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Vijay Ramanjooloo: «Le cerveau de l’être humain est structuré par son environnement»

17 novembre 2020, 19:30

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Vijay Ramanjooloo: «Le cerveau de l’être humain est structuré par son environnement»

Cette question est sur toutes les lèvres depuis la découverte du cas d’infanticide : «Comment une mère a-t-elle pu laisser son enfant être battu mort ?» Et de surcroît, devenir complice du bourreau qui a ôté la vie du petit Ayaan, deux ans. Votre analyse.
D’abord, je tiens à souligner que mon analyse portera sur ce qui a été rapporté dans la presse. Car je n’ai rencontré ni la mère, ni son compagnon, d’ailleurs. On ne connaît pas l’état d’esprit de la maman. On ne sait pas non plus ce que l’enfant représentait pour elle. S’agit-il d’un enfant nondésiré issu d’un mariage avec un partenaire qui a rendu sa vie difficile ? Ou encore d’un enfant qui lui rappelle trop son ex-compagnon ? Souvent, si l’on n’aime pas son partenaire, on a tendance à le confondre avec l’enfant qu’on a eu de lui. Si c’est le cas de cette femme, pathologiquement, cela se traduit par la complicité en restant de marbre vis-à-vis d’actes de barbarie. Autre chose, si on tombe amoureux de quelqu’un qui nous fait perdre notre perspicacité, cela devient aussi une pathologie. On perd notre subjectivité. On se confond avec l’autre et on croit que ce qui est bon pour lui est aussi bon pour soi. Ainsi on n’arrive pas à distinguer le bien du mal. On aime tant la personne qu’on a peur de le perdre et on devient ainsi sa complice. En fait, on a tendance à croire 1 + 1 = 1. On ne fait qu’un avec l’autre. Or, on est deux personnes distinctes.

Lors de son interrogatoire, le suspect a déclaré qu’il a frappé l’enfant dans un accès de colère. L’enfant, rappelonsle, portait des ecchymoses sur tout le corps, y compris ses parties privées. Jusqu’où peut-on aller dans un accès de colère ?
C’est humain d’être en colère. Toutefois, cela devient problématique quand on passe à l’acte et qu’on agresse l’autre. Surtout quand on a un enfant en face. Quand on agresse un enfant de cet âge, il ne peut pas se défendre et il ne peut rien dire, sauf pleurer. Plus le bébé crie et pleure de souffrance, plus l’auteur devient agressif. On a l’impression que c’est de la psychopathie. Il faudra évaluer l’état mental du suspect. Ce n’est pas une excuse, mais malheureusement c’est ainsi… Des études et mon expérience personnelle démontrent que les bourreaux d’aujourd’hui sont, en fait, des victimes d’hier. On ne cessera jamais de le répéter. Un enfant qui reçoit des coups fera de même quand il sera en position de répéter son histoire.

On apprend que le suspect prend de la méthadone. Est-ce que cette substance peut cau- ser le comportement violent de l’individu ?
La méthadone, comme nous le savons, est une drogue de substitution. Il ne faut pas l’associer à l’acte de violence. La question qui se pose : ‘cette personne consommait-elle uniquement de la méthadone, ou la mélangeait-il à d’autres cocktails qui le mettaient hors de lui ?’ Mais cela révèle que le suspect a un problème de dépendance. 90 % à 95 % des usagers de drogue ont l’un des problèmes suivants : troubles de l’anxiété, dépression majeure, bipolarité ou schizophrénie. Il faut savoir ce qui a fait ce jeune homme basculer dans la dépendance.

À 22 ans, un jeune homme peut-il assumer le rôle de «père» ?
À cet âge, on est encore en développement cognitif, et donc émotionnel. Devenir père est tout un processus. À 22 ans, on n’est pas encore prêt pour assumer des responsabilités physiques, matérielles et émotionnelles. Il ne suffit pas d’être un homme. Être un homme, c’est aussi ce qu’on transmet et le cadre de référence qu’on devient pour nos enfants.

Qu’est-ce qui explique que les enfants sont souvent victimes d’abus divers aux mains des adultes ?
Il y a tous ces aspects que j’ai abordés dans les questions précédentes. Ensuite, il y a une école de pensée qui croit que l’être est né avec des gènes agressifs, quoiqu’il y ait de multiples causes. Sauf si on fait un travail sur soi et qu’on bénéficie d’un encadrement familial. Car le cerveau humain est structuré et nourri par son environnement.

 

 

Ces enfants martyres

<p>Maurice a connu plusieurs cas révoltants. Dans le cadre de la Journée mondiale pour la prévention des abus envers les enfants, le 19 novembre, voici un récapitulatif de ces horreurs.</p>

<p><strong>Mai 2004 </strong></p>

<h3>Pratima Peeharry fracasse le crâne de son bébé sur la route&nbsp;</h3>

<p>Ce drame avait mis le village de Mahebourg en émoi. Un bébé de six mois a fait les frais d&rsquo;une colère d&rsquo;une rare violence. Suivant une dispute avec une proche de son concubin, Pratima Peeharry, 27 ans, la mère, a projeté sa fille sur la route. Ayant eu la tête fracassée, l&rsquo;enfant est mort le même jour. C&rsquo;est un pêcheur, qui a fait la découverte macabre. Le corps ensanglanté du nourrisson a été retrouvé à la Rue Colony à Mahébourg. Transporté à l&rsquo;hôpital Jawaharlall Nehru à Rose-Belle, son décès a été constaté par le médecin de service. La raison de cet horrible acte de violence : le fait que son concubin ne voulait pas reconnaître l&rsquo;enfant. Septembre 2005</p>

<h3>Manchika Ghumaria, quatre ans, est égorgée par son père&nbsp;</h3>

<p>La rue La Tapie, à Brisée-Verdière, a été le théâtre d&rsquo;un double meurtre. Soupçonnant son épouse d&rsquo;infidélité, Rakesh Ghumaria, un maçon de 29 ans, est entré dans une folie meurtrière. Il a poignardé mortellement son épouse Dulekha et a égorgé leur fille de quatre ans avant de tenter de s&rsquo;immoler.</p>

<p><strong>Septembre 2007</strong></p>

<h3>Un bébé d&rsquo;un jour projeté sur le sol</h3>

<p>À Goodlands, Vanessa Curpen, âgée d&rsquo;une vingtaine d&rsquo;années, est accusée d&rsquo;avoir tué son&nbsp;nouveau-né, une fille d&rsquo;un jour après une dispute avec son époux, Indiren. Ce dernier aurait émis des doutes sur sa paternité et a déclaré à son épouse que le bébé ne lui ressemblait pas. Dans un accès de rage, Vanessa Curpen a projeté son bébé sur le sol. Le nourrisson a succombé à une fracture du crâne.</p>

<p><strong>Décembre 2014</strong></p>

<h3>Drishtee jeetoo, torturée à mort par son beau-père&nbsp;</h3>

<p>Ce drame s&rsquo;est joué à proximité du terrain de football de Rose-Belle. Drishtee Jeetoo, trois ans, a succombé aux coups que le compagnon de sa mère, Yavinash Luchmun, lui a infligés. Le jeune homme de 27 ans, qui était un toxicomane sous traitement de méthadone, avait expliqué qu&rsquo;il ne pouvait plus supporter les pleurs de l&rsquo;enfant, qui refusait de rentrer à la maison. La petite voulait continuer à jouer avec ses amis sur le terrain de football. En ce jour fatidique, Yavinash Luchmun, un boulanger habitant Rivière des Anguilles, était venu rendre visite à sa concubine et avait emmené la petite pour acheter des friandises.&nbsp;</p>

<p><strong>Mars 2020 </strong></p>

<h3>Fareeda Jeewooth, 10 ans, est retrouvée morte</h3>

<p>Elle gisait sous un tas de fumier à Mare-du-Puits, Belle-Mare. Soumis à un interrogatoire serré, sa mère, Pallavi Khedoo, et son concubin, Deven Chiniah, ont expliqué que c&rsquo;est sous le coup de la colère que le drame est survenu. La fillette prenait trop de temps pour finir son dîner. La mère et son partenaire lui ont asséné plusieurs coups à la tête. Ils ont par la suite caché la dépouille dans un champ de cannes à Belle-Mare, sous un tas de fumier, à trois kilomètres de leur domicile à Quatre-Cocos. La fillette était une enfant battue. Des voisins avaient porté plainte à plusieurs reprises à la &laquo;<em>Child Development Unit&raquo;.</em></p>