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Rétrospective économique 2020: une année à oublier

16 décembre 2020, 19:00

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Rétrospective économique 2020: une année à oublier

Alors que le Nouvel An approche, il est temps de regarder dans le rétroviseur. Bien évidemment, l’année 2020 a été marquée par le nouveau coronavirus, qui a eu des séquelles non seulement sanitaires mais aussi économiques, dont on ressent toujours les effets.

1.Textile : une reprise en demi-teinte

La fermeture récente d’Esquel Group est un rappel que le Covid-19 a eu un impact considérable sur le secteur textile qui filait déjà un mauvais coton avant la pandémie. Plusieurs enseignes étrangères ayant mis la clé sous le paillasson à travers le monde, ici, les commandes ont accusé une chute importante, sans compter que le doute sur le paiement pour les commandes déjà prêtes était persistant et cela alors que les usines locales sont restées fermées pendant le confinement.

Pour la période de janvier à septembre 2020, la valeur de l’exportation des produits textiles était chiffrée à Rs 3,2 milliards contre Rs 3,5 milliards pour la même période en 2019, selon les chiffres de Statistics Mauritius. Toutefois, des signes de reprise dans certains créneaux font surface après la tempête Covid-19.

«La fermeture temporaire de nos usines pendant la ou les périodes de confinement a entraîné une chute significative de notre chiffre d’affaires et un ajustement à la baisse de notre production. De nombreux retailers se sont retrouvés en difficultés financières, certains en faillite, engendrant une hausse des impayés pour les fournisseurs. Toutefois,nous avons noté une forte reprise de nos activités Knitwear et Knits dès le mois de juillet et cette tendance semble se maintenir pour les mois à venir. En revanche, on observe une baisse de près de 40 % de la demande de chemises en raison de la hausse du télétravail et il reste pour l’instant difficile d’estimer une date de reprise sur ce segment étant donné l’évolution de la pandémie dans le monde», relève Eric Dorchies, CEO de CIEL Textile.

Des opportunités se présentent malgré tout à l’instar de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis et le conflit opposant Beijing à la communauté internationale concernant la province du Xinjiang. «Cette dynamique devrait être favorable aux autres pays producteurs dont Maurice, Madagascar, l’Inde et le Bangladesh où nous sommes implantés. Outre notre positionnement géographique, nous avons une excellente carte à jouer sur le sustainability qui devient primordial pour nos clients et où nous sommes également bien positionnés. Nous sommes donc relativement confiants pour 2021 en espérant une reprise du Woven dès la levée des mesures de confinement en Europe.»

Nous avons quand même des défis à relever, selon Eric Dorchies. L’enjeu est davantage de proposer des produits de qualité, respectueux des hommes et de l’environnement tout en restant compétitifs. «L’environnement des affaires et le coût du travail sont également primordiaux car nous devons être agiles et responsive dans un contexte qui évolue très vite. Pour Maurice, un rapprochement avec Madagascar est souhaitable pour proposer une offre régionale forte et compétitive. La dépréciation de la roupie joue également en faveur des industries exportatrices mais il faudrait s’attaquer au coût du fret qui est problématique à l’heure actuelle.»

2. Tourisme : un secteur mis à genoux

C’est de loin le secteur le plus affecté par le Covid-19 à Maurice comme à travers le monde. Avec 369 touristes ayant foulé le territoire mauricien en septembre, le secteur n’a généré que Rs 215 millions contre Rs 4,4 milliards pour la même période en 2019, selon les chiffres de la Banque de Maurice. Secoué par les licenciements, le secteur a pu maintenir la tête hors de l’eau en s’appuyant entre autres sur l’aide gouvernementale.

«Le tourisme est à l’arrêt depuis la mi-mars. Pour un secteur qui est au service de 100 000 à 150 000 touristes chaque mois, la situation est devenue extrêmement difficile et l’incertitude persiste. Heureusement, le secteur bénéficie du soutien des autorités, notamment du Government Wage Assistance Scheme et de l’annulation des loyers sur les terrains à bail de l’État. L’emploi chez les opérateurs formels est plus ou moins maintenu car la loi a été amendée afin de décourager, voire interdire, les licenciements. Par contre, chez les opérateurs informels, la situation est bien plus grave. Même si l’État offre son aide aux self-employed et aux micro-entreprises, formels et informels confondus, la disparition subite des recettes touristiques à hauteur de Rs 63 milliards en 2019 a été fatale pour beaucoup», fait-on remarquer à l’Association des hôteliers et des restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM).

Pour ce qui est de l’hôtellerie, fort heureusement, à ce jour, nous n’avons pas de fermeture d’hôtels, certains offrant des services de quarantaine et d’autres visant la clientèle locale. «Ces activités leur donnent effectivement un peu d’air. Mais ces efforts consistent surtout en des actions fortes de réduction de coûts et de maîtrise de la trésorerie. Le soutien de leurs actionnaires est essentiel, alors que les banques et éventuellement la SIC ou la Mauritius Investment Company gardent confiance en la viabilité de ces opérateurs résilients. Pour ces autres opérateurs qui sont moins costauds, il nous faut rester vigilants, il y a au moins 900 maisons d’hôte et résidences touristiques exposés à divers degrés de risque en ce moment.»

Si, à Maurice comme ailleurs, le manque de visibilité sur la suite n’est pas très encourageant, le début de distribution de vaccins pourrait aider à une reprise en 2021. «Le choix du pays de maintenir un régime de quarantaine rigide et inflexible est incompatible avec le mode d’opération dans le secteur du tourisme. Avec les incertitudes sanitaires qui prévalent sur nos principaux marchés, il va de soi que certains objectifs par rapport à une relance de notre tourisme semblent difficilement atteignables», ajoute-t-on à l’AHRIM. Mais on ajoute, optimiste, «il ne faut pas être fataliste, il faut au contraire continuer à se préparer à repartir. Que ce soit pour une quatorzaine menée de manière plus conviviale pour le touriste, ou pour l’impact positif créé par le vaccin qu’on aura jugé acceptable, il nous faut activer nos projets de réouverture au monde international du tourisme avec beaucoup plus d’insistance et de constance».

3.PME : la prudence de mise

Les petites et moyennes entreprises (PME) n’ont pas échappé aux rafles de la pandémie. À septembre dernier, on comptait la fermeture d’une centaine de commerces de PME depuis le confinement, représentant pas moins d’environ 7 000 emplois de perdus. Depuis des mesures d’aide gouvernementales ont été mises sur pied. «Les PME comme tout autre secteur du pays ont visiblement beaucoup souffert de la pandémie et pour ceux qui dépendent du tourisme et des services associés, l’impact a été encore plus dur. Tous s’accordent à dire que ces derniers mois ont été difficiles pour l’entrepreneuriat en général.C’est difficile pour nous de chiffrer avec certitude le nombre de PME qui ont dû fermer et la perte d’emploi y résultant, mais notre proximité avec les PME démontre qu’il y a eu des corrections dans leurs modèles d’opération pour réduire leurs coûts, qui forcément ont entraîné une réduction du personnel», explique Ravin Rampersad, CEO de SME Mauritius.

La récession économique n’aidant pas, l’heure est donc à la prudence pour les PME et il faudra naviguer avec précaution en 2021. «Sur le court terme, les PME seront prudentes surtout avec la contraction économique annoncée et un marché hésitant et en manque de confiance. Mais on note aussi qu’il y a un bon nombre d’entrepreneurs et d’aspirants entrepreneurs qui utilisent ce temps, disons perdu, pour consolider leurs opérations et d’autres qui se positionnent pour prendre des marchés niches qu’ils ont identifiés durant le confinement. Cela se reflète dans la demande pour les plans d’aide de SME Mauritius et dans le nombre croissant de start-up qui s’enregistrent à la SME Registration Unit. J’espère pour tout le monde que le vaccin arrive vite et que les affaires pourront davantage se normaliser durant le deuxième trimestre de 2021.»

4. Services financiers : l’ombre de la liste noire plus percutante que le Covid

En perte de vitesse dans son rôle de plate-forme clé pour l’investissement en Afrique, liste noire oblige, le secteur des services financiers a vécu une année difficile. Il est officiellement blacklisté le 1er octobre dernier et les rouages gouvernementaux sont mis en marche afin de nous sortir de cette fameuse liste au plus vite. Cependant, la pandémie a eu son petit effet, les frontières étant fermées et le confinement battant son plein en Europe, il était difficile pour les décideurs mauriciens de négocier en face-à-face avec les dirigeants de l’Union européenne (UE) la non-inclusion de Maurice dans cette liste noire.

En pleine crise économique, cette épine dans le pied du secteur des services financiers a des conséquences, comme l’explique Assad Abdullatiff, Managing Director d’Axis, dans un entretien accordé à l’express en septembre dernier. «Il y a deux conséquences pour les pays figurant sur la liste noire de l’UE, nommément le fait que les établissements financiers européens seront tenus d’appliquer une vigilance renforcée des transactions à partir et vers Maurice et ensuite les entités mettant en œuvre des fonds de l’UE ne pourront sauf dérogation entreprendre des opérations nouvelles ou renouvelées avec des entités établies à Maurice.»

Il ne faut pas non plus négliger l’impact de notre présence dans cette liste noire pour attirer des investissements étrangers dans le secteur des services financiers ni l’avantage que cela représente pour nos compétiteurs dans la région à l’instar du Rwanda. «Nos concurrents utiliseront cela pour inciter les clients à les utiliser au lieu de nous utiliser. Toutefois, les clients qui connaissent l’île Maurice, ainsi que les intermédiaires professionnels tels que les cabinets d’avocats internationaux et les cabinets comptables, sont conscients de la robustesse de notre cadre juridique et réglementaire en matière de LBC / FT. Ils apprécient que les carences du FAFT ne sont pas des carences techniques mais que la GAFI veut que l’on démontre l’efficacité avérée du cadre réglementaire. Nous espérons donc qu’ils continueront à utiliser et à recommander l’île Maurice comme centre financier international.»