclaraient que des preuves dans cette affaire étaient accablantes pour Mario Nobin. Cela après que Vinod Domah, qui était à l’époque assistant CP et divisional commander de la division Nord, était venu le même jour donner une nouvelle déposition pour clarifier des points de sa déposition antérieure où il avait évoqué avoir reçu des instructions de Mario Nobin pour fournir en urgence un passeport à Mike Brasse, un habitant de Grand-Gaube, qui avait rapporté son passeport perdu ou volé.

Une enquête journalistique initiée il y a près de trois ans

L’affaire Mike Brasse avait été révélée après avoir fait l’objet d’une minutieuse enquête par l’émission Menteur Menteur en… mars 2018 ! À l’époque, l’affaire avait été reléguée au second plan médiatique par le Platinumgate avec l’ex-présidente de la République au coeur du scandale avec l’homme d’affaires Alvaro Sobrinho. 

L’émission d’investigation avait révélé, documents à l’appui, que c’est la signature de Mario Nobin qui avait permis à Mike Brasse – qui avait officiellement perdu son passeport – d’en obtenir un nouveau après cinq jours. C’est justement lors de son voyage, immédiatement après avoir récupéré le précieux document, que Mike Brasse allait se faire arrêter à La Réunion avec 42 kg d’héroïne. Pour justifier sa requête pour l’émission urgente d’un passeport – à laquelle Mario Nobin avait agréé en signant l’ordre, le trafiquant avait prétendu qu’il allait récupérer son bateau l’Îlot Gabriel qui était en réparation à l’île soeur. Or, selon l’enquête réunionnaise, c’est ce même bateau qui avait transporté les 42 kg d’héroïne de Madagascar. 

La police pense que Brasse aura «Gratifié» Nobin

Non seulement le document portant la signature de Mario Nobin avait été montré pendant l’émission, mais Menteur Menteur avait même interrogé Mario Nobin. Le CP d’alors avait affirmé qu’il ne savait rien du trafic de drogue mené par Mike Brasse. «J’ai juste suivi la procédure», disait-il. Une affirmation démentie par la rédaction de Menteur Menteur car de précédentes circulaires du bureau du CP imposaient la prudence face à l’émission de passeports en urgence. De surcroît, la raison avancée par Mike Brasse ne satisfaisait pas les critères d’émission d’un passeport en urgence. 

Si peu d’informations fuitent sur le dossier à charge, une chose est certaine à partir de l’acte d’accusation : la police pense que Mario Nobin a tiré des bénéfices personnels de cette signature et elle a donc retenu une accusation de «public official using office for gratification» contre l’ex-CP. Quels bénéfices ? Le CCID semble être le seul à avoir la réponse. Autre troublante information : certaines sources aux Casernes Centrales affirment que le pouvoir en place pense aujourd’hui avoir les moyens d’atteindre un éminent politicien de l’opposition à travers cette affaire, d’où la motivation de la police. Le scandale Brasse n’a peut-être pas encore révélé tous ses secrets.