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Fourniture 24/7: pourquoi ça tombe à l’eau

31 octobre 2020, 17:25

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Fourniture 24/7: pourquoi ça tombe à l’eau

De l’eau qui coule sans s’arrêter du robinet, tous les jours… Cela fait des années et des années que les gouvernements successifs le promettent aux consommateurs. Mais à chaque fois, c’est la désillusion. Pourquoi ? Comment ?

«24/7 li pa vé dire gagn delo to lématin ziska tar leswar (…)» Ces propos du Premier ministre, lors d’une site visit au Rivière-des-Anguilles Dam, mardi, ont suscité beaucoup de critiques. Mais ils illustrent bien la réalité de plusieurs familles mauriciennes et rodriguaises. Si la promesse est la même depuis plusieurs années, les robinets, eux, sont (trop) souvent à sec. Sur une population de 1 265 475 personnes, 245 000 foyers bénéficient du service 24/7, le vrai. Pour ne pas faillir à la tradition et comme ses prédécesseurs, l’alliance Lepep, avait, en 2014, promis l’approvisionnement non-stop en or bleu. L’alliance Morisien en a fait de même lors des dernières législatives. Des promesses qui tombent à l’eau, une nouvelle fois, semble-t-il.

Pour essayer de comprendre pourquoi, penchons-nous sur les explications données par certains dirigeants. La Private Notice Question de l’ancien leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, le 26 mars 2019, était axée justement sur l’approvisionnement en eau. Ce dernier avait demandé au Deputy Prime Minister et ministre des Services publics d’alors, Ivan Collendavelloo, pourquoi à mars 2019, la promesse d’une fourniture d’eau 24/7 faite à toute la population n’était toujours pas d’actualité et ce depuis 2014. «Il y a deux ans de cela vous aviez promis de l’eau 24/7 à la population.(…) il y a des critiques et des manifestations partout à travers le pays. Que dites-vous à la population ? Leur avez-vous menti ?» s’était insurgé XavierLuc Duval.

À cette question, Ivan Collandavelloo devait répondre que «70 % de la population reçoit de l’eau 24/7. Il n’y a pas de mal à être patient». En ajoutant que “lie is not on this side, stupid laughter is not on this side, 10 % is not on this side, fake propaganda is not on this side. They don’t know what is a PNQ. There is no lie…” Et d’assurer que la situation serait meilleure fin 2019. Sauf que, alors que 2020 s’apprête à tirer sa révérence, le 24/7, c’est toujours «pa vé dire gagn delo to lématin ziska tar leswar (…)»

Qu’est-ce qui cloche au juste ? Une source à la Central Water Authority (CWA) explique qu’à ce jour encore, 30 à 35 % de la population, soit environ 80 000 abonnés, n’ont pas accès à un approvisionnement en eau potable 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Les raisons varient, mais l’officier explique que c’est surtout à cause de Dame Nature... «Il ne pleut plus vraiment suffisamment pour remplir les réservoirs à 100 %. Et avec le nombre de foyers qui ne cesse d’augmenter, les réservoirs se vident plus rapidement qu’ils ne se remplissent.»

Sunil Dowarkasing, ancien global strategist à Greenpeace, qui a étudié la question du problème d’eau à plusieurs reprises, explique que le changement climatique y est pour quelque chose. Mais que le nombre de constructions, de bâtiments, d’infrastructures qui voient le jour partout, est loin d’arranger la situation. «Nous avons de plus en plus de personnes qui obtiennent des permis pour des nouveaux morcellements à certains endroits. Ce qui fait que les foyers augmentent mais la capacité de nos réservoirs et du réseau de distribution, elle, n’augmente pas.»

Qui plus est, cela fait longtemps qu’on ne peut plus compter sur nos nappes phréatiques pour nous tirer d’affaire, comme autrefois, renchérit notre source à la CWA. Des 300 recensées en 2018, 164 sont régulièrement exploitées pour l’irrigation mais aussi par les… revendeurs de bouteilles d’eau... Seuls les 52 % restants alimentent nos robinets. Et, à cause des constructions et la qualité de la terre, les nappes souterraines ne peuvent se remplir qu’à 40 %.Comme l’explique Sunil Dowarkasing, «il faudrait absolument que celles-ci ne soient plus utilisées pour l’irrigation, par exemple. Il y a l’eau recyclée de Saint-Martin, qu’on peut utiliser pour cela. Qu’on garde celles des nappes pour approvisionner les foyers.»

Mais il n’y a pas que cela qui empêche une distribution 24/7. «50 % de l’eau que contiennent nos réservoirs se perdent dans les tuyaux». Des ‘fuites’ que l’on peine à contenir, visiblement, et ce depuis des années. Et malgré le fait que, de 2014 à 2019, 6 milliards de roupies ont été allouées à la CWA pour l’amélioration des infrastructures et du réseau de tuyaux justement. Il existe toujours des endroits à Maurice où ceux-ci datent de l’époque de nos aïeux. Ainsi, à juin 2019, seuls 438 kilomètres de tuyaux ont été remplacés à travers tout le pays…«Ce qui fait que par exemple, si 100 000 litres sortent d’un réservoir, au bout de la chaîne de distribution, il y en aura seulement 50 000 qui atterrissent dans les robinets…»

Et puis, on aura beau blâmer les autorités, la CWA ou encore Dame Nature, il y a un autre facteur à prendre en compte : le gaspillage. «Certaines personnes ne comprennent toujours pas que pour le lavage des voitures, le jardinage, le ménage, entre autres, il faut commencer à collecter de l’eau de pluie», fait valoir Sunil Dowarkasing. Selon l’officier de la CWA, c’est parfois dans des situations extrêmes, soit quand les camions-citernes sont amenés à dépanner les particuliers, que l’on voit l’étendue du gaspillage. «Kan ariv devan laport sertin dimounn, ena pa konpran. Zot pa rod delo ziss pou bwar, pou baygné. Zot rodé pou lav loto, netway sali…Ena mem dir nou donn zot delo pou zet devan laporte apré ki lisyen inn asizé. Sé la ki nou trouvé koumma éna gaspiyaz. Kan zot ti kav servi delo lapli pou fer tousala…»

Si 100 000 litres sortent d’un réservoir, au bout de la chaîne de distribution, il y en aura seulement 50 000 qui atterrissent dans les robinets…

Alors, le 24/7 restera-t-il un ‘mythe ’? Tombera-t-il à l’eau tout comme des projets dont le dessalement de l’eau de mer ? Selon nos interlocuteurs, tout dépendra des décisions à venir en ce qui concerne nos réservoirs, nos nappes phréatiques, le réseau de tuyaux. Mais il y va également du coup de main des citoyens, qui sont appelés à changer certaines habitudes…